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 Dr Alain de Broca

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MessageSujet: Dr Alain de Broca   Dr Alain de Broca Icon_minitime20.02.12 15:41

EuthanasieNos paradoxes face à la mort
publié le 08/11/2010
 
"Pour ou contre l'euthanasie ?" demandent les sondeurs. Réagissant à une question binaire qui omet la complexité de la réponse à la souffrance des malades en fin de vie, le neuropédiatre Alain de Broca, spécialiste des soins palliatifs, pointe les contradictions de l'homme moderne face à la mort.
 

Une famille entoure un malade dans une unité de soins intensifs.
 
 
94% des Français favorables à l'euthanasie: le sondage publié la semaine dernière, a eu plus d'échos que la sortie au même moment d'un long-métrage sur les soins palliatifs, Les Yeux Ouverts, que nous avions salué. Président de l'observatoire de la fin de vie, le docteur Régis Aubry s'interrogeait alors sur la "vision de bien portant" que révélait une telle étude, qui pose "des questions en termes binaires sur un sujet éminemment complexe". Le neuropédiatre Alain de Broca, que nous rencontrions longuement en juin dernier dans son service du CHU d'Amiens, réagit à son tour:
 
Que de paradoxes !
"Quel acharnement a-t-on pour vouloir absolument demander la mort ? Quel drôle d’animal est l’humain qui après avoir tant protesté pour croire que la mort est évitable en courant derrière tous les traitements de rajeunissement possible demande brutalement de le tuer.
 
Un premier paradoxe est que le plus souvent l’euthanasie est demandée pour celui qui ne peut pas se donner la mort (comme pour les personnes paralysées de quelle que raison que ce soit). Qu’aurait fait réellement le malade s’il pouvait attenter lui-même à sa vie ? Le suicide n’est pas si fréquent dans les situations de fins de vie extrêmes. Que ne faisons-nous pas dire aux personnes en fin de vie !
 
Qu’il est facile de parler pour les autres quand on est bien soi-même. Pourquoi donc l'homme prône-t-il l’amortalité à tue tête quand aussitôt il peut promouvoir une interruption volontaire de vie ! Est-ce un devoir de maîtrise permanente qui le fait agir ainsi ? Probablement, puisque la contingence de la vie semble désormais l’exécrer.
 
Le hasard de la vie ne fait plus partie de l’arsenal de la rationalité de l’homme postmoderne. Pourtant, ne faut-il pas lui rappeler qu’il est né de deux parents qui eux, n’ont pas pu prévoir la venue de l’être vivant qui ainsi peut se dire vivant et qui veut revendiquer sa vie et sa mort.
 
Le sentiment d’individu est devenu si fort dans nos contrées, que l’homme en oublie qu’il n’existe que par et avec ceux qui lui permettent de dire qu’il « est ».
 
Un autre paradoxe vient du fait que, parce qu’il ne peut plus imaginer sa vie qui fasse histoire, que parce qu’il veut devenir éternel en repoussant toujours plus la date de la mort biologique, il en oublie même de vivre vraiment sa vie en maîtrisant chaque moment pour qu’il devienne de simple successions moments de plaisirs…. tous déconnectés des uns des autres.
 
Quand la vie n’est plus qu’instantanés successifs, l’homme ne peut plus donner du sens à sa vie sauf à courir derrirèe un nouveau et ainsi de suite. Alors, quand il ne peut plus en abuser, il n’a plus qu’un mot d’ordre : retire toi, laisse la place à celui qui peut vivre ainsi ! A quand les thanatorium, (lieu où on pourrait mourir doucement en regardant un beau film et en écoutant une belle musique – cf. le film de Soleil Vert).
 
En attendant ce nouveau tournant sociétal, la médecine doit assumer sa faute de n’avoir pu éviter le désastre de la maladie et de la mort annoncée. Qu’elle se rattrape en effaçant son méfait !
 
Autre paradoxe de notre homme du XXIe siècle, qui après avoir vénéré le médecin, en bafoue toute la vocation en lui demandant d’achever l’humain qu’il a passé tant de temps à accompagner et à soigner ! Pourquoi ne pas remettre au goût du jour la fonction du bourreau. Au moins, il était un vrai professionnel. Il avait un statut qui lui permettait de faire un travail sobre, efficace. Et le malade ne pourrait pas avoir peur de ne pas être tué de la meilleure façon possible.
 
Car la mise à mort, c’est ainsi qu’il faut parler, doit avoir un rituel social et technique. Il doit être codifié pour que ce dernier geste paraisse être compassionnel, alors que ce n’est qu’un meurtre par nature. L’attentat contre la vie d’autrui même après condamnation sur délit atroce, ou la mort par légitime défense n’excuse en rien la mort donnée.
 
Sortir du champ judiciaire par une loi permissive la mort donnée à autrui, qui plus est un autrui le plus vulnérable qui soit, ne peut que donner à penser que le politique se débarrasse des citoyens les moins fortunés (c'est à dire chanceux). Comment penser l’Homme si l’homme se pense ainsi1 ?
 
Comment croire encore à une société qui par sa violence même déconstruirait l’humanité ? Et que celui qui me dirait qu’il n’est pas juste que nous ne puissions pas faire comme des pays voisins qui prônent ce type de perspective, je lui répondrai de venir nous accompagner jour après jour avec les familles endeuillées et les enfants en soins palliatifs pour leur montrer la force de l’intersubjectivité jusqu’au bout de notre parcours terrestre. Il aura peut-être envie de dire merci à une société qui prônera de le secourir et ce, jusqu’au dernier terme de sa vie."
 
 
Dr Alain de Broca. Neuropédiatre au CHU d'Amiens, philosophe, responsable de soins palliatifs pédiatriques
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MessageSujet: Re: Dr Alain de Broca   Dr Alain de Broca Icon_minitime01.10.13 11:22

Comment parler de l'homme dans un monde où la technique est reine ? - par Alain DE BROCA
 
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Article publié dans la revue Foi et Culture - Mars 2009

L'homme profite-t-il de toutes les avancées techniques ? Comment faire la promotion de l'homme dans son humanité face à tous ces progrès techniques qui deviennent envahissants ? Comment le chrétien peut-il prendre place dans cette réflexion ?

Avant de tenter de proposer quelques réponses, je rappellerai quelques évidences sur la place de la technique dans notre quotidien et notamment dans le domaine du soin et de la santé. Si les outils modernes et la technique apportent de grandes aides aux diagnostics et aux traitements, et donc à la santé, l'homme se complait souvent à donner plus d'importance aux outils qu'à l'homme à soigner et à accompagner.

Voici quelques éléments qui expliquent la dérive du scientifique vers le scientisme. Si la technique devient fin en soi et s'auto entretient, comment revenir à une technique au service de l'homme et non asservir l'homme par la soif d'une technique toujours plus envahissante ? Si la connaissance devient une fin en soi, elle devient l'intérêt en soi du scientifique qui peut perdre la raison même de son travail. Il faut remarquer du reste que, du fait de son travail très parcellaire, sur des sujets de plus en plus infimes, un scientifique perd parfois le sens (direction) ou la finalité globale de son action. Travailler par exemple sur un génome n'est jamais fait pour agresser l'homme en tant que tel et amène à des bienfaits certains, mais ne pas vouloir entendre que ce travail peut amener d'autres à asservir l'homme n'est pas le signe d'un réel sens de la responsabilité du scientifique.

Le scientifique n'a d'ailleurs jamais légitimé son action par l'exploitation de l'homme par l'homme (en dehors de certaines périodes barbares) mais plus insidieusement, il ne peut pas renoncer au fait qu'il faut « tout faire pour la promotion de l'homme» ! Que veut dire ce « tout faire » et de quelle promotion de l'homme parle-t-il ? L'avancée très importante du consentement libre et éclairé de la personne qui se prête aux recherches biomédicales a bien permis à certains scientifiques de proposer « tout » ce qui pouvait l'être, même ce qui pouvait être des stratégies d'expérimentation déraisonnable.

Pour beaucoup de personnes dont des scientifiques et des soignants, l'homme n'est vraiment homme que s'il a « conscience » de lui. Toute personne qui n'aurait plus conscience d'elle-même n'est qu'une sorte de sous-homme. Si ce n'est pas une chose, elle n'en est pas un homme pour autant, diront les promoteurs d'une lecture utilitariste scientiste.

Enfin dans la perspective d'une meilleure reconnaissance de la personne, d'autres promeuvent avec force l'individualisme (évidemment de façon rarement consciente) en faisant dire ce qu'ils veulent au mot autonomie, à savoir que l'autonomie est simple autodétermination, dans une optique très personnelle où chacun aurait le droit de faire ce qu'il veut, quand il veut et où il veut, c'est-à-dire vivre dans une perspective de toute-puissance narcissique. Oubliant ou ne voulant pas admettre que leur propos ne peut se faire que dans et par la relation avec autrui.

Alors que dire et comment parler face au rouleau compresseur de ces évidences qui vont dans le sens de la satisfaction immédiate de l'homme et semblent lui montrer sa toute-puissance ? Cela ne ressemble-t-il pas au mythe de la tour de Babel de nouveau redéployé ? Ce rouleau compresseur ne peut qu'inscrire le progrès dans une dynamique de toujours plus, toujours plus vite, pour une amélioration des techniques en soi, laissant l'humain sur le coté ou pire ne prenant l'homme que comme un moyen ou un instrument. Comment permettre à tant de personnes qui ne sont pas acteurs scientifiques mais qui veulent être acteurs de leur vie de pouvoir penser autrement cette vie ? Une vie où, comme le rappellent de nombreux sondages, la famille, l'amour, l'amitié, la relation à autrui sont les valeurs importantes à ne pas perdre.

La responsabilité de tout homme conscient de cela est de pouvoir aider autrui à discerner les philosophies sous tendues dans ce qui est dit et promu par les scientifiques ou les responsables politiques. En les faisant apparaître au grand jour, il sera alors plus facile de permettre à ceux qui n'ont pas le désir de les suivre de ne pas applaudir un discours qui ne serait en rien le leur.

Le chrétien, par la chance de reconnaître un Dieu qui a osé l'incarnation, n'a-t-il pas pour mission de vivre immergé dans le monde comme tout un chacun mais en tentant, grâce à l'Esprit reçu, de ranimer la flamme de l'humanisation en tout lieu et tout espace ? L'humour de l'Esprit l'aidera à ne pas voir en l'autre uniquement la composante matérialiste qu'il semble présenter, mais bien toute la force de vie qu'il déploie pour l'amélioration de la condition humaine. L'humour l'aidera à se dégager de l'asservissement à la technique dans lequel il se met sans s'en rendre compte. Car l'homme est si fier de ce qu'il peut faire ou fabriquer, qu'il en oublierait que ces productions ne devraient être qu'outils pour mieux vivre ensemble !

Le soignant revendiquant une foi chrétienne a la chance de vivre dans des lieux de progrès formidables. Face à la multiplicité des spiritualités, des croyances, des philosophies, face au manque de cohérence parfois dans la vie de chacun, face à la recherche d'une image de soi très narcissique, face à l'absence de réelle confiance en soi, le débat ne peut être invoqué comme déontologique et encore moins imposé, car il apparaîtrait hétéronomique et vite repoussé d'un revers de main. Bien au contraire, il faut entrer en dialogue afin de pouvoir aider l'autre à modifier en profondeur et en vérité son regard. Dans cette dynamique éthique, le chrétien doit accepter de vivre un dialogue où chacun va pouvoir expliquer puis écouter autrui.

Dans cette démarche, il m'apparaît que le chrétien a pour joie de savoir que son Dieu incarné l'envoie au cœur de l'humanité. Sa mission est d'être toujours en marche, d'une rive à l'autre, toujours en attente d'une relation avec celle ou celui qui pourtant ne lui ressemble pas pour trouver en l'autre ce qui fait croître l'humain, et ceci quelques soient les avancées techniques. Elle est de se laisser aborder par la beauté des réactions et réflexions d'autrui qui lui font envisager le monde dans sa diversité et sa complexité.

C'est ce que, modestement, je suis amené à vivre dans mon métier de neuropédiatre et mes fonctions dans la réflexion éthique. Mes actions au cœur de ma pratique soignante, ainsi que dans un lieu de réflexion comme l'espace éthique régional sont motivées par cette tension. Ce qui est au cœur de notre travail, c'est de découvrir que les questions éthiques ne peuvent pas être résolues par l'un ou l'autre mais à plusieurs, même si c'est à travers des visions du monde différentes. Partir du raisonnement d'autrui pour en saisir toute la saveur, toute l'originalité, toute la beauté permet de construire avec autrui une vraie conscience d'humanité partagée.

Le chrétien n'a pas à partir en croisade, mais à partir avec confiance dans cette dynamique. Puisqu'il croit en un Dieu qui s'est incarné, il sait que la réflexion menée pour l'homme en tant que fin en soi est service de Dieu. Pour cela, le chrétien est convié à mieux saisir les propres fondements des autres personnes, il doit se former, étudier, écouter, afin de les aider à retrouver leur envie de promouvoir l'humain en elles-mêmes et en autrui. Alors, elles pourront être en attente de Celui qui Est et se laisser happer par Lui.

Alain de Broca est neuropédiatre, coordonnateur de l'Espace Ethique de Picardie, docteur en sciences et docteur en philosophie, membre de l'équipe d'Amiens et du réseau Santé de la Communauté Mission de France.
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