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 S.P.C témoignage

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MessageSujet: S.P.C témoignage   S.P.C témoignage Icon_minitime16.04.18 14:00

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> La sédation profonde et continue : réelle avancée ou jeu de dupe ?
Publié le 14/04/2018

Paris, le samedi 14 avril 2018 - Destinée à répondre aux limites de la première loi Leonetti sur l’accompagnement des personnes en fin de vie, la loi Claeys-Leonetti, adoptée en février 2016, a notamment instauré un droit à « la sédation profonde et continue ». Cette dernière peut être demandée par les personnes "en fin de vie", répondant à certains critères et doit être mise en place, si ces derniers sont remplis, par l’équipe médicale. Ce texte a été présenté par les décideurs politiques comme un consensus parfait permettant de satisfaire ceux qui appellent depuis des années en France à une légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté et ceux qui redoutant les dérives et défendant une conception différente de la fin de vie et de la liberté de choisir refusent une telle évolution.

Pourtant, beaucoup ont été déçus. Les premiers ont en effet considéré que ce texte continuait à réserver aux médecins la décision finale. Ils ont surtout regretté que cette méthode ne permette pas un choix réel du moment de sa mort. L’endormissement prive en effet de derniers instants de lucidité et ne permet pas d’être totalement assuré de l’absence totale de souffrance (puisque le contact avec la personne est rompu). Les opposants à l’euthanasie et au suicide assisté sont nombreux à partager ce sentiment que la dignité offerte par la sédation profonde et continue est une dignité déguisée, altérée, puisque la conscience est absente. Ces derniers s’inquiètent par ailleurs d’un risque de dérive. Mais au-delà de ces réflexions qui demeurent théoriques jusqu’à l’instant d’accompagner un proche (ou de mourir soi-même !), comment se passe réellement la sédation profonde et terminale ?

Militante en faveur de la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté (elle a été pendant des années déléguée de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité avant de rejoindre l’organisation Le Choix-Citoyens pour une mort choisie), Annie Babu, assistante sociale, infirmière et pionnière en France de la médiation familiale, témoigne de son expérience. Dans son récit, composé avec l’écrivain Marie Godard fondatrice de l’association Le Choix-Citoyens pour une mort choisie, elle rappelle tout d’abord l’écart qui existe entre une conviction militante, fondée sur des années de réflexion, et le vécu. Elle avoue ainsi qu’elle a dû, au moment d’accompagner son compagnon, se renseigner sur la mise en place d’une sédation profonde en Hospitalisation à domicile (HAD), tandis qu’elle révèle comment elle n’avait pas envisagé l’ensemble des enjeux, notamment ceux concernant le ressenti des médecins. Mais surtout, cette expérience, même si l’accompagnement médical dont son compagnon a bénéficié a été optimal et même si la sédation a pu être mise en place d’une manière adaptée (en dépit de quelques détours et ratés), a renforcé sa conviction que la sédation profonde et continue ne saurait être la réponse à toutes les demandes et à la conception que beaucoup se font de la mort dans la dignité. En signalant les problèmes posés par l’anéantissement de la conscience, en revenant sur des possibles inégalités, en s’interrogeant sur le respect des directives anticipées, elle soulève des questions qui, à travers ce témoignage sans animosité et sans militantisme, interpelleront probablement beaucoup de nos lecteurs, quelles que soient leurs convictions profondes. Cette contribution enrichira également la réflexion à l’heure où les Etats généraux de la bioéthique reviennent encore sur ce sujet et au lendemain de l’adoption après un riche débat d’un avis favorable à la légalisation de l’euthanasie par le Conseil économique social et environnemental (CESE).

Par Annie Babu (assistante sociale et infirmière) et Marie Godard (écrivain), membres fondatrices de l’association Le Choix-Citoyens pour une mort choisie (https://www.mortchoisie.org/ )

Annie a perdu son compagnon il y a maintenant deux ans et c’est la première fois qu’elle arrive à raconter ce qu’ont été les dernières semaines de sa vie avant qu’il ne soit emporté par la maladie.
Le témoignage d’Annie arrive à un moment clé, pendant les États Généraux sur les lois de bioéthique et permettra, je l’espère, de mettre en lumière un aspect de la fin de vie dont on parle peu.

Annie, toi qui as accompagné Claude, ton compagnon, qui a bénéficié, en février 2016, d’une sédation profonde et continue à domicile, accepterais-tu de partager ton expérience avec nous ?

Oui, bien sûr, car je pense qu’on connaît mal la façon dont se déroule cette dernière étape de la vie d’un malade, un parcours qui, pour moi, a été long et très douloureux et m’a amenée à me poser de nombreuses questions.

Même si je fais partie des personnes qui ont des connaissances approfondies sur le sujet de la fin de vie et que mon compagnon avait depuis longtemps réfléchi à ce qu’il ferait le moment venu, j’ai quand même dû aller à la recherche d’informations techniques précises sur la façon dont la sédation profonde et continue se déroulait. C’est auprès de l’équipe responsable de l’hospitalisation à domicile  (HAD) qui suivait Claude depuis trois mois que je les ai obtenues.

Dans un premier temps, nous avons tous les deux longuement discuté avec cette équipe (médecin, psychologue, cadre de santé) et il a été convenu que, lorsqu’il le souhaiterait, Claude formulerait officiellement sa demande auprès de l’équipe soignante.

Le ressenti, jusqu’alors non pensé, du médecin

Je n’avais jamais réfléchi à ce que pouvait ressentir un médecin qui donnait son accord à un malade pour qu’il soit placé sous sédation profonde et continue, ce qui signifiait, à toutes fins utiles, qu’il renonçait à combattre la maladie et acceptait de poser un acte qui entraînerait la mort. C’est lorsque le médecin référent de Claude a refusé d’acquiescer à sa demande, à la fois pour une question d’éthique personnelle car elle estimait que ce n’était pas le rôle d’un médecin que d’aider un malade à mourir et aussi parce qu’elle avait créé des liens forts avec Claude qui lui rappelait son père, que j’en ai vraiment pris la mesure. Mais comme Claude était déterminé, je lui ai demandé avec insistance de trouver un confrère qui accepte de mettre en œuvre le protocole quand Claude le demanderait, ce qu’elle a consenti à faire.

Après qu’un autre médecin a accepté de prendre le relais, il s’est écoulé un certain temps avant que Claude me dise qu’il souhaitait réitérer sa demande.

Le médecin et l’équipe soignante ont alors eu un nouvel entretien avec Claude afin qu’il reconfirme sa décision hors de ma présence. Une date proche a été fixée pour installer le matériel nécessaire à notre domicile. Le médecin nous a expliqué que la machine serait reliée d’un côté au produit sédatif et de l’autre côté, à un cathéter inséré dans le bras de Claude ; qu’elle enverrait régulièrement des petites doses qu’on appelle "bolus" d’un médicament sédatif qui provoquerait un endormissement de plus en plus profond et que la mort surviendrait quelques jours plus tard. Elle a insisté sur le fait que dès le premier bolus, Claude deviendrait inconscient et nous ne pourrions plus communiquer avec lui.

Le médecin a précisé qu’en cas de forte toux (Claude, du fait de sa maladie, avait de fréquentes quintes de toux qui l'étouffaient) le niveau de la sédation pourrait diminuer et qu’il faudrait alors accélérer le rythme de distribution des bolus en appuyant sur un bouton pour déclencher la diffusion d’une nouvelle dose. Puisque j’étais toujours auprès de lui, il m’appartiendrait donc de le faire. À l’issue de cet entretien, Claude et moi étions désormais tout à fait au courant de la façon dont le protocole se déroulerait.

Changement d'avis

Le jour dit, le médecin est arrivée seule et après avoir installé la machine, elle a demandé à voir de nouveau Claude en tête à tête. À l’issue de leur entretien, elle est ressortie de la chambre et m’a annoncé que Claude avait refusé la sédation et acceptait d’être placé dans un lit médicalisé et que les doses de morphine soient augmentées (ce qui aurait pour effet d’altérer de plus en plus sa conscience). Il a aussi accepté de porter des protections, toutes choses qu’il avait toujours refusées jusqu’alors.

Je me suis effondrée car tout le difficile travail préparatoire qui l’avait amené à accepter cette mise sous sédation et que je voyais comme une libération pour lui, était remis en cause.
Voyant mon état, le médecin m’a demandé de ne pas rester à son chevet cette nuit-là, et m’a rassurée en me disant que la fille de Claude prendrait le relais.

À mon arrivée le lendemain, j’ai vu que Claude était dans une autre pièce de la maison dans un lit médicalisé, et qu’une bouteille d’oxygène se trouvait près de son lit. Je me suis installée sur un matelas près de lui afin de le rassurer car j’ai rapidement constaté  que, sans doute à cause de la morphine, il perdait de plus en plus ses repères et que souvent, il ne savait même plus qui il était, qui j'étais, ni où il était. Cela a duré une dizaine de jours, très éprouvants, pendant lesquels l'équipe  de  l’HAD a continué de venir trois, voire quatre fois par jour, pour lui prodiguer des soins.

Temps suspendus

Dans un de ses rares instants de lucidité, Claude a pu me dire pourquoi il avait changé d’avis : il n’était pas encore prêt à renoncer à nos doux moments d'échanges, verbaux et non verbaux, chargés d’émotion et de tendresse, pendant lesquels nous ne parlions pas de ce qui lui arrivait mais vivions, en toute conscience, les derniers instants de notre vie de couple. Il ressentait ces "temps suspendus" comme une accalmie qui l’aidait à accepter sans se plaindre ce qu’il endurait.

Mais pourtant, une dizaine de jours plus tard, Claude m’a dit : « Cette fois c’est fini ». « Qu’est-ce donc qui est fini ? Qu’attends-tu de moi ? ». «  Cette fois, tu appelles le médecin, cette fois, la sédation, je ne la refuserai pas. Je veux qu’on me libère pour que tu sois aussi libérée. J’ai l’impression que tu es devenue mon esclave ». Claude n’avait pas peur de la mort car il croyait dans un au-delà. C’est la déchéance qu’il craignait par-dessus tout, même s’il l’a acceptée par amour pour moi, mais là, il n’en pouvait plus. Alors, comme il le voulait, j’ai pris contact avec le médecin pour lui faire part de sa volonté.
Ainsi qu’il le souhaitait, l’équipe soignante allait relancer le protocole, une étape qu’il aurait beaucoup de mal à franchir car il savait qu'à partir de ce moment-là, il ne pourrait plus communiquer avec moi, tandis que les soins palliatifs seraient poursuivis pendant qu’il serait sous sédation et deviendrait de plus en plus inconscient et dépendant. L'équipe de l’HAD est venue s'entretenir avec lui. Quelques jours plus tard, le médecin est revenu avec la machine et a obtenu, cette fois, son consentement.

Au revoir

Ensuite, le médecin m’a laissée un moment seule avec lui, pour que nous puissions nous dire au revoir car nous savions que, dès la première injection, nous ne pourrions plus nous parler. Ce moment fut intense et bouleversant mais plein d'amour et de sérénité, car tous les deux nous étions prêts, lui à partir, moi à le laisser partir.
Alors que je tenais ses mains dans les miennes et que nous nous regardions intensément, le médecin a appuyé sur le bouton. Un bip s’est fait entendre et très vite Claude a fermé les yeux pour ne plus les rouvrir.
A partir de ce moment, Claude ne s’est plus réveillé mais je l’entendais souvent gémir, et dans l’espoir de le soulager, je lui caressais les mains, le visage et je continuais à lui parler. Je ne peux pas affirmer qu’il souffrait mais j’observais des grimaces sur son visage et des contractions dans tout son corps.

Absences

La première nuit, l’appareil s’est brusquement arrêté. J’ai aussitôt appelé l’infirmière de garde qui m’a dit qu’elle ne pouvait pas venir avant deux heures, qui m’ont semblé interminables. J’ai senti à la fin de ce laps de temps que Claude redevenait plus présent, que ses tremblements étaient plus accentués et qu’il était en train de sortir de la sédation. L’infirmière est enfin arrivée et a pu remettre l’appareil en marche. Elle m’a avoué avoir oublié de mettre la batterie de secours, ce qui m’a amenée à m’interroger sur les possibilités d’une surveillance aussi rapprochée en milieu hospitalier, quand on connaît la pénurie de personnel qualifié…

Le surlendemain, j’ai dû m’absenter pendant une heure et à mon retour, mon fils, qui était resté au chevet de Claude, m’a annoncé, les yeux brouillés de larmes, que Claude avait rendu son dernier souffle, un peu plus de 48h après le début de la sédation. J’ai été encore plus triste de le voir partir parce que je n’étais pas présente lorsqu’il est mort. J’aurais tant voulu pouvoir lui tenir la main et recueillir sur ma joue son dernier souffle. Mais comme le moment de sa mort était imprévisible, je n’étais pas là…

Comment Claude a vécu la fin de sa vie ?

Claude avait rédigé ses directives anticipées il y a 20 ans et les avait mises à jour en 2016 pour indiquer qu’il voulait bénéficier d’une sédation profonde et continue, ainsi que le permettait désormais la loi Claeys-Leonetti. Il avait également prévu que, si son état et ses moyens financiers le lui permettaient, il partirait en Suisse ou en Belgique pour y mourir, même s’il espérait qu’une loi serait votée qui lui permette de finir sa vie chez lui, entouré de ses proches, et en pleine conscience, grâce au suicide médicalement assisté.
Je sais, parce que nous en avons beaucoup parlé, que si Claude a accepté d’aller au-delà de ce qu’il pensait pouvoir supporter, c’est parce qu’il avait la chance d’être très entouré et surtout parce qu’il avait l’assurance de pouvoir au moins obtenir d’être mis sous sédation lorsque sa vie aurait complètement perdu son sens.

Je ne sais dire si Claude a beaucoup souffert pendant qu’il était sous sédation et si sa mort fut paisible et cela restera toujours pour moi une grande interrogation. Comment aujourd'hui être totalement certain, même avec ce recours à la sédation profonde et continue et à tous les dérivés morphiniques qui y sont associés, qu’il n’y a aucune souffrance dans cette façon d’aller vers la mort ?

Et surtout, pourquoi faire durer cet interminable passage vers l’au-delà quand la personne est prête et accompagnée ? Pourquoi lui infliger de souffrir plus longtemps que ce qui est supportable ? Pourquoi ses proches devraient-ils vivre autant d’inquiétude, d’incertitude ?

Quels enseignements as-tu tirés de cette douloureuse expérience ?

D’abord cela m’a convaincue qu’il est impératif que chacun soit maître de sa vie jusqu’au bout, ce qui ne peut arriver que si l’on a l’assurance que notre choix sera entendu et respecté. La loi actuelle ne traite en fait que de soins palliatifs, comme si ceux-ci étaient la solution à toutes les situations de fin de vie alors que c’est loin d’être le cas. Il faudrait que soit votée une autre loi qui donne au malade un vrai choix sur sa fin de vie. Un autre élément important qui est à mes yeux inadmissible est que la loi Claeys-Leonetti continue de laisser le dernier mot aux médecins puisqu’il est clairement écrit qu’ils peuvent ignorer les directives anticipées du malade s’ils les jugent inappropriées. Et même lorsque celles-ci sont respectées, ce qu’autorise la loi, sans doute pour préserver le mythe de la mort naturelle, se résume à endormir quelqu’un jusqu’à ce qu’il meure de faim et de soif, ce qui est, à mes yeux, profondément choquant.

Rester présents jusqu’au moment ultime

Pourquoi la fin de vie reste-t-elle un sujet si tabou en France ?  Pourquoi  faut il accepter une loi lâche et, je le redis, hypocrite, qui autorise le "laisser mourir", alors que l’on pourrait, grâce à une loi plus courageuse, éviter aux malades qui le souhaitent, d’avoir à traverser de cette façon leur fin de vie ?
Si une telle loi avait existé quand Claude est mort, nous aurions pu être à ses côtés pour lui dire une dernière fois que nous l’aimons car le moment de sa mort aurait été programmé. Ça, pour moi, est peut-être le plus difficile à accepter…

Et comme si tout cela n’était pas assez, pour de nombreux Français, la loi actuelle est ressentie comme une grande injustice sociale car on sait qu’il est possible à ceux qui en ont les moyens, de se rendre, certes au prix de l'exil, en Belgique ou en Suisse, pour y mourir rapidement, en pleine conscience et les yeux ouverts, en laissant à leurs proches l’image de la sérénité.

Penses-tu que ton expérience reflète celle des pratiques actuelles en matière de fin de vie ?

Il m’est impossible d’en être certaine car il se pourrait bien que le fait que j’aie été très informée et que la fin de vie de Claude se soit déroulée dans un contexte médical optimal, avec une équipe très présente et très disponible avec laquelle j’ai pu dialoguer, ne soit pas à l’image de ce qui se passe pour tous. Qu’en est-il lorsque Monsieur et Madame Tout le Monde ne disposent pas de toute l’information et sont confrontés à un milieu médical moins ouvert et qui n’est parfois pas encore suffisamment informé de ce qui est autorisé en vertu de la loi ?

Inégalités

Je me pose aussi la question de savoir si tous les endroits qui accueillent des gens en fin de vie ont l’équipement nécessaire. Que se passe-t-il dans toutes les régions de France où les services de soins palliatifs sont pratiquement inexistants ou totalement insuffisants, et dans les nombreux hôpitaux où le personnel n’est tout simplement pas formé à la fin de vie ?

Ce que je ne risque pas d’oublier, c’est que pendant les quelques jours où Claude a été placé sous sédation, j’avais le douloureux sentiment d’avoir en face de moi un corps inanimé qui n’appartenait plus qu’à la médecine, qui n’était plus qu’un objet auquel on apportait des soins qui n’avaient plus de sens. Mais pourquoi faut-il que les législateurs et les médecins se donnent bonne conscience en prolongeant inutilement la vie alors qu’il existe d’autres solutions plus rapides, moins douloureuses, moins coûteuses pour tout le monde, moins traumatisantes et plus dignes pour les malades et leurs proches ?

Cela me rappelle un article que j’ai lu dans Libération en décembre 2013, dont le titre est « J’ai tendu la potion létale » qui témoignait d’une fin de vie par suicide assisté, où la mort a pu survenir sans attendre ce délabrement final, sans souffrance et en respectant la volonté d’une personne qui voulait « être présente et lucide jusqu’au bout ».

Comment est-il possible encore aujourd’hui, alors que les Français demandent très majoritairement à pouvoir choisir leur fin de vie, que la seule possibilité qui leur est offerte soit cette sédation profonde et continue, un protocole que mon expérience personnelle m’autorise à ne pas considérer comme une réponse satisfaisante, tant s’en faut, à l’angoisse de nombreux citoyens qui veulent avoir le droit de choisir leur mort ?

https://www.jim.fr/medecin/actualites/pro_societe/e-docs/la_sedation_profonde_et_continue_reelle_avancee_ou_jeu_de_dupe__171192/document_edito.phtml
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MessageSujet: Re: S.P.C témoignage   S.P.C témoignage Icon_minitime17.05.18 21:45

le Purgatoire ( Eglise catho ) ayant plus ou moins disparu, peut-être faut-il un autre genre de purgatoire laïc, la Sédation Profonde Continue ?
A l'inverse, le Dr Jean Léonetti n'invente-t-il pas une sorte de thanatopraxie médicale sur les vivants ? il aide ainsi  les thanatopraxeurs professionnels, les cadavres étant déjà vidés de la flotte et de la bouffe...
je fais des fautes d'orthographe, mais comme je m'en fous !
vous m'avez rendue morte vivante ou vivante morte, je suis détachée de tout, noyée dans mon mépris noble et digne !
( s'il faut attendre que le roi Macron sache ce qu'il pense... ), s'il pense quelque chose ! un esprit vide dans un corps sain, Brigitte faisant tout le boulot pour ne pas s'emmerder ?
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MessageSujet: Re: S.P.C témoignage   S.P.C témoignage Icon_minitime31.08.18 14:38

[size=62]Je veux juste parler de la fin de vie de ma mère[/size]

[size=29]l y a quelques mois, le débat sur «  la fin de vie  » – doux euphémisme médiatique… – m’a fait bouillir et j’ai failli réagir, mais la douleur ravivée m’en a alors dissuadé. Cette énième résurgence s’est alors...

Par Jonathan S.
Publié le 17 décembre 2014 à 12h56[/size]




Il y a quelques mois, le débat sur «  la fin de vie  » – doux euphémisme médiatique… – m’a fait bouillir et j’ai failli réagir, mais la douleur ravivée m’en a alors dissuadé. Cette énième résurgence s’est alors conjuguée avec l’annonce de la fermeture de l’hôpital du Val-de-Grâce. Or c’est dans cet hôpital que ma mère est morte, il y a un peu plus de trois ans, et c’est un des rares lieux où elle fut considérée et soignée, elle, et non uniquement sa maladie.
Making-of
Ce texte nous est arrivé par mail il y a quelques jours. Nous avons tout de suite été saisis non seulement par sa force, mais par la position très juste qu'il tient dans un débat où les avis sont souvent très tranchés. Or quand on le regarde depuis l'expérience, il en va autrement. Après réflexion, l'auteur a choisi l'anonymat, nous le respectons. Xavier de La Porte
Elle est morte (et non pas «  partie  », pas plus que «  elle nous a quittés »...) d’un cancer – et non d’une longue maladie, même si... – qu’elle a porté (subi, enduré, contre lequel elle s’est battue, qu’elle a affronté, qui l’a rongée...) pendant près de douze ans. 



Je vous épargnerai, ici, les détails de sa maladie, son évolution, ses phases de rémission, les si nombreux moments où nous avons cru que, ça y était  : «  c’est la fin  », et où finalement, non, un répit survenait. 

La lente et inexorable destruction

Je vous épargnerai également la lente et inexorable destruction que cette maladie entraine  ; comment le corps lâche, petit à petit, graduellement, pas nécessairement de manière linéaire, mais sûrement, continûment  ; comment l’esprit lui aussi s’abîme  ; comment la douleur et l’effroi, devant l’inéluctable déclin, creusent les chemins du désespoir, de la dépression, de la folie, de la perte de repères, de la perte de contrôle de soi, de son corps et de son esprit. 
Couloir d’hôpital, dans un miroir - Len Matthews/Flickr/CC
Je ne vous ferai pas, ici, le récit détaillé des effets de la morphine sur la mémoire, sur la cohérence des pensées et des souvenirs, sur l’humeur, l’irritabilité et le sentiment de persécution. Pas plus que les effets physiologiques, entre autres, sur les sphincters. 
De ces choses-là, on ne peut pas parler en quelques lignes – seraient-elles longues. Ceux qui y ont été confrontés, savent de quoi il en retourne et les autres, hé bien…
Je ne parlerai pas non plus ici de l’errance médicale, des dizaines de services qu’elle a traversés, ainsi que, parfois, des effrayantes conditions de prise en charge.
Je ne parlerai pas (enfin, si, mais succinctement et mal, de fait) de la manière dont elle pu assister aux obsèques de son mari – de mon père, donc – sept mois et demi avant sa propre mort. Je ne vous parlerai pas d’elle, à l’hôpital, encore sous le choc d’une opération survenue quatre ou cinq jours plus tôt, incapable de se lever ni de marcher.
Je ne vous parlerai pas de cette matinée où, après avoir vu dans le funérarium d’un hôpital la dépouille de mon père, le teint cireux, l’air exténué, hirsute, hagard, sans vie, je me suis rendu en compagnie d’un de mes frères et de ma sœur, jusqu’à la chambre d’un autre hôpital où ma mère se battait pour tenter de survivre, afin de lui annoncer la mort de son mari. 

Incompétence et ignominie

Je ne vous parlerai pas de l’incompétence et de l’ignominie des assistantes sociales du même service qui, alors que ma mère était «  autorisée  » à se rendre aux obsèques de son mari, n’ont rien fait pour l’accompagner ni pour organiser ce moment si essentiel pour elle, allant même jusqu’à prétendre ne pas connaître de compagnie d’ambulance à même de prendre en charge son transport. 
Je ne vous parlerai pas des rendez-vous avec le notaire dans les chambres d’hôpital, ni avec le directeur de l’agence de la Banque postale. Je ne vous parlerai pas des services mal adaptés, de son épuisement, de sa lutte pour tenter de ne pas sombrer dans la folie.
Je ne vous parlerai pas de son agressivité, de sa méchanceté et de son intransigeance, de ses accusations portées contre moi  ; de la manière dont elle me soupçonnait de vouloir la voler et de faire n’importe quoi avec l’argent, alors même que je tentais de la sauvegarder et de la protéger des problèmes financiers que la succession entraînait. 
Je ne vous parlerai pas, ici, de ce centre de soin palliatif (un des plus renommés de la capitale) où elle fut admise peu de temps après la décision «  d’arrêt des soins  » et d’où on la renvoya au bout de dix jours car elle ne mourait pas assez vite. 
Je ne raconterai pas, ici, comment un de mes frères, déjà très malade, et complètement déboussolé par la perte de son père et par celle, annoncée, de sa mère, perdit pied au cours des derniers mois de la vie de maman, ni comment cette dégringolade dans la folie pesa de manière épuisante et massive sur mes frères, ma sœur, mon oncle, ma tante, mes neveux et nièces, ma mère, le personnel de l’hôpital et moi-même.
Non.
Si je dois parler de tout cela, ouvertement et publiquement, cela ne sera pas ici, sous cette forme. Certainement pas. 

Rapport Leonetti-Claeys : écœurement

Ce dont je veux parler, ce que je voulais dire, même rapidement, c’est mon écœurement face aux propositions du rapport Leonetti et Claeys, ainsi que face à la délétère bêtise d’un tétraplégique star, Philippe Pozzo di Borgo.
Je ne prends pas parti pour ou contre l’euthanasie. Ce n’est pas mon propos.
Je veux juste parler, du haut de mon expérience, de la fin de vie de ma mère et de ses dix ou douze jours d’agonie  ; des pertes de conscience, des coups de fil à quatre heures du matin vous demandant de «  prévenir votre famille et de venir du plus vite  »  ; de la morphine qu’on n’administre plus que par intraveineuse.
De la ténacité de cette femme, qui douze jours durant batailla contre la mort, alors même qu’elle était épuisée, exténuée et comme vidée de sa volonté de vivre. De ces quelques mots si souvent articulés  : « J’en ai assez  ».
De son sourire, de sa joie profonde, immense, irradiante de revoir une amie perdue de vue depuis près de 15 ans, que nous avions réussi à contacter et qui a pu venir à son chevet.
Je veux parler de ce moment que je n’ai pas vécu, de cette dernière rencontre – un adieu, donc – avec son fils le plus fragile, celui qui était interdit de visite depuis plusieurs semaines suite à ses «  excentricités  », celui à qui elle n’arrivait plus à adresser la moindre parole, sinon dure et acerbe  ; celui qu’elle refusait ostensiblement de regarder dans les yeux depuis plusieurs mois  ; ce moment donc, où elle put à nouveau parler à son fils, lui dire qu’elle l’aimait et lui demander de prendre soin de lui  ; où, du fond de ce lit qu’elle n’avait pas quitté depuis plusieurs mois et qu’elle ne quittera que pour la dureté définitive du chêne, elle put être, à nouveau et pour quelques précieuses minutes, une mère. 

Quand la morphine ne fait plus effet

Je veux parler du moment où la morphine ne fait plus effet, ou plus assez  ; de ce moment où la douleur, l’épuisement et la lutte consciente pour réussir à respirer confinent à la torture. 
Ce moment donc, où les soins palliatifs entrent dans leur phase ultime. On nous en a parlé et on nous a prévenus. Il s’agira d’injecter, en plus de la morphine, un hypnotique puissant, empêchant notre mère de revenir à la conscience. Et même si le processus est théoriquement réversible, il arrive un point où il n’y a plus de retour en arrière possible. A partir de ce point-là, ce sera une question d’heures, ou de quelques jours.
À ce moment, donc, respirer est devenu un supplice, chaque geste pour tenter de soulager entraine plus de douleur. Et la douleur empêche le sommeil et le repos. Impossible de boire, impossible de déglutir, impossible de parler. Mais ma mère est consciente, indéniablement et elle souffre, et elle réclame que cette souffrance cesse. Personne ne peut le supporter. Et la morphine seule, même en augmentant les doses, ne suffit plus.
Alors, à ce moment-là, l’équipe débute les hypnotiques en plus de la morphine. Ma mère sombre dans un sommeil profond. Son visage s’apaise, en même temps qu’il semble s’absenter. Elle n’est plus nourrie, ni intubée mais une perfusion continue de l’hydrater.
Ce n’est plus qu’une question de temps, une course d’usure, comme deux rats qui rongeraient la même corde. D’un côté la maladie qui avance et détruit l’organisme, et de l’autre, les médicaments qui, inexorablement, hypothèquent et entament les capacités cardiaques et respiratoires. Le fil tient, on ne sait comment, plus de deux jours. Il n’est plus question de conscience. Nous veillons une non-défunte, une presque-plus-vive, une morte-en-suspens, en sursis de quelques instants de plus. 
Et lorsque la fin arrive, que le cœur cesse de battre définitivement, sans même reprendre de manière sporadique, que la respiration cesse pour de bon, qu’il n’est plus question de «  pauses respiratoires  », même prolongées, que la mort est là, qu’il n’y a plus de doute, alors ce qui est le plus surprenant ce n’est pas l’absence de douleur, ce n’est pas ce sentiment de soulagement, cette tristesse tranquille qui s’installe, non. Ce n’est pas cette phrase sidérante que je m’entends prononcer : « Ça y est, maman est morte.  » ; ce ne sont pas les pensées de «  la suite à organiser  » qui se bousculent et que je tente de repousser, au moins quelques heures. 

Parler et accompagner

Non, le plus surprenant c’est le récit de l’aide soignante qui était avec elle, lorsque «  cela  » a eu lieu. 
C’était à la fin de la toilette du matin, me dit-elle. Une fois lavée, changée, massée, coiffée, parfumée, habillée d’une chemise de nuit immaculée et repassée et entre des draps frais et propres, c’est donc après tout cela, et alors qu’elle s’apprêtait à quitter la chambre, elle a constaté avec son collègue de longues pauses respiratoires. Ils ont alors décidé de rester. Ils ont parlé à ma mère, ils l’ont rassurée, elle qui était dans une forme de coma depuis plusieurs jours  ; ils lui ont dit  : « Si vous voulez partir madame, c’est possible. Nous restons là, on ne s’en va pas. On ne va nulle part. Laissez-vous aller, on reste avec vous.  »
Alors, non, je n’ai pas d’avis tranché sur l’euthanasie, pas plus que sur le suicide assisté. Ce que je sais, c’est que ce n’est pas simple de mourir et qu’il serait bon de laisser le choix. Ce que je sais c’est que la «  sédation terminale  » est déjà pratiquée par de nombreuses équipes qui ont l’habitude de cet accompagnement vers la mort. Ce que je sais, c’est que je trouve grotesque, même pour un paraplégique richissime, de dégoiser sur le thème «  il faut aider à vivre et non à mourir  ».
Si. Parfois c’est exactement ce qu’il s’agit de faire, aider à mourir. Et dans la dignité que la maladie et l’affaiblissement permettent encore. 
Je pense bien entendu à ma mère en écrivant ces lignes mais, paradoxalement, peut-être plus encore à l’équipe qui l’a accompagnée au cours des derniers mois. Je pense à ce service et à cet hôpital qui va bientôt fermer. À cette expérience et ce savoir-faire accumulés qui vont, sinon disparaître, tout du moins se disperser, s’effilocher, se diluer.
Et même s’il est logique que l’entropie finisse par l’emporter, c’est triste, oui, et c’est une forme de gâchis.
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MessageSujet: Re: S.P.C témoignage   S.P.C témoignage Icon_minitime17.09.18 9:53

" la façon dont est pratiquée cette sédation peut durer quinze jours sans que le patient puisse s’alimenter, ni boire…"
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MessageSujet: Re: S.P.C témoignage   S.P.C témoignage Icon_minitime23.10.18 18:23

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