La longue gestation des maisons de naissance Mots clés :
Maison de naissance,
maternité,
accouchement,
grossesse,
bébé,
hôpital Par
Pauline Fréour - le 08/02/2013
Le Sénat va examiner une nouvelle proposition de
loi pour autoriser ces structures où les femmes peuvent accoucher dans
un environnement non-médicalisé.
Une chambre (presque) comme à la maison, dotée
d'un lit double banal, et parfois d'une baignoire. Pas d'instruments
médicaux, relégués sur un charriot dans le couloir. Voilà, en substance,
à quoi ressemble la salle d'accouchement dans une maison de naissance,
structure non-médicalisée où les femmes ayant une grossesse sans risque
peuvent venir accoucher «naturellement» sous la surveillance de
sages-femmes. La réglementation de ces espaces autonomes inédits en
France va être débattue, au Sénat le 28 février, dans le cadre d'une
proposition de loi de la sénatrice Muguette Dini (UDI). À la différence
d'un texte précédent rejeté en 2010, celui-ci bénéficie du soutien du
collège national des gynécologues-obstétriciens (CNGOF).
Gestion des risquesLes
maisons de naissance existent à l'étranger depuis les années 1970. En
Allemagne, où la première a vu le jour en 1987, on en compte aujourd'hui
150. En France, le CNGOF a donné sa bénédiction au projet le 5 décembre
dernier. La société savante reconnaît que l'obstétrique telle qu'elle
est pratiquée de nos jours en France, à l'hôpital ou à la maternité,
porte un risque de «surmédicalisation» et de «surtraitement», mais aussi
de «frustration» des patientes dont un nombre croissant réclame de
mieux contrôler leur accouchement. «Nous sommes favorables à toute
modalité permettant qu'un accouchement normal se déroule sans excès
médical. Cela peut prendre la forme d'une maison de naissance
externalisée, mais aussi d'une ‘salle nature' ou d'un espace
physiologique intégré à un service d'obstétrique», précise au
Figaro le Pr Hédon, président du CNGOF.
Le
revirement est à noter dans un pays où la naissance est, déplore
Muguette Dini, «hypertechnicisée». Jusqu'alors, l'opposition de la
profession reposait essentiellement sur leurs doutes quant à la gestion
des complications par les sages-femmes. Même si les femmes accueillies
en maison de naissance présentent par définition des grossesses sans
risque (au moindre doute elles sont redirigées vers une maternité),
nombre de problèmes restent imprévisibles. Pour répondre à cette
crainte, la proposition de loi de la sénatrice centriste prévoit
d'adosser chaque maison de naissance à une maternité préexistante afin
que la patiente puisse être rapidement transférée auprès d'un
obstétricien «en franchissant une porte ou en montant un étage».
ÉconomiquesLe
retour à un traitement plus «humain» de l'accouchement n'est pas le
seul attrait des maisons de naissances. Elles permettraient aussi de
faire des économies, rappellent leurs défenseurs. «Un accouchement en
maison de naissance coûte 600 euros. Un accouchement en maternité, 1300
euros, et avec l'hospitalisation, 3000 euros», résume Marie-Josée
Keller, présidente du Conseil de l'ordre des sages-femmes. L'ancienne
ministre de la Santé Roselyne Bachelot, qui avait
défendu un projet similaire en 2010,
estimait à 7 millions d'euros les économies potentiellement réalisables
chaque année si 1,5% des naissances y étaient réalisées. L'accouchement
physiologique nécessite moins de personnel spécialisé -obstétricien,
anesthésiste - et ne prévoit pas d'hospitalisation: l'accouchée repart
dans les 12 heures après la naissance. Le suivi est assuré par une
sage-femme qui se rend au domicile de la patiente le lendemain, le 3e et
le 5e jour.
Malgré l'absence de cadres réglementaires, quelques
structures aspirant à devenir des maisons de naissance existent déjà en
France. C'est le cas de la maternité des Bluets à Paris qui a ouvert en
2008 un local où les femmes peuvent déjà être suivies par une sage-femme
pendant et après la grossesse, et commencer le travail. Mais, quand le
moment d'accoucher approche, elles sont transportées sur le plateau
technique de la maternité pour quelques heures, afin de rester dans la
légalité. Elles sont ensuite reconduites en maison de naissance avant de
rentrer chez elles. À l'hôpital René-Dubos de Pontoise, la maison de
naissance est intégrée à la maternité. On y procède à une centaine
d'accouchements par an (sur 4700 dans tout l'établissement), et les
femmes concernées sont de toutes origines sociales et ethniques. Au
total en France, une dizaine d'autres projets seraient «dans les
cartons», selon Marie-Josée Keller.
Dans un contexte marqué par l'émotion après
la mort in utero d'un bébé à terme dont
la mère n'avait pas été gardée à la maternité Cochin-Port-Royal le 1er
février, Muguette Dini précise que les maisons de naissance n'ont pas
vocation à remplacer les petites maternités, puisque le texte requiert
au contraire qu'elles passent une convention avec ces dernières pour
exister.