Chaque année, depuis 70 ans, à la fin de l’été, des théologiens catholiques et protestants se réunissent pour prier et réfléchir.
En 1936, l’abbé Paul Couturier qui, depuis trois ans, a rénové la formule de la Semaine de Prière pour l’Unité Chrétienne cherche une illustration pour la future semaine. Ayant repéré l’image d’un vitrail d’un temple de Suisse alémanique, il demande à un ami prêtre et germanophone, Laurent Rémillieux, d’aller voir sur place s’il est possible d’en obtenir une meilleure reproduction. L’abbé Laurent Rémillieux se rend donc à Herzogenbuchsee au nord de Berne (Suisse), et là, en entrant dans le temple, il découvre un pasteur en train de prier pour l’unité des chrétiens… Telle est du moins la légende des origines.
En fait, un ami du pasteur d’Herzogenbuchsee, le pasteur Richard Baümlin, avait fondée la fraternité Saint-Jean pour s’informer sur « toutes les formes de la foi chrétienne sans dommage pour l’amour et le service de sa propre Église » et pour demander l’Unité dans la prière. A Pâques 1937, l’abbé Rémillieux est invité pour une retraite de la Fraternité à Erlenbach et en revient enthousiaste faire le récit à l’abbé Couturier.
Une retraite commune entre pasteurs protestants suisses et prêtres catholiques français (plus un ami laïc des abbés Couturier et Rémillieux, Victor Carlhian) est aussitôt organisée pour l’été suivant. Devant les difficultés liées au bilinguisme, très vite des pasteurs de Suisse ou de France viendront constituer un groupe de dialogue désormais francophone. Peu après, la guerre séparera les membres du Groupe naissant et obligera à la tenue de rencontres séparées en Suisse et en France. Mais le groupe aura trouvé dans ces retraites un fondement pour sa pratique : « il faut que notre théologie soit ruisselante de prière » selon l’expression de l’abbé Couturier.
En 1952, l’abbé Paul Couturier, malade, ne peut venir à la rencontre à l’abbaye des Dombes. Il meurt au mois de mars suivant. Le Père Maurice Villain lui succède pour la co-présidence catholique du Groupe. Après la mort de l’abbé Couturier, le Groupe commence à rédiger de brèves « thèses » en écho de ses échanges théologiques.
Les thèses
1956 – L'état de péché originel
1957 – La médiation du Christ et le ministère de l'Eglise
1958 – L'Eglise, Corps du Christ
1959 – L'autorité pastorale dans l'Eglise
1960 – L'apostolicité de l'Eglise
1961 – Sacerdoce et ministère de l'Eglise
1962 – L'acte sacerdotal du Christ dans l'activité sacerdotale de l'Eglise
1963 – Aucune thèse
1964 – Aucune thèse
1965 – La doctrine du Saint-Esprit
1966 – Aucune thèse
1967 – L' "intercommunion"
1968 – La succession apostolique
1969 – Eglise et Esprit Saint
1970 – L'Eglise, communion des saints
De 1960 à 1971, le Groupe va se réunir alternativement à Taizé et aux Dombes.
De nombreux jeunes viennent à Taizé et cela va marquer le Groupe des Dombes : confrontés à la question dite de « l’intercommunion », ces jeunes demandent au Groupe de leur présenter clairement ce qui fait problème et ce qui peut « bouger ». Cette demande sera à l’origine du premier document des Dombes : « Vers une même foi eucharistique ? » (1972)
A partir de 1971 et jusqu’en 1997, le Groupe des Dombes se réunira sans discontinuer à l’abbaye N.D. des Dombes.
Dans la lancée du premier document et dans la logique des questions qu’il posait, le groupe travaille et publie un nouveau document : « Pour une réconciliation des ministères » (1973). Dans ce document, une observation émerge : tout ministère comporte une dimension collégiale (§ 21), une dimension personnelle (§ 22) et une dimension communautaire (§ 42). L’importance de cette observation se vérifiera dans la suite de la réflexion du Groupe, mais aussi par ses effets dans d’autres lieux de dialogue.
Le Groupe poursuit et complète sa réflexion par un troisième document trois ans plus tard : « Le ministère épiscopal » (1976).
A travers ces trois ouvrages, une méthode se dessine :
1) les propositions de réflexion doctrinale sont suivies de propositions pastorales ;
2) la réflexion doctrinale s’appuie de plus en plus sur une enquête historique.
Sans craindre la difficulté, le Groupe des Dombes se lance dans une réflexion qui donne lieu à un quatrième ouvrage : « L’Esprit-Saint, l’Église et les sacrements » (1979).
En 1981, la discussion se porte vers un autre thème délicat et il faudra traverser bien des turbulences avant d’arriver à produire le document intitulé : « Le Ministère de communion dans l’Église universelle » (1986). Ce texte sortira quelques mois avant le voyage de Jean-Paul II dans la région lyonnaise.
1987 : Cette année du cinquantenaire du Groupe se devait d’être exceptionnelle. Des personnalités des Eglises et du mouvement œcuménique viennent fêter et évaluer l’événement avec ce groupe « privé », le plus ancien groupe de dialogue œcuménique francophone existant. De cet anniversaire sortiront deux réalisations :
1/ Un ouvrage rassemblant tous les écrits (thèses et documents) du Groupe des Dombes : « Pour la communion des Eglises » (1988).
2/ Un ouvrage où le Groupe rend compte de sa méthode et de son actualité : « Pour la conversion des Eglises » (1991). En 2005, le Cardinal Walter Kasper dira : « Il n'existe pas d'œcuménisme sans conversion, et pas d'avenir du tout sans conversion. La meilleure réflexion que je connaisse à ce sujet se trouve dans le document du Groupe des Dombes intitulé ‘Pour la conversion des Eglises’ ». Ce document marque une étape pour le Groupe des Dombes sur le fond et dans la méthode : a) Sur le fond, en proposant de distinguer entre « conversion chrétienne », « conversion ecclésiale » et « conversion confessionnelle » ; b) Sur la méthode, en spécifiant 4 temps : 1/ questionnement, 2/ enquête historique, 3/ témoignage de l’Écriture, 4/ propositions de conversion.
« Sur quel thème mettre en œuvre ce que l’on vient de recueillir comme notre expérience propre de dialogue ? ». Telle est la question en 1991. Cette question aboutit à un long travail sur un thème peu abordé jusqu’alors dans les dialogues œcuméniques et pourtant très sensible dans le peuple de nos Eglises : Marie. Cela donnera l’ouvrage « Marie dans le dessein de Dieu et la communion des saints » (un 1er volume en 1997, un 2ème en 1998, puis les deux réunis en un seul volume en 1999). Quatre questions théologiques sont privilégiées dans ce document : 1/ la « coopération » de Marie au salut 2/ la virginité perpétuelle de Marie 3/ les deux dogmes définis par l’Église catholique, l’Immaculée Conception et l’Assomption 4/ l’invocation de Marie.
En 1997, pour la dernière fois, le groupe se réunit à l’abbaye des Dombes. Depuis 60 ans, le Groupe des Dombes était accueilli par les trappistes. La communauté a vieilli, le nombre des moines a diminué. La Trappe n’a plus les moyens de recevoir le Groupe. Le Groupe qui avait écrit en 1987 qu’il s’était « fixé définitivement à l’abbaye cistercienne des Dombes » doit chercher l’appui d’une autre communauté contemplative. Le choix se porte sur l’abbaye bénédictine féminine de Pradines, près de Roanne, qui accepte très volontiers. Depuis 1998, le Groupe des Dombes – qui a gardé son nom avec l’accord des moines – est donc accueilli quelques jours chaque été par les moniales de Pradines. En arrivant chez les bénédictines, le Groupe a aussi changé dans sa composition, accueillant pour la première fois des femmes parmi les 40 membres du Groupe.
Dans ce cadre nouveau, sept ans durant, le Groupe approfondit le thème complexe de « l’autorité doctrinale dans l’Église » et produit le plus long, et à ce jour, le dernier de ses documents : « ‘Un seul Maître’ . L’autorité doctrinale dans l’Église » (2005).
Le Groupe poursuit ainsi son chemin de prière, réflexion et conversion au service des Eglises avec lesquelles il entretient des relations libres (c’est un groupe privé) et fraternelles (chacun des membres catholique ou protestant est clairement inséré dans son Église).
Chaque année, il continue de se retrouver fin août, début septembre pour une rencontre de quatre jours organisée généralement ainsi :
LUNDI SOIR :
• Retrouvailles
• Présentation des nouveaux
• Présentation de la session
• Méditation par l’un des deux co-présidents
MARDI :
• Messe abbatiale avec la communauté des bénédictines
• Travail
• Office avec les sœurs
• Repas
• Travail
• Office propre au Groupe
• En soirée : Assemblée générale de l’Association « Groupe des Dombes »
MERCREDI :
• Sainte Cène
• Travail
• Office avec les sœurs
• Repas
• Travail
• Office propre au Groupe
• En soirée : Partage sur l’actualité œcuménique
JEUDI :
• Eucharistie
• Travail
• Office avec les sœurs
• Repas
• Travail
• Office du soir avec les sœurs
• En soirée : Travail si nécessaire
VENDREDI MATIN :
• Départ des membres du Groupe avec un programme de travail mis au point la veille
Un horaire tel que celui-ci ne suffit pas à rendre compte d’une ambiance, d’un rythme et d’un esprit. Il faudrait aussi prendre en compte la qualité de l’écoute dans un groupe de quarante, le rôle de chacun selon ses compétences, les échanges informels pendant les temps de pause, la convivialité qui peu à peu développe la fraternité et le ressourcement dans la prière.
Tout cela donne une alchimie singulière où œcuménisme spirituel, œcuménisme doctrinal et œcuménisme pastoral s’harmonisent pour servir le mouvement œcuménique vers l’unique Église du Christ.
P. Pierre Lathuilière
site du Groupe des Dombes