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 SOUFFRANCE

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MessageSujet: SOUFFRANCE   SOUFFRANCE Icon_minitime20.04.11 10:53

Souffrir a-t-il un sens ?

Maurice BELLET
SOUFFRANCE Pix_trans



Dans les milieux chrétiens, viennent un peu facilement de belles théories sur «le sens» de la souffrance. Ces discours sont insupportables pour ceux qui la vivent. Si l’on parle de la souffrance, explique Maurice Bellet de Croire Aujourd'hui, ce doit être «avec un infini respect».

Il y a une impudeur à disserter sur la souffrance, qui est intolérable. Cette impudeur, on la rencontre, entre autres, hélas, chez les chrétiens, quand ils pensent avoir dans leur foi de quoi «répondre» à cette question-là.
Mais la souffrance n’est pas une question. La souffrance souffre. Et celui qui est dedans, je crois qu’il attend d’abord qu’on l’en soulage, et pas qu’on la lui explique. Jésus, quand il rencontrait des malades, les guérissait ; il ne leur parlait pas avec abondance du sens de la maladie. Si donc on ose parler de la souffrance, ce doit être avec un infini respect. On n’a d’excuse que si, en ce qu’on dit, quelqu’un trouve soulagement. C’est beaucoup espérer.

La souffrance demande à être entendue



La souffrance est un aspect de la vie humaine qui tient à la vie même. Maladie, deuil, faim, discordes, agonies... et cachées et d’autant plus impitoyables. La solitude. Le manque d’amour. Le sentiment d’impasse. La terrible déprime. Triste constance de nos douleurs. Et pourtant, changement, au moins dans la façon dont elle est perçue aujourd’hui. J’en vois deux traits.
D’abord la souffrance cesse d’être muette. Ce qui s’exige et se répand de plus en plus, c’est la possibilité offerte au souffrant de dire sa souffrance, c’est-à-dire de ne pas être emmuré en elle. Rôle capital de l’écoute.
L’écoute doit être compatissante, sans doute, mais pas complaisante: elle reconnaît l’autre, si dolent qu’il soit, infirme, impuissant, défait, comme sujet, et sujet de sa parole. Elle lui donne cette première dignité qui lui permet (s’il le peut) d’être en face de sa souffrance, au lieu de s’engloutir en elle.

La souffrance doit être combattue



C’est lié au second thème: la souffrance doit être combattue, absolument. Il y a une volonté de soigner, et de soigner pour guérir.
Mais il y a aussi une volonté, de plus en plus efficace, d’éliminer la douleur : il y a maintenant
des médecins de la douleur et l’on sait le développement des soins palliatifs. L’affaire dépasse le domaine de la santé. On veut mettre fin aux souffrances de la guerre, de l’humiliation, de la faim bien sûr, du travail trop dur... ou du chômage. Guerre à la souffrance, sous toutes ses formes.
Mais ce qui se trouve exclu aussi, c’est tout langage (ou toute pratique) qui se présente comme acceptation de la souffrance.
Certes, il faut bien accepter ce qu’on ne peut ôter; mais l’attitude première d’acceptation paraît détestable et injuste. Par exemple, et spécialement chez les chrétiens, le thème de la souffrance rédemptrice, l’identification aux souffrances du Sauveur, porter sa croix, etc. Ce langage là peut aller jusqu’à se réjouir de la souffrance, à y voir le signe d’une prédilection divine – puisque Dieu a conduit son Fils jusqu’à la croix. «Il faut que Dieu vous aime beaucoup pour qu’il vous éprouve autant» – cela s’est dit.
Eh bien, c’est un langage qui « ne passe plus », ou bien difficilement, y compris chez les chrétiens. On n’a que faire du «sens de la souffrance». On veut que ça cesse, un point c’est tout. Et si Dieu permet, comme on dit, que ça ne cesse point, ce n’est plus une consolation, ou du moins un motif de résignation, c’est plutôt la cause d’une difficulté de relation avec Dieu!

La part d’ombre de ce qui est vivant



Pourtant, il demeure que la souffrance fait partie de la vie humaine. Autant il est suspect de disserter sur le sens de la souffrance, autant il reste vrai que le pur et systématique refus de la souffrance mène à l’impasse. Il n’y a pas d’existence humaine sans renoncement, sans «castration» même, pour reprendre le mot de Françoise Dolto, évoquant ces passages que le petit d’homme doit faire pour advenir à lui-même.
Et qui pourrait ignorer qu’il n’y a pas d’œuvre, de création vraie sans les douleurs de l’enfantement? La femme peut enfanter sans douleur (éliminons la souffrance!). Mais quelle mère, quels parents ont pu élever des enfants sans qu’à un moment ou un autre ces enfants aient été leur douleur? Il n’y a pas de relation humaine, y compris d’amour, spécialement d’amour, qui puisse éviter les tensions, les malentendus ou même le déchirement.
Il y a bien une tendance, en notre société, à éliminer cela même. Mais, paradoxalement, tous ceux qui travaillent contre la douleur, soignants, thérapeutes, gens engagés dans la lutte contre l’injustice, la guerre, etc., tous ceux-là connaissent la présence de ces souffrances. Et dans leur propre vie. À commencer par la souffrance de ne pouvoir faire mieux qu’ils ne font. Mais ce sont, si j’ose dire, des souffrances immanentes à la vie ; elles sont comme l’ombre inévitable de ce qui est vivant. Or, il est des souffrances d’autre nature, qui sont de pures destructions, des échecs massifs, des ruines de vies. Je les qualifierai d’inextricables: parce qu’il n’y a pas d’issue, parce qu’on y est enfoncé dans l’impossible, dans l’invivable.

Des régions où la parole est morte



Ce n’est pas seulement à cause de ceci ou cela, car c’est toujours en relation avec celui qui pâtit, sa personnalité, son histoire, son assurance ou sa détresse intérieures: le même échec qui pour l’un est un épisode, voire un tremplin, est pour l’autre une chute dans une ténèbre sans fond.
Quiconque a un peu d’expérience sait à quel point le «thérapeute» peut être impuissant: c’est à chacun de sortir du gouffre, s’il y est tombé, et nul ne peut ici juger autrui ni décider pour lui. Au surplus, il y a des situations si violentes (camps de la mort, horreurs des guerres civiles, tortures, famines...) qu’on se demande comment il se trouve des êtres humains pour y « tenir». Ils ont toute notre admiration. Mais les autres? Tous ceux qui, même tirés de là, gardent une blessure si profonde que la ténèbre finit par gagner la partie, comme chez ce religieux brésilien, torturé en son pays, réfugié en France parmi ses frères – et suicidé? Qui osera dire une parole sur lui? Qui peut dire quoi que ce soit sur les camps d’extermination? C’est la région du silence, du grand silence. Ici, la parole est morte.
C’est pourquoi l’idée que ce résidu résistant de la souffrance – que le soin et la lutte pour la justice n’atteignent pas – pourrait être le lieu où s’entende enfin une parole qui ose dire le sens de ce sur quoi nous sommes sans pouvoir, cette idée-là risque de paraître à nos contemporains particulièrement insupportable.

La foi, lieu d’épreuve



Et si maintenant j’essaie en chrétien, en homme de foi, de me situer là-dedans, que dirai-je? Que ferai-je ? Il y a en tout cas quelque chose que je ne dois pas faire : c’est parler et agir comme si nous n’en étions pas là, comme si la pure répétition d’un langage chrétien déclaré traditionnel (l’est-il vraiment?) nous dispensait d’éprouver ce qu’éprouvent les hommes de ce temps.
On dira que c’est ouvrir une perspective plutôt rude, puisque la foi, au lieu d’être immédiatement consolation, peut devenir lieu d’épreuve. Mais qui a dit que la foi était sans souffrance?
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