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 Le généraliste et la fin de vie

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MessageSujet: Le généraliste et la fin de vie   Le généraliste et la fin de vie Icon_minitime27.08.13 9:29


Résultats préliminaire de l’enquête « Opinion des médecins généralistes sur les directives anticipées de la loi Léonetti dans l’aide à la gestion des patients en fin de vie à domicile. »

novembre 30, 2012 dans contribution ) la consultation fin de vie


Stéphanie Baudin

Médecin remplaçant en SSE, interne de médecine générale

Dans cette phase de concertation nationale sur la fin de vie, l’Espace éthique/AP-HP propose différents éclairages dans le cadre de contributions qui ne sont pas représentatifs de ce que serait la position officielle de notre instance.

Je suis interne en médecine générale et je rédige actuellement ma thèse d’exercice, qui a pour titre : « Opinion des médecins généralistes sur les directives anticipées de la loi Léonetti dans l’aide à la gestion des patients en fin de vie à domicile. » Cette thèse est faite sous la direction du Dr INGENUO et sera soutenue en janvier 2013.

Dans ce cadre, j’ai rencontré des médecins généralistes Niçois, afin de recueillir leurs opinions sur la communication en fin de vie et le recueil des souhaits de ces patients pour leur prise en charge, leur formalisation par la rédaction de directives anticipées et enfin les difficultés rencontrées dans la gestion des patients en situation palliative.

L’analyse préliminaire des résultats de cette enquête, met en évidence de nombreux obstacles et difficultés et donne quelques pistes d’améliorations possibles :

En premier lieu, l’analyse des difficultés de communication avec les patients sur la fin de vie, fait ressortir un amalgame, fait par la population générale et même par quelques médecins, entre « acharnement thérapeutique » et « refuser de donner la mort ». En effet, il semble que les patients sont le plus souvent convaincus de ne pouvoir arrêter de souffrir qu’en arrêtant de vivre. Ils ne savent pas ce que représentent les soins palliatifs et assimilent les soins de confort de fin de vie à de l’acharnement thérapeutique. Des études montrent que les personnes confrontées à des décès qui se sont déroulés dans la souffrance sont d’autant plus demandeuses de fin de vie anticipée. Hors, nous avons désormais les moyens techniques et médicaux de soulager ces souffrances y compris la souffrance morale, il semble que le grand public n’en ait pas notion. Peut-être, avant de rouvrir le débat sur l’euthanasie serait-il bon de montrer les autres alternatives aux patients, de rassurer leurs peurs sur la souffrance et la douleur.

De plus, la majorité des demandes de patients, ou les quelques lettres ou directives anticipées qui ont été déposées à ces médecins se contentaient de d’affirmer: « je ne veux pas d’acharnement thérapeutique ».

Ceci pointe une grande méconnaissance de la loi Léonetti, en premier lieu par les patients, car leurs principales demandes : la prise en charge de la douleur et le non-acharnement, leurs sont déjà garanties par la loi. Une fois ces craintes apaisées lors de discussions sur le sujet avec leur médecin de famille, les demandes de mort anticipée disparaissent, les patients semblant avancer plus sereinement vers la mort. La loi Léonetti est une bonne loi, qui donne beaucoup de droit, mais manque de moyens et de notoriété pour être suffisamment bien appliquée.



Le deuxième point est que les médecins généralistes manquent de moyens pour gérer la fin de vie à domicile :

- Ils manquent souvent de connaissances et de formation sur le sujet. Ils ont des notions floues sur la loi, ses applications et manquent de formation, essentiellement médicale et pratique pour la gestion de la fin de vie. Le programme d’enseignement de 2e et 3e cycle sur ce sujet est très restreint. La formation continue est très théorique et presque confidentielle : on constate un gros manque d’apprentissage pratique. Ouvrir des terrains de stages dans des structures de soins palliatifs aux internes et aux externes en médecine serait par exemple un bon moyen de rentrer en contact avec la culture palliative. En effet, ce n’est qu’en étant au contact de ces acteurs que peut se développer la sensibilité nécessaire à la gestion des patients en fin de vie et que l’on peut apprendre à manier les techniques et les thérapeutiques nécessaires à l’apaisement des souffrances.

- Comme on a pu le constater en 2011 dans le rapport de l’Observatoire de la Fin de Vie : 58% des Français considèrent que l’hôpital n’est pas un lieu adapté à la fin de vie et 87% préfèreraient mourir chez eux. Cependant, le médecin généraliste, pivot du système de soin, qui articule la prise en charge autour du patient à domicile est très isolé et très mal reconnu pour ce type d’actes. En effet, dans notre enquête, la première difficulté rencontrée en palliatif à domicile, est le manque de temps, l’engagement personnel nécessaire à la gestion de ces patients. Il pourrait exister un acte « soin palliatif », revalorisé, qui permettrait à ces médecins de passer plus de temps auprès de ces patients, de pouvoir organiser des concertations pluridisciplinaires pour les aider à prendre les décisions difficiles. La décision collégiale est écrite dans la loi et pourrait permettre une meilleure prise de décision et un soulagement pour ces médecins, mais elle n’est pas applicable en l’état : le médecin n’ayant ni le temps, ni les interlocuteurs nécessaire à sa réalisation. Nous avons constaté dans notre étude que ce sont des médecins généralistes très impliqués mais épuisés, qui prennent sur leur temps personnel pour suivre ces patients. Beaucoup parlent de bénévolat, mais également de souffrance, d’épuisement, de burn-out. Ceux-ci mettent en avant la prévalence à hauteur de 14% du suicide chez les médecins généralistes et se désespèrent de constater que la relève ne se fera pas. Il est souligné que dans ces conditions d’exercice, les jeunes médecins installés ne font plus de visites et encore moins de soins palliatifs. (Je parle ici des médecins généralistes au cœur de mon étude, mais il existe la même souffrance et la même pénurie chez les infirmières, kinésithérapeutes et autres acteurs participant à la prise en charge de la fin de vie à domicile). Il ne serait pas très difficile d’envisager une cotation particulière, permettant de revaloriser ce genre d’actes, ce qui dégagerait du temps pour rester auprès du patient, pour permettre des discussions collégiales et des prises en charge d’équipe avec des temps de concertation, pour partager les souffrances des soignants et améliorer les prises en charges.

- Enfin, une autre constatation concerne la difficulté de faire le lien ville-hôpital. Nous avons constaté que les médecins généralistes connaissent l’état d’esprit et les volontés de leurs patients, même s’ils n’arrivent pas à les formaliser par des directives anticipées. Le médecin traitant a été placé au centre de la prise en charge de ses patients et à juste titre, il en est le confident privilégié, les a vu grandir, connais la famille, a parfois fait le diagnostic et très souvent accompagné le décès des proches. Ils savent si le patient veut mourir chez lui tranquillement ou préfère se battre, quitte à subir de lourdes interventions, des traitements très invasifs pour gagner quelques mois de plus, parce qu’ils veulent voir naitre le petit fils à venir ou au contraire n’attendent plus rien de la vie. Dans cette optique, il serait bon de pouvoir l’associer aux décisions prises dans le milieu hospitalier, hors contexte de l’urgence bien sûr.

Cette question demande à être creusée, et fera l’objet d’une prochaine thèse de médecine par l’une de mes consœurs Niçoises. Quelques pistes de réponse cependant :
◦Les directives anticipées sont prévues pour permettre aux patients de pouvoir donner leurs opinions sur la prise en charge ultérieure en cas d’incapacité de communiquer leurs volontés. Elles sont en pratique très peu connues, très difficiles à réaliser par les patients. En effet, il est très difficile pour eux, d’une part de se projeter vers une évolution inéluctable de la maladie, d’appréhender les soins nécessaires et les traitements à mettre en place. De plus, les volontés des patients évoluent énormément à mesure de l’avancée de la maladie, et la rédaction de souhaits qui figeraient en quelque sorte leur sort est très difficile. C’est pourquoi elles doivent rester consultatives, et non imposables, car elles ne reflètent que l’état d’esprit du patient à un instant donné, et il est impossible de savoir comment celui-ci a évolué. Cependant, elles restent un progrès considérables dans les droits du patients, et mériteraient d’être encouragées et développées afin de les rendre pertinentes et aidantes.
◦Le Dossier Médical Partagé informatisé pourrait être un bon outil de communication entre l’hôpital et la ville. Il faudrait y adjoindre un chapitre sur les volontés du patient pour sa prise en charge. Cependant, il reste qu’il est parfois très difficile de rendre par écrit le ressenti de l’état d’esprit de son patient, la connaissance de ses attentes, qui passe très souvent par des non-dits ou de la communication non verbale, qu’il est difficile de formaliser à l’écrit.
◦Les réseaux : ils ont étés mis en place pour aider les généralistes à prendre en charge leurs patients. En pratique, ils sont souvent mal connus des praticiens, d’une aide essentiellement pratique avec des mises en contact avec des professionnels, des conseils, mais ils ne permettent pas de faire le lien entre le patient, le médecin et les équipes hospitalières.
◦Enfin, pourrait-on imaginer un système de soins ou le médecin traitant serait associé au colloque pluriel, à la décision pluridisciplinaire qui se développe de plus en plus dans le système hospitalier? Pourrait-on proposer un acte « RCP » ou « décision collégiale » qui permettrait au médecin de famille d’être associé aux décisions concernant son patient ? La communication entre les différents acteurs se fait actuellement par échanges de courrier, ou de coup de téléphone (selon mon enquête, ceux-ci sont toujours à l’initiative du médecin traitant, très exceptionnellement sur une initiative des hospitaliers). Pourrait-on imaginer un moyen de permettre à ces médecins de faire partager leurs connaissances intimes de leurs patients aux spécialistes ? Cette réflexion, basée sur les réflexions de prise en charge de la fin de vie serait par ailleurs également salutaire dans beaucoup d’autres situations de prise en charge. La seule réponse à cette question me parait de créer un acte pour ce genre d’activités, mais il en existe probablement d’autres, ce qu’une thèse de médecine générale me parait un bon moyen d’explorer.

Pour conclure, la loi Léonetti est une très bonne loi, qui donne de nombreux droits aux patients et ambitionne de les tranquilliser sur leurs principales peur : la souffrance, l’acharnement. Elle ne nécessite pas forcément d’amélioration, mais peut-être plutôt de trouver un cadre dans le système de soin qui permette de la faire vivre et de la rendre réalisable. Les soins palliatifs sont la part de la médecine peut-être la plus humaine, et ses acteurs sont généralement des personnes altruistes et généreuses, qui donnent de leur personne sans compter : ni leur temps, ni leurs souffrances. Mais il faut prendre en considération ces souffrances, trouver des moyens d’en soulager une partie : accompagner ces soignants comme ils accompagnent leurs patients vers la mort, les soulager également de leurs souffrances, se permettre de leur donner peut-être plus de temps et de sérénité, pour rendre la médecine encore plus humaine.
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