Jean-Claude Gianadda, l’infatigable troubadour
À l’approche de Pâques, « La Croix » a rencontré des auteurs et compositeurs ayant renouvelé le chant liturgique, façonnant des univers de prière qui évoluent dans le temps et reflètent diverses sensibilités (5/5)
Avant d’écrire la moindre ligne sur Jean-Claude Gianadda, il convient de s’armer de patience : parviendra-t-on à convaincre l’intéressé de l’utilité de se prêter à cet exercice ? Depuis trente-cinq ans, l’auteur de chansons chrétiennes à succès écarte avec une constance de métronome les sollicitations de la presse, peu enclin à endosser le « manteau trop voyant de la vedettisation ».
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"Trouver dans ma vie ta présence"
"Chercher avec toi Marie"
S’il consent à enfreindre la règle qu’il s’est lui-même imposée, c’est peut-être parce que le troubadour de la foi a fini par trouver, à bientôt 68 ans, une forme de sérénité. « À travers mes chansons, je m’efforce de révéler celui qui me fait vivre. Cette démarche va de pair avec une certaine discrétion », se justifie Jean-Claude Gianadda, assumant volontiers sa part de contradiction.
Sa réserve tranche avec la popularité d’un répertoire devenu un monument pour des générations de catholiques. En 50 albums et 700 compositions originales, l’homme à la guitare douze cordes aura façonné quelques-uns des plus grands « tubes » de l’Église de France : Trouver dans ma vie ta présence , Qu’il est formidable d’aimer , Chercher avec toi dans nos vies . Selon une étude récente, ses airs seraient parmi les plus entonnés lors des assemblées dominicales.
À sa grande surprise : « Je n’ai jamais écrit de chants liturgiques, mais plutôt ce que j’appelle des prières chantées. Que les fidèles les reprennent à la messe, cela ne m’appartient pas. La réception d’une chanson, c’est très mystérieux… »
150 concerts par an
Mystérieux, aussi, ce bouche-à-oreille qui l’entraîne dans d’interminables tournées à travers le pays : pas une semaine sans qu’il ne sillonne les localités françaises, petites ou grandes, au volant de son Peugeot Expert. Il cumule 150 veillées chaque année, dans les églises, prisons ou hôpitaux, avec souvent 300 à 600 spectateurs. S’il n’a jamais caressé l’envie de devenir intermittent du spectacle, ce Marseillais d’adoption n’en cultive pas moins un plaisir évident à rencontrer ce public qui le suit fidèlement depuis trois décennies.
« J’appartiens à cette génération de chrétiens qui a eu la chance de pouvoir inventer tous azimuts » , reconnaît l’ancien Frère des écoles chrétiennes, célibataire par choix, enseignant passionné, longtemps chef d’établissement, avant de prendre sa retraite, il y a neuf ans, pour se consacrer à la musique.
Le désir de transmettre : de l’estrade des salles de classe à celle des églises, c’est peut-être la marque de ce musicien autodidacte prompt à s’effacer derrière ses chansons. De son éternelle voix grave et sensible, évoquant un subtil croisement entre Pierre Bachelet et Daniel Guichard, l’artiste nourrit l’ambition de s’adresser à tous, héritier d’une variété exigeante qui n’élude rien de la noirceur de l’homme. Comme dans le très beau Casque bleu , vibrant plaidoyer pour la paix, ou dans ses chansons sur l’Afrique, les gitans…
« Ne baissez pas les bras ! »
Jean-Claude Gianadda ne se cantonne pas au seul registre religieux. Ce que lui reprochent certains, dans la jeune génération, qui voient en lui un auteur édulcoré quelque peu passé de mode : « Récemment, un jeune prêtre m’a reproché de n’avoir su anticiper la désaffection des églises… Je reçois ces critiques avec humilité. Même si c’est un peu injuste : nous nous sommes investis corps et âme dans la catéchèse, dans les mouvements… et un jour, tout s’est écroulé. Pourquoi ? Je n’en sais rien », avoue-t-il, soucieux de transmettre le flambeau aux jeunes artistes chrétiens.
« Les jeunes, je leur dis : allez-y, ne baissez pas les bras ! » à l’âge où beaucoup d’artistes « sont déjà hors jeu », le compositeur, qui lègue la plus grande part de ses recettes à un missionnaire de Madagascar, s’étonne de durer : « C’est le public qui m’a choisi. »
En 1974, il publie son premier 33 tours
Au cœur des années 1970 paraît un disque singulier : Pour bâtir , galette en forme de manifeste annonçant la carrière aussi discrète que prolifique de son auteur, Jean-Claude Gianadda. Un certain Francis Lalanne, alors débutant, l’accompagne sur scène.
Dans les années 1980 et 1990, l’artiste s’impose comme une valeur sûre de la chanson chrétienne : ses hymnes inondent les paroisses, tandis qu’il enflamme les rassemblements de jeunes, allant jusqu’à se produire devant 4 000 scouts. Son répertoire devient la bande-son de toute une génération.
Derniers disques parus chez Bayard musique : Anthologie n° 1 , 115 chansons 1977-2008 (6 CD, 49 €) et Anthologie n° 2 , 112 chansons pour un chemin (6 CD, 49 €).