Source=Libération
Le silence de la Chapelle Sixtine ou les secrets biens gardés du conclave
12 mars 2013 à 09:45
La Chapelle Sixtine préparée pour le conclave le 12 mars 2013 à Rome (Photo -. AFP)
Par
AFP Le conclave pour
l’élection d’un nouveau pape reste chargé de rituels et de secrets, mais
quelques savoureux détails de précédents votes s’en échappent parfois
et dévoilent les coulisses de la Chapelle Sixtine.
Les
115 cardinaux ayant emprunté les chemins qui mènent à Rome
appartiennent à l’un des clubs les plus exclusifs de la planète, et une
fois les lourdes portes de la Sixtine fermées jeudi au cri de «Extra
Omnes!» («Tout le monde dehors!») leurs délibérations doivent rester
totalement secrètes.
Vêtus de pourpre et
coiffé de la barette cardinalice, ils doivent prononcer un serment
solennel sous peine d’excommunication. Même les femmes de ménage et les
cuisiniers au service des cardinaux doivent faire la promesse de ne rien
révéler de ce qu’il pourrait entendre ni surprendre.
Quel
contraste à l’époque des téléphones-caméras et des réseaux sociaux
instantanés! Aucun appareil électronique n’est toléré, et les
télécommunications seront même brouillées autour de la Sixtine le temps
du conclave.
«L’isolement des cardinaux
est vraiment total, avait raconté un des cardinaux ayant participé à la
précédente élection, celle de Joseph Ratzinger en 2005, le pape Benoît
XVI démissionnaire. Télévision, radio et journaux sont inaccessibles.
Les téléphones portables sont bloqués. Mais nous pouvons parler».
Stores scellés
Les détails lâchés par les cardiaux sont rarissimes, ce qui explique
l’anonymat de ce témoignage recueilli par la revue de géo-politique
«Limes».
Il raconte qu’à son arrivée à
Casa Santa Marta, la très spartiate résidence des électeurs pendant
leurs délibérations, il a pensé que les stores étaient cassés car il
n’arrivait pas à les ouvrir. Il a vite découvert qu’ils étaient scellés
afin que les pensionnaires soient bien coupés du monde.
Le
cardinal britannique Cormac Murphy-O’Connor, actuel Archevêque émérite
de Westminster, a raconté pour sa part comme il avait été frappé par le
fait que celui appelé à devenir le chef d’1,2 milliard de catholiques
devait être choisi parmi des hommes enfermés dans une pièce.
«Je
me souviens avoir pensé, en regardant les 114 cardinaux: +L’un de nous
va sortir d’ici avec une soutane blanche», a-t-il raconté à la BBC.
Contrairement à 2013, un solide favori se dégageait dès avant le
conclave, et les cardinaux n’ont pris que deux jours pour choisir Joseph
Ratzinger.
«Quand une majorité a été atteinte, on a entendu un grand souffle, puis tout le monde a applaudi,» poursuit Murphy-O’Connor.
Jean-Paul 1er ne voulait pas
Une
fois que Ratzinger eut accepté sa mission - et choisi le nom de Benoît -
il a invité tous les cardinaux à rester pour un «dîner convivial»,
suivi de ce que des cardinaux âgés sont capables de mieux en matière de
«fête».
«Il est entré, tout en tenue. Je
me suis souvent demandé comment il se sentait, au fond de lui. Mais nous
l’avons chaleureusement applaudi, puis nous avons pris un excellent
dîner avec un peu de champagne pour porter un toast. Puis nous avons
improvisé quelques chants», révèle Murphy-O’Connor, sans préciser en
quelles langues une si cosmopolite assemblée avait entonné des airs.
Si
Benoît XVI a semblé heureux de se voir confier cette mission, ce ne fut
pas le cas de tous ses prédécesseurs, selon quelques rares
indiscrétions. En 1978, le cardinal autrichien Franz Koenig faisait
partie du conclave qui a élu Jean-Paul 1er. Il a rappelé qu’au moment
d’aller bénir la foule au balcon de Saint-Pierre de Rome, ce dernier
«n’a presque rien dit, il s’est seulement plaint que nous l’ayons choisi
lui.»
Ce pape réticent, qui a peut-être
inspiré le personnage de Michel Piccoli dans «Habemus papam» de Nanni
Moretti, devait mourir 33 jours plus tard à peine.
Autre
anecdote, plus divertissante : toujours à ce même conclave, on raconte
dans les couloirs du Vatican qu’un cardinal accroc à la nicotine,
-certains affirment que c’était un Américain, d’autres qu’il s’agissait
d’un Espagnol-, a demandé au nouveau pape s’il pouvait s’accorder une
petite cigarette.
Jean-Paul 1er s’est
accordé le temps de la réflexion puis a répondu: «Éminence, vous pouvez
fumer... aussi longtemps que la fumée est blanche».