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 La fin de vie selon J.F.Mattéi

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MessageSujet: La fin de vie selon J.F.Mattéi   La fin de vie selon J.F.Mattéi Icon_minitime16.02.14 9:27


Affaire Vincent Lambert : « Le conseil d'Etat est contraint à un jugement de Salomon »
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Par Eugénie Bastié
Mis à jour le 14/02/2014 à 16:17
Publié le 14/02/2014 à 13:32


JEAN-FRANÇOIS MATTEI - Le philosophe réagit à la légalisation de l'euthanasie des mineurs en Belgique et à l'affaire Vincent Lambert.


Jean-François Mattei est philosophe, spécialiste d'éthique et membre de l'Institut Universitaire de France. Il a écrit de nombreux ouvrages dans une perspective critique de la modernité, notamment Le Regard vide. Essai sur l'épuisement de la culture européenne, Paris, Flammarion, 2007.

La Belgique est devenue hier le premier pays au monde à légaliser l'euthanasie pour les mineurs. Que vous inspire cette décision?

Jean-François Mattei: Nous sommes dans une civilisation mortifère, qui sous couvert d'humanisme, voire d'humanitarisme, veut éliminer les personnes dérangeantes, faibles ou malades, qui ne correspondent pas aux critères de l'individu libéral. Derrière tout cela se cache une perspective utilitariste, notamment développée dans les travaux du philosophe australien Peter Singer, qui parle de «non-personnes» à propos des nouveaux nés, et justifie l'euthanasie et même l'infanticide de ces «surnuméraires». Jacques Monod l'avait prédit lorsqu'il reçut son prix Nobel de Biologie en 1965 «le monde moderne n'échappera pas à l'eugénisme».


L'invocation d'un « droit à mourir dans la dignité » est absurde. De quelle dignité parle-t-on ?

Est-ce à l'Etat de prendre des décisions sur des sujets aussi délicats que la fin de vie?

Les décisions ultimes sur ce qu'on appelle hypocritement «fin de vie» ne devraient relever que des médecins ou de la famille. La législation est par définition universelle, or, on a sur ces questions toujours affaire à des cas extrêmement particuliers, dépendant d'une multitude de facteurs. L'Etat est un monstre froid, une abstraction, qui ne saurait prendre en compte l'infinité de paramètres qu'exigent ces situations toujours tragiques et particulières.

D ans le cas de l'affaire Vincent Lambert, on a bien vu que la loi était insuffisante pour répondre à toutes les situations. Est-ce aux juges de décider en dernière instance sur la vie d'une personne?

Le Conseil d'Etat n'a pas vraiment le choix dans cette affaire, où il n'y a pas de bonne solution, mais que des solutions plus ou moins mauvaises. En première instance, il faut tout faire pour conserver la vie, et quand on ne le peut pas, c'est le médecin, en accord avec la famille, qui doit trancher. Dans le cas de Vincent Lambert, la famille étant déchirée et les médecins en désaccord, c'est au juge de décider en dernière instance. On a affaire à un jugement de Salomon, les juges doivent prendre une décision pour briser une situation de statuquo insupportable.

Que vous inspire l'expression «droit à mourir dans la dignité» invoquée par les défenseurs de l'euthanasie?

L'invocation d'un «droit à mourir dans la dignité» est absurde. De quelle dignité parle-t-on? Si Vincent Lambert est complétement inconscient, il ne pourra mourir «dans la dignité». Il mourra, un point c'est tout. Même l'expression «fin de vie» est hypocrite et vise à dissimuler une réalité devenue insupportable, parce qu'inéluctable, aux individus: la mort. On peut avoir une vie digne, mais une «mort digne» n'a aucun sens. D'ailleurs, ceux qui s'acharnent à vouloir débrancher les gens dans les hôpitaux, vous le remarquerez, sont souvent des gens en bonne santé, en pleine possession de leurs capacités physiques et mentales, ils projettent leur conception d'une vie digne sur des situations dont ils n'ont aucune idée. Ils se donnent bonne conscience à peu de frais en essayant de botter en touche les experts, les spécialistes de la bioéthique, en faisant appel aux journalistes et à l'opinion.


Dans nos sociétés sans transcendance, c'est l'homme qui doit décider en dernière instance des questions existentielles. Mais quel homme doit décider ? L'expert, le journaliste, le politique, l'homme de la rue ?

Justement, comment lutter contre la dictature de l'émotion fortement présente sur la question de l'euthanasie, où on met en avant des cas particuliers extrêmement émouvants pour convaincre l'opinion?

Nous sommes dans une civilisation de type scientifique, technique, froide et informatique, et en même temps, on essaie de compenser cette froideur par un déluge d'affectivité permanent. On demande au citoyen moyen son avis sur toutes les questions, et la parole des experts (philosophes, médecins, juristes) est mise sur le même plan que celle de l'individu lambda.

Dans nos sociétés sans transcendance, c'est l'homme qui doit décider en dernière instance des questions existentielles. Mais quel homme doit décider? L'expert, le journaliste, le politique, l'homme de la rue? C'est le grand défaut de nos sociétés démocratiques et c'est ce qui rend les débats sociétaux insolubles.

Mais que peuvent faire les experts quand 92 % des français se disent favorables à une légalisation de l'euthanasie?

On ne peut rien faire. C'est la règle du jeu de la démocratie. Celle qui, je vous le rappelle, a porté Hitler à la tête de l'Etat en 1933 et fait voté les pleins pouvoirs à Pétain en 1940. C'est le risque de toute démocratie, et en particulier les démocraties d'opinion dans lesquelles nous vivons, de basculer dans ce que Tocqueville appelait la «tyrannie de la majorité». On a aboli la peine de mort en 1981, alors que la majorité des Français étaient pour, aujourd'hui on se rend compte dans certains sondages que les français se déclarent à nouveau pour: faut-il alors rétablir la peine de mort?
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