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 Euthanasie,un enjeu social capital

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MessageSujet: Euthanasie,un enjeu social capital   Euthanasie,un enjeu social capital Icon_minitime30.04.12 11:53

Harry Bleiberg.Médecin cancérologue
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1..L'euthanasie: un enjeu social plus important qu'on ne l'imagine!
Publication: 25/04/2012 20h04

 
Une législation en faveur de l'euthanasie a été mise en place aux Pays-Bas, en Belgique et plus récemment au Luxembourg. L'euthanasie passive et le suicide assisté sont tolérés voire légalisés dans certains pays. Partout on reconnaît la nécessité de venir en aide aux personnes en fin de vie et plus particulièrement à celles qui:
 
"souffrent d'une affection incurable grave par maladie ou accident, qui présentent des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et inapaisables et qui expriment une demande volontaire et ferme, répétée, sans pression extérieure" comme le définit la législation en Belgique.
La législation belge a en fait promulgué, en même temps, trois lois.
 
 
 
1.La première, intitulée "Loi relative aux droits du patient", énumère une série de droits qui sont reconnus à tout patient. L'un de ces droits, en particulier, permet de refuser un traitement quel qu'il soit et donne donc la possibilité, en fin de vie, d'éviter tout acharnement thérapeutique.
 
 
2.La seconde, dite "Loi relative aux soins palliatifs", adoptée simultanément à la loi dépénalisant l'euthanasie, crée les conditions médicales et matérielles permettant d'assurer l'accès aux soins palliatifs à tout patient en fin de vie.
 
 
3.La troisième, la "Loi relative à l'euthanasie" précise les conditions qui rendent l'euthanasie non punissable. En dehors de ces conditions, l'euthanasie reste en effet un homicide avec préméditation. La loi définit l'euthanasie comme un acte pratiqué par un tiers qui met intentionnellement fin à la vie d'une personne à la demande de celle-ci. Pour qu'il puisse ne pas être considéré comme un délit, cet acte doit être pratiqué par un médecin à un patient se trouvant dans une situation médicale sans issue, définie par les différents articles de la loi et doit respecter les procédures qui impliquent "d'informer le patient de son état de santé, des possibilités thérapeutiques ou palliatives, de s'assurer de la volonté ferme et réitérée du patient par un écrit et des entretiens répétés, de consulter au moins un autre médecin indépendant (si le décès n'est pas prévisible à brève échéance, 2 médecins et observer un délai d'un mois après la demande écrite, de s'entretenir avec l'équipe soignante si elle existe, de s'entretenir avec les proches si telle est la volonté du patient, de s'assurer que le patient a pu s'entretenir avec les personnes souhaitées par lui. L'euthanasie est un choix délibéré du patient et de lui seul, de vouloir mettre un terme à sa vie".
 
Depuis la mise en place de la loi, le nombre d'euthanasie déclarée était de 3136 cas en 2010 aux Pays-Bas et de 1133 en 2011 en Belgique, soit, respectivement, environ 2% et 1% des décès recensés. L'écrasante majorité des personnes était atteinte de cancer, 80% ont choisi de mourir à leur domicile entourés de leurs proches.
 
L'opposition à une telle législation dans la plupart des pays se fait entendre par des voix diverses émanant le plus souvent des milieux confessionnels. Ils pensent que notre vie ne nous appartient pas, qu'elle est un don de Dieu et qu'il ne nous est pas donné, à nous humains, d'en disposer à notre guise. La mort dans le cadre de la religion est une mort rituelle, préprogrammée, silencieuse, acceptée par tous comme émanant de la volonté divine. Celui qui réclame anticipativement sa propre mort perturbe l'ordre divin, se substitue, en ce qui le concerne, à Dieu et jette le doute sur sa toute-puissance, perturbe l'ordre des choses et déstabilise tous les croyants qui l'observent. La mort, si prévisible soit-elle, n'est pas simple à intégrer, même pour un croyant.
 
Je suis plus étonné de voir surgir des opposants qui, sous des habits de science et de rationalité, souvent médecins, clament que, dans leur service, les demandes d'euthanasie disparaissent dès qu'on aborde les problèmes rencontrés par les malades. Je pense qu'ils se trompent. On peut se demander quelle a été leur relation avec des patients demandeurs d'une euthanasie, leur relation avec des personnes souffrantes ayant épuisé toute les ressources thérapeutiques, ayant couru d'un expert à l'autre, envisagé toutes les chirurgies, toutes les drogues qui les guériraient d'une souffrance qui occupe tout leur espace mental, qui les replie infiniment sur eux-mêmes, les laissant vides d'espoir. Il faut pouvoir les regarder dans les yeux et acter l'échec, celui de la science, de la médecine, de nos propres actions. Quand on a parcouru cette route avec une personne, comment lui refuser le geste qui l'aidera à faire le dernier pas le mieux possible.
 
Les médecins ont des difficultés à gérer la mort, ils ont peur de la dire quand elle ne fait que se profiler à l'horizon, et souvent, pour éviter de la nommer, ils poussent les traitements au-delà de l'acceptable. Ils ont probablement peur de se voir confronter à une déferlante d'émotions. Celles du malade, certainement, mais peut-être, plus encore, leurs propres émotions. Pour tous, y compris les médecins, toute mort nous ramène à la nôtre. Anticiper l'arrivée de la mort chez un malade peut être insupportable, alors on l'évite, on la fuit, on demande l'avis d'autres confrères, on dit "je ne peux plus rien faire pour vous", on nie la souffrance qu'on ne peut assumer.
 
Je pense que les personnes/médecins qui répètent sur tous les médias que la demande d'euthanasie résulte d'une prise en charge inadéquate des malades n'ont jamais été confrontés à la souffrance et au désespoir ou nient et, par là même, tentent de sauver leur intégrité psychique face à une situation vécue comme totalement déstructurante.
 
Il me reste à régler un problème avec la société, qui dans nos démocraties, se veut juste, solidaire, égalitaire, fraternelle, une société qui revendique l'acceptation de toute les différences, se bat pour l'égalité des hommes et des femmes, le droit à l'homosexualité, le droit d'être juif, musulman, chrétien, noir, jaune, blanc. Tous égaux! Sauf peut-être les plus démunis d'entre-nous, ceux qui sont en fin de vie et n'ont souvent que quelques mois, quelques semaines, quelques jours pour réclamer leur droit à une différence si particulière par son caractère limité dans le temps et sa violence qui due aux "souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et inapaisables". Pour eux pas de suffragette, pas de gay pride, pas de Sidaction. Tous ces mouvements qui défendent des causes tellement justes. C'est au même niveau que doit se situer l'action en faveur du droit à l'euthanasie.
 
Il n'est pas étonnant que le sujet de l'euthanasie s'invite au débat sociétal au moment de l'élection présidentielle. Pour une société qui cherche à redéfinir ses valeurs, la défense d'une minorité si fragile, si évanescente qu'elle ne porte même pas de nom, la reconnaissance du droit à disposer de son propre corps, tellement fondamental, permettrait de donner un signal fort de cette volonté de changement.
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