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 Donner la mort,ou se donner la mort

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MessageSujet: Donner la mort,ou se donner la mort   Donner la mort,ou se donner la mort Icon_minitime06.03.12 14:42

Grégoire Moutel
Laboratoire d’éthique médicale et de médecine légale Faculté de médecine Paris Descartes

En février 2007, Chantal Sébire, patiente âgée de 52 ans, atteinte d’esthésioneuroblastome -tumeur évolutive des sinus et de la cloison nasale, qui lui déformait cruellement le visage et hors de portée thérapeutique, mutilante et hyperalgique- demande à bénéficier d’un geste d’euthanasie. Elle relance le débat public sur la question.
Mme Sébire avait écrit, le 6 mars, au Président de la République, pour lui réclamer le droit de mourir. Assistée de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), elle avait déposé une requête exceptionnelle devant le président du tribunal de grande instance de Dijon. Mais la justice avait rejeté sa demande d'euthanasie active, lundi 17 mars. Cette décision de justice était conforme à l’état de la législation sur la fin de vie du 22 avril 2005 (Loi Leonetti) qui permet de pratiquer des arrêts de soins ou des abstentions de soins sans permettre aux médecins de pratiquer une euthanasie active. Mme Sébire opposait des "souffrances intenses et permanentes", le "caractère incurable des maux dont elle est atteinte" depuis huit ans, et son "refus de devoir supporter l'irréversible dégradation de son état".
Après le refus de la justice, elle fut retrouvée morte chez elle, le mercredi 19 mars, suscitant de larges interrogations sur les causes de sa mort, mais dont on sait qu’elle était d’origine médicamenteuse. La question entre suicide ou suicide assisté –réalisé dans le secret- étant dès lors posé.
Dans une très grande partie des cas de fin de vie (réanimation, cancérologie, neurologie…), la loi Léonetti de 2005 –relative aux droits des malades et à la fin de vie- a permis de clarifier l'action médicale face ses limites et la proportionnalité du traitement mis en œuvre. En effet en évitant le prolongement de soins jugés abusifs, pouvant être qualifiés d’acharnement thérapeutique, cette loi permet un arrêt ou une limitation des soins, lesquels amènent le patient à décéder. Cette loi ne permet pas de geste actif et ne répond pas à la demande de Mme Sébire.
Cette demande est à rapprocher du cas de Vincent Humbert qui en 2002 fit le même type de sollicitation à la société. Une double hémiplégie -consécutive à des lésions cérébrales irréversibles au décours d’un accident de la voie publique- bloquait les fonctions motrices de tout son corps. Seule une motricité du pouce droit lui permettait de communiquer par pression. En décembre 2002, il fait écrire au Président de la République et lui demande le "droit de mourir". La réponse du Président est qu’il ne peut donner ce droit qui est demandé. En septembre 2003, la mère de Vincent Humbert injecte une dose de barbituriques dans la sonde gastrique qui le nourrit. Le geste échoue, il tombe dans un coma profond. Arrivé en réanimation, le médecin dit abréger les souffrances du patient en débranchant l'appareil qui l'aide à respirer.
Il convient d’étudier les différences de ces deux cas, car ils éclairent le débat et les choix en présence. Dans le cas de Mme Sébire, le suicide est possible par ses propres moyens. Dans le cas Humbert, il est impossible seul.
Pourquoi demander un geste accompagné lorsque le suicide serait possible ? Il s’agit pour les défenseurs de cette cause de faire reconnaître un nouveau type de mort par la collectivité. Le suicide y est aujourd’hui connoté négativement, la médecine a pour mission de le combattre -à juste titre dans les registres de pathologies psychiatriques- et de sauver les suicidants. Par ailleurs le suicide peut priver les descendants de droits : en matière d'assurance vie ou d’accidents corporels, le versement d’un capital peut être mis en question, selon les clauses des contrats. Enfin, la question de la réussite du geste est posé : un suicide peut mal se passer entraînant des souffrances ou des échecs, eux même générateurs de complications et souffrances nouvelles.
Ainsi le débat évolue vers deux concepts, le suicide assisté -où des médecins pourraient prodiguer conseils et délivrer matériels afin que le ou la patiente mette fin à ses jours- ou l’euthanasie active où le professionnel de santé réalise lui même le geste entraînant la mort.
Pour un médecin, pour tout soignant et pour les citoyens, il est légitime que le débat soit bien posé, car « donner » la mort est différent de se donner la mort. La conception du métier de médecin et de soignant et la conception que l’on a de l’homme peuvent légitimement amener certains à refuser l’euthanasie active.
Le suicide assisté est également différent de l’euthanasie active en ce sens qu’il respecte -en terme de symbolique et de réalisation du geste- totalement l’autonomie du patient jusqu’au moment ultime, à la dernière seconde. L’individu reste seul maître du jeu et responsable du geste.
Aucun de ces choix ne saurait être imposé à la médecine, sans débat et sans respect de clause de conscience. On comprendrait que notre société n’avance que lentement sur ces choix, mais si des décisions sont prises, il faudra à l’avenir envisager dans quelles situations et comment:
- la société peut (et doit) ou non reconnaître à certains citoyens le choix de leur mort,
- l’implication du tiers médical serait envisageable dans un choix qui n’est à ce jour pas reconnu comme d’ordre médical.
Tout cela amène à des bouleversements conceptuels fondamentaux : le premier serait d’accepter que des personnes qui souhaiteraient se suicider, voient désormais leur choix validé par la collectivité, le second serait -lors de geste actif par un médecin- de faire sortir de la clandestinité et du secret ce mode de décès, avec une protocolisation et des procédures dont la rigueur devrait être exemplaire.
Dans tous les cas, on conçoit que la décision ne se prenne pas dans l’urgence et que si à l’avenir des évolutions se faisaient jour, la notion d’exceptionnalité soit la règle, pour éviter toute banalisation
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