Médecine
Mercredi 2 novembre 2011 3 02 /11 /Nov /2011 17:27 La mort...
Il est de tradition en France de célébrer la mort le jour de la "Toussaint", c'est-à-dire le 1er novembre, et non le lendemain 2 novembre, qui est "le jour des Morts"... Et ceci pour la raison banale que la Toussaint est un jour "férié" reconnu par l'Etat alors que le jour des Morts ne l'est pas ...Ainsi le calendrier perpétue le souci ancestral de ne pas penser à la mort (1)...
Car la mort fait toujours peur, dans la mesure où elle reste un mystère, au même titre que l'existence du monde ...En effet, aucun des quelques 500 milliards d'hommes qui se sont succédés sur la Terre depuis des millions d'années n'en est revenu ...Et c'est d'ailleurs pour cette raison que les hommes ont toujours imaginé un "au-delà" qui serait une nouvelle vie, permettant ainsi de conjurer cette réalité matérielle faisant de la mort ...la fin de la vie.
Car tout homme est "mortel", en ce sens que la vie qui l'anime - comme les autres êtres vivants - cesse inévitablement, soit par un vieillissement "naturel", soit par un accident provoquant une disparition imprévisible ...Mais déjà apparaît un mystère, car cette "mortalité" l'affecte en tant "qu'être complexe" alors que les organismes "unicellulaires" se reproduisant par partition sont en principe "immortels" ...La mortalité ne serait donc pas une fatalité, s'il était possible d'étendre aux hommes ce type de reproduction, autrement dit de remédier au vieillissement ...Il est vrai qu'alors se poseraient toutes sortes d'autres problèmes...
En attendant ...de telles perspectives, il faut se contenter de prendre la mort comme elle vient, ...et ce n'est pas simple, car la limite entre la vie et la mort n'est pas facile à définir ...Naguère, chacun considérait qu'il y avait "mort"quand le coeur s'arrêtait de battre et les poumons de respirer ...Mais les progrès de la médecine permettent maintenant, dans certains cas, de "réparer la machine" par des interventions diverses, en particulier par des massages du coeur pouvant durer jusqu'à 60 ou 90 minutes, la personne concernée pouvant alors reprendre conscience, ce qui signifie qu'au moins dans un 1er temps le cerveau n'est pas aussitôt atteint ou n'a pas de séquelles graves ...Et, inversement, le cerveau peut être atteint le 1er - par suite d'un traumatisme ou d'un "accident vasculaire cérébral", alors que l'ensemble coeur-poumon continue à fonctionner, de sorte que l'individu peut soit récupérer au moins partiellement ses facultés, soit malheureusement n'avoir qu'une vie "végétative" ...Dans tous les cas, il y a un problème d'éthique, car le médecin et éventuellement les proches peuvent s'interroger sur l'euthanasie, consistant à "donner la mort" - surtout si elle est demandée par l'intéressé(e) - "pour abréger la souffrance", ou à"laisser faire la nature" en débranchant les appareils d'assistance ou en refusant toute intervention pouvant relever de "l'acharnement thérapeuthique" ...Et, aussi, quand peut-on le cas échéant, prélever un organe sur un malade "condamné" pour permettre la "survie" d'un autre malade ?...Où se situe vraiment la mort ?...
La réponse est d'autant plus difficile qu'il y a des "expériences", pour le moins troublantes, de "mort imminente" - les EMI - ayant fait l'objet de constatations scientifiques (2), selon lesquellescertains individus ont pu "approcher la mort", en ayant la sensation de "sortir de leur corps" ...et d'entrer dans une sorte de "tunnel blanchâtre" avec un sentiment de plénitude ineffable au point de regretter d'en revenir ...Il est vrai que ces expériences sont contestées ...et qu'elles ne suscitent pas toujours des "visions paradisiaques", mais au contraire des "impressions de démons et de flammes" ...En fait, certains psychiâtres font remarquer qu'il n'y a alors qu'une "approche" et non une "entrée" dans la mort ...et que des visions analogues peuvent être provoquées par un dysfonctionnement cérébral, une privation momentanée d'oxygène ou la prise de certaines drogues ...
Comme l'écrivait le philosophe Gabriel Marcel, ...mort en 1973, la mort est désormais un "problème", alors qu'elle était naguère un " mystère" ...Un mystère qui était à la base des religions depuis un temps immémorial, mais auquel elles donnaient des réponses discordantes :
- dans la religion élémentaire de l'animisme, il n'avait pas de "mort", dans la mesure où celle-ci était perçue comme une continuité, au point qu'on considérait que le dialogue des morts et des vivants se poursuivait sans interruption, l'un des effets étant qu'on pouvait procéder à une anthropophagie sacrée...
- Dans les religions monothéistes - judaïsme, christianisme, islamisme - apparaît la distinction entre le "corps" périssable et "l'âme" immortelle ...mais l'âme, à distinguer de "l'esprit" qui est le travail du cerveau et de la "conscience" qui est l'appréciation de la réalité, est insaisissable ...et elle se réunira de nouveau au corps ressuscité lors ...du Jugement dernier...
- Dans le religion bouddhique qui ne reconnaît ni Dieu ni âme, il y a une transmutation constante d'un être à un autre dans la "métempsycose" ...Ainsi le Dalaï-lama tibétain est considéré comme la ré-incarnation de Bouddha...
Mais les religions "officielles" perdent actuellement leur importance, notamment dans le monde dit occidental ...En France, par exemple, le christianisme sous ses différentes formes (catholicisme, protestantisme, évangélisme) qui concernait encore au 19ème siècle 80 % de la population - inégalement "pratiquants, il est vrai - n'y a plus, suivant un sondage de janvier 2011 (3) que 36 % de "croyants", contre 34 % "d'athées" et 30 % de "divers" (autres religions, agnostiques...). En fait, la religion est de moins en moins "institutionnelle" ...et de plus en plus "individuelle"...En quelque sorte, chacun a son idée sur l'au-delà et sur la mort ...Une idée, seulement ...Car, à l'approche de la mort, il y a des "mécréants" qui changent d'avis, ...au cas où ...
Finalement, et ce n'est pas nouveau, on tourne en rond devant la mort ...et une pirouette dans le paradoxe est peut-être l'attitude la plus pertinente ...Comme disait déjà Epicure au 4ème siècle avant JC, "le plus effrayant des maux, la mort, ne nous est rien, car, quand nous sommes, la mort n'est pas là, et quand la mort est là, c'est nous qui ne sommes pas" ...Et l'humoriste Chaval lui fait écho au 20ème siècle : "Un au-delà ?...Pourquoi les morts ne vivraient-ils pas ?...Les vivants meurent bien !..."
(1) Revue Sciences et Avenirs - N° 777 Novembre 2011 - Ce que la Science sait de la mort
(2) Revue Le Monde des Religions - N° 40 Mars-Avril 2010 - La vie après la mort
Alexandra Brune - La vie après la mort - Ed.Anagramme 2008
Kenneth Ring - Sur la frontière de la vie - Ed.Alphée 2008
Aurélien Le Blé - De la vie à l'après vie - Ed.Michel Lafon 2001
(3) Revue Le Monde des religions - N° 49 - Septembre-Octobre 2011 - La France devient-elle athée ?