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| | Père Gabriel RINGLET | |
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| Sujet: Père Gabriel RINGLET 15.07.12 15:09 | |
| Gabriel Ringlet : "La vie de prêtre est une vie blessée, au sens noble du terme" lundi 03 octobre 2011 à 10h09
Il écrit, elle chante. Ensemble, ils parlent des femmes. De ce dialogue transparent entre l'auteur et interprète française Mannick et le prêtre, journaliste, écrivain, théologien et vice-recteur émérite de l'UCL Gabriel Ringlet est né le livre Entre toutes les femmes (Desclée de Brouwer). A travers le portrait de certaines d'entre elles, les deux interlocuteurs évoquent sans détour l'église, ses prêtres et ses crises. L'amour. Et la mort. Gabriel Ringlet s'y raconte aussi de façon très personnelle en semant entre les lignes quelques indignations, l'un ou l'autre regret, et des poussières de doutes. « Sans le doute, il n'y a pas de foi possible », dit-il.
Gabriel Ringlet. © Gaëtan Nerincx/Huma
Le Vif/L'Express : « J'aimerais une Eglise qui soit un peu plus folle et un peu plus ivre de temps en temps, plus sereine et moins préoccupée de sa propre organisation », écrivez-vous. Un autre danger qui la guette semble être le cléricalisme, que vous dénoncez. Gabriel Ringlet : Ce cléricalisme est un véritable cancer qui menace tous ceux qui, professionnellement, s'engagent au profit de l'autre, et les prêtres en particulier. Ceux-ci sont confrontés à la terrible tentation d'exercer un pouvoir qui prétend ne pas en être un. J'ai beaucoup plus de respect pour le pouvoir économique ou politique qui s'assume que pour ceux qui tiennent des discours d'humilité mais n'en pensent pas moins. J'ai toujours connu ça, à tous les niveaux de pouvoir, jusqu'au tout petit vicaire qui a une sensation de puissance quand il a face à lui une âme qui dépend de lui. Or les prêtres reçoivent beaucoup de confidences. Dans cet exercice, il faut, sans cesse, renvoyer l'autre à sa liberté spirituelle et intérieure. C'est ça, l'anticléricalisme : que l'autre qui nous parle ne soit plus sous notre coupe. Le prêtre est chargé de libérer les gens, de les remettre debout. Sinon, il n'a rien à faire là-dedans. Cette possible prise de pouvoir sur l'autre est d'ailleurs une des clés de la pédophilie.
Avez-vous le sentiment que ce cléricalisme que vous dénoncez augmente ?
Sans aucun doute. On assiste à un retour à des identités fortes, crispées, qui se traduisent par des signes d'enfermement. Ce phénomène n'est pas propre à l'Eglise catholique, on l'observe aussi chez les laïques ou dans les milieux philosophiques. Quand j'étais au séminaire, nous jouissions tous d'une très grande autonomie de pensée. On pouvait se poser là les questions existentielles les plus radicales, et même remettre en cause l'existence de Dieu. Quelle colonne vertébrale on a, quand on se lance, ensuite, dans la vie, après une formation pareille ! Aujourd'hui, il y a un manque d'assise morale et intellectuelle, et pas seulement spirituelle, dans la formation proposée aux jeunes prêtres.
Comment expliquez-vous ce repli identitaire, y compris dans l'Eglise catholique ?
Je ne sais pas d'où vient cet enfermement. Ma génération et la suivante sont très à l'aise dans une société pluraliste et multiculturelle. Mais plus on s'est rapproché des années 1990, plus on a vu les identités se crisper. Que signifie cette peur, ce repli, cette Eglise qui pense qu'on a trop laissé aller les choses ? Je pense, moi, que si une telle débandade se produit aujourd'hui, c'est parce qu'on n'a pas assez appliqué les décisions du concile Vatican II, et non pas qu'on les a trop scrupuleusement suivies.
Le cléricalisme est l'une des clés de la pédophilie dans l'Eglise, disiez-vous. Après les affaires qui ont ébranlé l'Eglise en Belgique l'an dernier, que suggérez-vous comme piste pour affronter cette question si difficile ?
Les 37 victimes avec lesquelles j'ai été en contact tiennent toutes ce discours : « Nous avons une blessure spirituelle que nous devons dire à quelqu'un de l'Eglise, même si nous ne sommes pas croyants. » On en revient au problème du faux sacré. Comme dans l'histoire de Laura, abusée de 12 à 24 ans par le curé de son village. Elle s'en est confiée à 7 adultes. Aucun ne lui a porté secours. « C'est beau, ce que nous allons faire, lui disait ce curé. Dieu nous regarde. » Le sommet de la perversité est atteint, quand l'auteur des faits se met à inscrire cette déviance dans une démarche spirituelle ! C'est dire s'il faut travailler en profondeur cette question de la sexualité chez les prêtres, pour qu'ils la vivent sereinement. On est fragilisé si l'on a en soi des questions aussi fondamentales qui n'ont pas été travaillées et qui, parfois, sont ensuite reportées sur de petites victimes.
A vous lire, être prêtre aujourd'hui ne semble pas chose facile. « Pas plus qu'être femme », souligne Mannick...
Je ne supporte pas les discours lénifiants sur la prêtrise. C'est un combat d'être prêtre. Il est beau, mais c'est un combat. Conquérir sa féminité n'est jamais acquis, conquérir sa prêtrise non plus. La vie de prêtre est une vie blessée, au sens noble du terme. Il faut vivre avec cette blessure ouverte et ne pas essayer de colmater cette brèche : on est blessé mais vivant. Chaque prêtre se bat avec son dieu et doit se dire que son combat est légitime. Et cette blessure est beaucoup plus large que la seule question du célibat ! Que le célibat soit une souffrance, bien sûr, mais ce n'est pas propre au prêtre et ce n'est pas la plus fondamentale. La blessure, c'est d'être touché au plus profond et jusque dans sa chair par cette parole à mettre au jour. Comment être prêtre ? L'un des lieux où je me sens le plus prêtre, moi, c'est dans l'accompagnement vers la mort : on aide quelqu'un, dans ce moment si particulier, à accoucher de ce qu'il a de meilleur en lui. Au fond, un prêtre, c'est un accoucheur. Voyez le travail remarquable qu'effectuent les aumôniers de prisons. Ça n'existe pas, dans l'Evangile, qu'on ne puisse pas offrir un avenir à quelqu'un. Mais la société n'est pas toujours prête à entendre un tel message...
L'Eglise rejette encore et toujours les divorcés qui se remarient. Quelle réaction cette attitude suscite-t-elle chez vous ?
Une très grande incompréhension. Mais ça va craquer, cette histoire : l'Eglise ne va pas tenir. Si elle veut que tous, y compris des gens remarquables, lui tournent le dos, qu'elle continue ! Il ne s'agit pas d'être laxiste. Mais on a tous des fractures en nous. L'Evangile dit justement que c'est vis-à-vis des plus fragiles que la parole est prioritaire. Or on la leur refuse. C'est comme décider que l'Evangile ne s'applique pas dans certaines situations ! Un changement s'impose et j'observe qu'il y a de plus en plus de convergences de vues sur cette question. L'Eglise n'a pas le monopole de l'amour. D'accord qu'elle indique les voies qu'elle privilégie si elle accepte qu'il existe d'autres chemins et d'autres balises, et tant mieux si on peut collaborer ensemble pour améliorer l'humanité. Une Eglise comme ça, oui, ça changerait tout. La crise actuelle de l'Eglise est une crise de positionnement : son discours peut être étendu mais c'est sa prétention à l'amener dans l'espace public qui pose problème.
Le refus obstiné de l'Eglise d'ordonner les femmes vous laisse tout aussi songeur...
Il y a plus d'arguments qui plaident en faveur de cette ordination que contre. Je suis tout prêt à entendre des arguments pertinents de la part de l'Eglise, qui affirme que c'est théologiquement impossible, mais je ne vois rien venir. C'est une question d'orgueil sacerdotal : l'Eglise continue de croire qu'il y a une supériorité masculine. Tout le système est d'ailleurs masculin. On en est encore, comme il y a des siècles, à craindre qu'une femme impure s'approche de l'autel ! Or on voit bien dans l'Evangile que Jésus fiche ce système en l'air et rencontre des femmes dans des circonstances audacieuses. Et moi, je suis un disciple de Jésus...
Ainsi que sur l'ordination des hommes mariés... La position de l'Eglise ne sera pas non plus tenable à terme. Je la sens d'ailleurs plus prête à accepter d'ordonner des hommes mariés que des femmes ! Cette question progresse, mais en sous-main. Jusqu'au XVIe siècle, il y a eu des prêtres mariés. L'Eglise catholique romaine est la seule à s'opposer au mariage des prêtres. Si l'on veut une réunification des chrétiens, il faut repenser la structure de l'Eglise et généraliser l'ordination des hommes mariés. Beaucoup d'évêques le disent en privé. C'est dommage qu'ils ne rendent pas ce débat public.
Vos questions à l'égard de l'institution de l'Eglise sont nombreuses et, même posées délicatement, frontales. Vous y sentez-vous toujours bien ?
Je m'y sens à l'aise et au coeur de ma foi chrétienne. Je ne peux pas imaginer que les relations dans l'Eglise soient autoritaristes. C'est insupportable pour moi. Il faut qu'on puisse ne pas être d'accord. Il y a beaucoup de manières de faire l'Eglise. Pour le monde à l'extérieur, l'Eglise, c'est d'abord la hiérarchie. Mais l'Eglise réelle est celle du terrain, beaucoup plus complexe que les déclarations du pape. Il se pourrait certes que mon franc-parler en bloque certains dans l'Eglise, mais il n'y a pas de provocation de ma part.
Si l'Eglise du haut n'est pas au mieux de sa forme, l'Eglise de terrain ne va pas bien non plus, selon vous.
Je constate beaucoup de découragement parmi les chrétiens du bas. J'aimerais qu'ils soient plus libérés. Ils sont encore très dépendants de leur autorité. En France, 700 000 catholiques pratiquants ont quitté l'Eglise et ont opté pour le bouddhisme, afin d'échapper à une structure qui ne leur convenait plus. C'est éloquent.
D'où pourrait venir l'ouverture dont vous rêvez pour l'Eglise ? Elle pourrait venir du monde contemplatif, plus engagé qu'il n'y paraît dans l'actualité du monde, et bien plus libre intérieurement. Des choses très vivantes se passent dans les abbayes. Les moines sont d'une grande liberté intérieure parce que c'est ça ou leur vie est un enfer. On rencontre du coup dans ces lieux une grande fraternité, du respect, beaucoup d'humour et une réelle autonomie structurelle. La structure de l'Eglise est décidément trop lourde et pas assez décentralisée. Il faudrait un pouvoir très souple, d'ailleurs prôné par le concile Vatican II, avec une fédération de petites entités décentralisées.
« Dans la vie, écrivez-vous, je n'ai jamais rien fait de grand que sous le regard d'une femme. A condition de donner au mot regard toute sa force salvatrice. » Vous allez encore vous faire des amis...
Je suis un prêtre qui a toujours fait place à la femme et s'est toujours senti bien en sa compagnie. Je dois énormément à ma mère, féminine et féministe d'avant les années 1950, dotée d'une ouverture d'esprit peu commune. Je n'en reviens toujours pas, aujourd'hui, qu'elle ait, en tant que professeure de mathématiques, transmis les mots doux que je destinais à certaines de ses élèves. Ensuite, je suis entré au séminaire avec enthousiasme et souffrance, parce que je ne comprenais pas pourquoi je devais faire l'impasse sur une vie de couple. Vivre et réussir de grandes amitiés féminines, ce qui est risqué et représente en tous temps un exercice de corde raide, est très stimulant pour ma vie, y compris sacerdotale. Bien sûr, on n'est pas à l'abri de tomber amoureux. Ce risque m'habite. Ce sera toujours un chemin difficile mais stimulant, qui peut apporter parfois de la paix, quelque chose de plus fort que les difficultés rencontrées. J'ai beaucoup de tendresse pour les gens qui sont confrontés à des situations affectives impossibles. Il est arrivé à certains de tomber amoureux de moi. Je ne fuis pas, dans ces cas-là. Quand ce genre de chose survient, il me semble qu'il faut d'abord se dire : « Quelle chance ! Que c'est beau ! » Et puis avancer sur son chemin.
Pourtant, en publiant Ceci est ton corps [NDLR : ouvrage paru en 2008 dans lequel Gabriel Ringlet évoque les huit mois durant lesquels il a accompagné vers la mort une femme dont il était proche], je tremblais. Mais les réactions positives que j'ai reçues ensuite m'ont stimulé : quelle chance exceptionnelle d'avoir pu, dans ma vie, rencontrer quelques femmes. Etre accompagné par une parole féminine qui compte est très créateur.
Avez-vous trouvé dans votre vie d'autres moyens d'être « père », vous pour qui la paternité compte tant ?
J'aurais vraiment voulu être père au sens strict du terme. J'ai dû vivre avec ce manque. Mais il y a d'autres manières de mettre au monde - et qui ne sont pas des compensations à ce manque : l'enseignement et l'accompagnement de la mort, par exemple.
Le mot « doute » ne figure pas dans votre livre. Il affleure pourtant de toutes parts... Le doute est structurel. Il n'y a pas de foi possible sans lui. On marche avec ses doutes et ses interrogations ; ils ne doivent pas nous empêcher d'avancer mais peuvent nous aider à orienter nos choix. Le chemin de foi est de montagne, il n'a rien à voir avec l'autoroute. Peut-on même être pape et douter ? Je réponds oui, sans hésitation. Il y a une frontière aujourd'hui entre les gens de certitudes, de tous les milieux, dogmatiques, et les gens qui sont toujours en interrogation. Nous ne progressons que par le doute.
PROPOS RECUEILLIS PAR LAURENCE VAN RUYMBEKE
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| Sujet: Re: Père Gabriel RINGLET 15.07.12 15:41 | |
| Biographie Prêtre, écrivain, journaliste et universitaire, il a été professeur et vice-recteur de l’Université catholique de Louvain. Membre de l’Académie Royale de langue et de littérature françaises de Belgique, sa vocation est intimement liée à l’écriture à travers, surtout, la rencontre entre l’actualité, l’Evangile et l’imaginaire. Un tissage qu’il développe plus particulièrement au Prieuré de Malèves-Ste-Marie en Brabant wallon (Belgique).
Il s’investit beaucoup dans l’accompagnement en fin de vie et encourage un dialogue approfondi entre les libres pensées. Itinéraire spirituel « La parole brulante et sensuelle ne m’a plus quitté » J’aime beaucoup le regard que jetait un jour Francine Carrillo sur la vie spirituelle : « une manière de rester vivant pour plus large que soi » (Panorama, janvier 2006).
En quelles circonstances et à quels moments devient-on « plus large que soi » ? J’ai l’impression – mais vous voyez comme c’est subjectif – d’avoir pressenti quelque chose de cet « élargissement » en accompagnant mon père sur les jubés de ma petite enfance. Lui, l’artisan, le maître-maçon, ne chantait pas que sur les chantiers. On l’entendait aussi dans les petites églises de mon pays natal. En grégorien s’il vous plaît. Et j’aimais ! D’ailleurs, 20 ans plus tard, j’ai dirigé la chorale grégorienne du grand séminaire de Liège. Mais je sais aussi qu’au temps de Vatican II, ce papa de plus de 80 ans appréciait Mannick, Jo Akepsimas et Gaëtan de Courrège. Jamais l’ombre d’une idéologie dans ses choix. « Rien que la qualité quel que soit le répertoire » me disait-il. Elle a compté, dans ma vie spirituelle, cette balise-là.
Peu de temps après – j’avais 16 ou 17 ans – le collège, la jeunesse étudiante chrétienne et, déjà, l’actualité, le journalisme. La vie spirituelle, oui, mais à condition qu’elle écoute le monde. Qu’elle entende les poètes aussi. Merveille de découvrir Aimé Césaire, Georges Shehadé, Rainer Maria Rilke et, surtout, Léopold Sédar Senghor. Pas seulement pour ses femmes nues et noires. Même si je ne disais pas non ! Mais parce que ses chants d’ombre m’ont entraîné très tôt sur les sentiers brûlants du Cantique des Cantiques. A quoi tient donc une vocation !.
Car me voilà au séminaire. Pas question de renoncer à l’actualité. J’y suis entré pour ça ! Ni à la littérature. Mais une surprise m’attendait, heureuse : l’exégèse. La découverte, bouleversante et critique, du texte biblique. En hébreu, pour le même prix. Et donc l’approche d’une parole brûlante et sensuelle qui ne me quittera plus. Merci à vous, professeurs de séminaire, qui avez osé nous labourer à ce point, loin des piétés de pacotille, parce que vous saviez que de futurs prêtres doivent traverser l’épreuve d’un feu redoutable.
La paroisse, l’aumônerie d’hôpital et, surtout, l’enseignement à l’université n’allaient pas m’écarter de mes sources les plus vives. Au contraire. Dans les trois situations, la Bible, le journal et la poésie ne cessaient de danser ensemble au bal de la foi. Aujourd’hui, dans le Prieuré qui m’abrite, nouvel élargissement quand l’imaginaire interroge l’Évangile. Et l’inverse. La poésie, la danse, la sculpture, le théâtre, le cinéma, la chanson… ne cessent d’exprimer l’actualité de grands chantiers intérieurs. De révéler aussi, à travers des convictions métissées, le bonheur d’une spiritualité au cœur multiple.
Il est un dernier élargissement, le plus essentiel peut-être - je n’en parle que sur la pointe des pieds -, mais n’est-ce pas le fil rouge qui relie depuis longtemps tous les autres ? L’accompagnement de la vie la plus fragile jusqu’à la mort. Tout petit, au moment des « jubés grégoriens » de mon cher papa, une tante carmélite m’avait parlé d’un crâne en cellule, sur sa table de nuit… Et elle le disait si naturellement que ça ne m’a jamais effrayé ! Depuis lors et surtout maintenant, au sens premier du terme, je tente de donner corps au spirituel, en soins palliatifs notamment, de toucher, de parfumer… car je sais d’expérience que le corps, le plus blessé surtout, attend de ce toucher une respiration, un élargissement. Mystérieux échange de caresses. Je crois pouvoir parler d’une grande joie.
Gabriel Ringlet Panorama, septembre 2009
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| Sujet: Re: Père Gabriel RINGLET 15.07.12 16:02 | |
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Archevêque et Primat de Belgique, Monseigneur André-Joseph Léonard est, depuis plusieurs jours, l'objet de virulentes critiques de la part de diverses personnalités membres du clergé belge. Après avoir été attaqué par certains évêques, le Primat a été trahi par son porte-parole, Jürgen Mettepenningen, qui, non content d'avoir donné sa démission avec fracas, a cru nécessaire de vilipender son supérieur lors d'une conférence de presse, comportement que d'aucuns qualifient d'indigne.
Ce fut ensuite le tour du très médiatique abbé Gabriel Ringlet de participer à la curée, lequel a prétendu s'exprimer au nom de la majorité des Catholiques...
Pour avoir déjà proposé à plusieurs reprises une analyse à contre-courant des événements qui frappent l'Eglise, nous avons été contacté par de nombreux Catholiques romains, qui ne se reconnaissent pas dans les propos de Monsieur l'Abbé Ringlet : plusieurs fois sollicité à réagir, bien que nous ne partagions pas toujours les vues de Monseigneur Léonard, nous avons adressé la présente lettre ouverte à Monsieur l'Abbé Ringlet.
«Monsieur l’Abbé,
Depuis plusieurs jours, vous vous en prenez ouvertement à Monseigneur André-Joseph Léonard, votre Archevêque et Primat de Belgique.
Par vos interventions, dans les journaux, les radios et sur les plateaux de télévision, vous attaquez sans relâche le chef de l’Eglise du Royaume et n’hésitez plus à l’exhorter, même, à démissionner de sa charge.
Vous vous êtes ainsi positionné en champion de la fronde qui, au sein même du clergé belge, vise à déstabiliser l’Archevêché. D’aucuns parlent déjà de schisme et, à tout le moins, la plupart des analystes s’accordent sur le fait que l’Eglise serait en train de se fissurer et de connaître une désunion sans précédent.
Auriez-vous oublié, Monsieur l’Abbé, que Benoît XVI a reçu du Conclave des cardinaux, selon la doctrine catholique, inspiré du Saint-Esprit, la mission de conduire la Sainte Eglise apostolique et romaine ? Auriez-vous renoncé à croire que le Saint-Père représente sur la terre le Christ et que vous lui devez obéissance, ainsi qu’à ceux que le Successeur de Saint Pierre a désignés pour gouverner le peuple de l’Eglise universelle ?
Ces principes fondamentaux, qui, certes, détonnent aux oreilles des modernistes et semblent surgir d’un autre âge, n’en sont pas moins ceux de l’Eglise, qui n’a pas pour fonction de courir derrière les appétences du monde, ces principes que votre qualité de ministre du culte vous oblige à respecter et à défendre.
En vous positionnant ainsi en défiance de votre archevêque, vous appelez à une forme de rupture, faites un tort immense à l’Eglise et marchez sur les traces des églises soi-disant réformées, en opposition complète avec le Credo latin.
Depuis près de deux ans maintenant, l’Eglise catholique est attaquée de toutes parts. Son message, de plus en plus engagé aux côtés des plus pauvres, comme l’a rappelé l’encyclique sociale Caritas in Veritate de Benoît XVI, inquiète en effet les ennemis de l’Eglise, la seule institution internationale et à vocation universelle qui condamne sans ambiguïté les affres du libéralisme économique.
L’origine de ces attaques ne nous est pas inconnue : parties des Etats-Unis, mais aussi et surtout d’Amérique latine et d’Afrique, elles ont été portées par les milieux protestants évangélistes, dans le cadre de cette véritable guerre de religion qui les oppose à l’Eglise, laquelle a depuis peu regagné du terrain sur ces continents. A la remorque des sectes évangélistes, se sont accrochés d’autres milieux, tout aussi hostiles à l’Eglise.
Certes, les hommes qui forment le clergé ne sont pas indemnes de toute erreur. Néanmoins, la virulence des attaques à leur encontre et la stigmatisation dont ils font seuls l’objet ne laissent aucun doute sur la campagne de dénigrement qui les cible. Les scandales se sont ainsi succédés, attisés et surmédiatisés, à commencer par la question des « prêtres pédophiles », comme si l’Eglise en avait l’apanage et qu’aucun autre secteur de la société n’en était affecté.
Aujourd’hui, vous profitez du désarroi de votre hiérarchie pour attaquer de front votre archevêque et, à travers lui, le Vicaire du Christ. Et, à maintes reprises, vous vous êtes adressé à la nation au nom de la « majorité » des catholiques.
Bien que catholique de gauche, je vous assure, Monsieur l’Abbé, que je continue de soutenir mon archevêque, quelles que soient ses options : ses propos sur la maladie du sida, énoncés il y a plusieurs années déjà, sans qu’à l’époque ils ne défrayassent la chronique, et aujourd’hui sortis de leur contexte et utilisés dans la foulées de ces attaques contre l’Eglise, peuvent être considérés comme maladroits mais, surtout, ont été déformés et volontairement mal interprétés.
Il est cependant le berger de l’Eglise romaine dans ce pays et votre devoir, comme celui de ceux qui vous suivent, est de le secourir et non de l’accabler comme vous le faites avec une complaisance non dissimulée.
Permettez-moi, à mon tour, de me revendiquer des Catholiques romains de ce pays et de signifier tout notre soutien à notre Archevêque, en cet instant où les Catholiques, tout au contraire de se quereller, sont dans la nécessité de se ressaisir et de recouvrer la communion.»
* Alors que Monsieur l’Abbé Ringlet, ancien vice-recteur de l’Université catholique de Louvain, a pu s’exprimer et a développé ses thèses en bénéficiant de larges espaces dans les médias (Gabriel Ringlet, à propos de Monseigneur Léonard), et ce sans devoir souffrir de contradiction, aucun des journaux belges francophones sollicités pour la publication de cette lettre ouverte n’a souhaité la diffuser, pas même l’hebdomadaire catholique Dimanche.
Ce texte a été relayé par : Chrétienté Info, Riposte catholique, l'Osservatore Vaticano, Summorum Pontificum, Gloria Sancta Trinitas, France catholique et La Cité catholique.
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| Sujet: Re: Père Gabriel RINGLET 15.07.12 16:09 | |
| Aimez-vous. Aimez-moi. Si vous m'aimez, laissez-moi m'échapper. Si vous aimez vos proches, laissez-les s'écarter. Si vous aimez vos petits laissez-les s'élever. Si vous aimez vos grands, laissez-les s'envoler.
Aimez-vous. L'éloignement n'empêche pas la proximité. L'absence ne supprime pas la présence. L'écart n'interdit pas l'alliance. La solitude ne rejette pas la solidarité.
Aimez-vous. Le silence n'interrompt pas la parole. L'ombre n'éteint pas la lumière.
Aimez-vous les uns les autres. Allégez-vous les uns les autres. Inventez vous les uns les autres. Elevez-vous. Grandissez-vous.
Aimez-vous, C'est tout neuf.
Aimez-vous et vous donerez du fruit. Aimez-vous et vous gouterez la paix. Aimez-vous, Et vous mourrez la mort. Aimez-vous et vous vivrez la vie.
Aimez-vous et m joie viendra vous caresser. Et cette joie, je vous le dis, Personne ne pourra vous l'ôter.
Gabriel Ringlet
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| Sujet: Re: Père Gabriel RINGLET 15.07.12 16:23 | |
| Rencontre avec Gabriel Ringlet Compte rendu de la conférence du 18 novembre 2000 organisée à Tours par nos amis de Parole en Liberté. Ce texte n'est pas la retranscription littérale de la conférence mais une synthèse détaillée. Gabriel Ringlet est prêtre, poète et théologien. Professeur de journalisme et d'ethnologie de la presse à l'Université catholique de Louvain (Belgique), en même temps que vice-recteur de cette institution. Il a acquis une notoriété internationale en publiant en 1998: "L'évangile d'un libre penseur. Dieu serait-il laïque?".
A Noël 1933, Teilhard de Chardin, devant l'échéance prochaine de 2000 ans de Christianisme, dit « à force de répéter abstraitement l'expression de nos dogmes, nous sommes en train de nous perdre dans des nuages où ne pénètrent plus ni les bruits ni les aspirations de la terre ... après vingt siècles, il nous faut religieusement faire peau neuve. Pour continuer à vivre, il faut muer. » Muer de la mue imaginale d'où sort le papillon, muer sa tête comme le cerf qui perd ses bois.
1 – Que se passe-t-il dans notre société ?
Sur le plan scientifique : l'éclatement de la communication où le message. est en train de changer de nature en fonction des avancées techniques ; l'explosion de la génétique marquée par la possibilité de clonage humain, qu'il ne faut pas diaboliser, mais derrière laquelle il faut poser des questions difficiles, complexes, comme pour les problèmes d'avortement, d'euthanasie : qu'est ce qu'un homme ? qu'est ce que naître, mourir ?
Sur le plan géopolitique: que va-t-il se passer en Afrique, en Asie? Va-t-on voir l'émergence de nouveaux pays? A quelle redistribution des forces allons-nous assister en Europe ?
Au point de vue économique: alors que dans nos pays depuis dix ans nous produisons trois fois plus avec 30% de force de travail en moins - certains le savent douloureusement -, qu'en est-il de l'équilibre de la société ?
Dans le domaine des religions, croissent en même temps l'agnosticisme et la multireligiosité, on remplit son caddie d'un peu de différents produits, de préférence des produits blancs.
Nos sociétés sont totalement émancipées par rapport aux institutions religieuses - je pense que les institutions religieuses n'ont rien à dire dans la conduite du monde contemporain, mais elles n'en ont pas encore conscience-; émancipés, nos contemporains sont en même temps gouvernés par l'incertitude; on voit tel grand banquier se rendre chez une diseuse de bonne aventure avant de prendre une décision dont va dépendre l'avenir de tout un pays, ce qui fait dire à Danièle Hervieu-Léger: « la figure du pèlerin est en train de remplacer la figure du pratiquant » ; le pratiquant, habitué à un environnement stable, local, le pèlerin qui voyage intérieurement d'une conviction à l'autre.
Ce n'est pas un regard pessimiste. " Pourquoi se méfier du monde ? écrivait le poète Rainer-Maria Rilke. S'il est en lui des effrois, ce sont nos effrois, s'il est en lui des abîmes, ces abîmes nous appartiennent; des dangers se trouvent-ils là ? Nous devons essayer de les aimer."
Nous sommes en train de quitter le siècle des génocides ; le XXIème siècle sera-t-il le siècle de l'esprit ? Regardons des tournants formidables du passé : VI ème siècle avant Jésus-Christ: Bouddha, Confucius, Pythagore, la philosophie, l'invention de la démocratie, la synagogue ; 1er siècle : Jésus; XI-XII èmes siècles: en Andalousie la coexistence pacifique entre musulmans, juifs, chrétiens, païens, XVI ème siècle : Erasme, Thomas More, Luther; XVIII ème siècle : les Lumières, la raison, la tolérance, fondamentales pour l'avenir citoyen... Alors pourquoi pas demain, un grand siècle de la conscience et de la connaissance, un grand siècle de l'exigence intérieure ? Oui, à une condition qui dépend de nous aujourd'hui : que nous entendions la douleur du monde, que nous retrouvions l'humanité de l'homme.
Quelle vie vaut encore la peine d'être vécue, questionnent de nombreux jeunes ?
Dans ce monde en mutation, deux enjeux que je formule sous forme de questions :
Quelle place sera reconnue à la vulnérabilité, à la fragilité ?
La science, l'économie seront-elles vraiment mises au service de tous ? Sinon, je suis convaincu que les sectes, les intégrismes auront encore un très bel avenir. La capacité à accueillir la vulnérabilité, la fragilité déterminera l'avenir démocratique de notre planète.
Quelle place sera reconnue à la parole singulière ?
Comment chacun découvrira-t-il sa terre promise ? Je pose cette question aux institutions politiques et aux institutions religieuses. Comment le permettront-elles ?
Face à cette double question de la vulnérabilité et de l'autonomie, que peut encore apporter l'Evangile? Le christianisme, comme cela a été quelquefois le cas dans le passé, sera-t-il encore capable de faire chanter le monde. Les chrétiens, au cœur du christianisme, seront-ils capables de le revisiter ?
2 – L’originalité chrétienne
Commençons par un détour en 1550 : Jules III vient d'être élu Pape ; des cardinaux lui donnent quelques conseils:
« La lecture de l’Evangile, très saint Père, ne doit être permise que le moins possible, surtout en langue moderne et dans les pays soumis à votre autorité. Le très peu qui en est lu généralement à la messe devrait suffire et on devrait défendre à quiconque d'en lire plus. Tant que le peuple se contentera de ce peu, vos intérêts prospéreront, mais dès l'instant qu'on voudra en lire plus, vos intérêts commenceront à en souffrir, car voilà le livre qui, plus qu'aucun autre, provoquera contre nous les rébellions, les tempêtes qui ont risqué de nous perdre. En effet, très Saint Père, quiconque examine diligemment l'enseignement de la Bible et le compare à ce qui se passe dans nos églises, verra bien vite les contradictions et verra que nos enseignements s'écartent souvent de la Bible et plus encore s'opposent à celle-ci. Si le peuple se rend compte, il nous provoquera jusqu'à ce que tout soit révélé et nous deviendrons alors l'objet de la dérision et de la haine universelles. Il est donc nécessaire, très Saint Père, que la Bible soit enlevée et dérobée des mains du peuple, avec zèle toutefois et sans provoquer de tumulte. » (1)
Ne trouvez-vous pas qu'on a un peu progressé !
1550, peu de temps après la mort de Thomas More, d'Erasme, de Luther, ces trois grands témoins qui avaient oeuvré pour que l'évangile soit dans les mains du peuple.
Nous sommes en 2001. Qu'est-ce que l'Evangile offre d'audacieux, d'original à nos contemporains ?
Ce que l'Evangile apporte de vital à notre société, c'est d'abord un regard original sur Dieu. Que dit Jésus? Quelque chose de très simple : Dieu vient dresser sa tente chez nous. Plus besoin de regarder vers le ciel, le Très-haut s'est fait le Très-bas, le Tout-puissant s'est fait le Tout-prévenant. Le juif Jésus - qui n'a jamais été chrétien - a mené ce combat d'ouverture dans sa propre « église ». Et ce n'est pas ailleurs qu'il faut chercher la singularité chrétienne : elle repose sur un Dieu désarmé.
Trois Paroles explicitent cette révélation d'un Dieu vulnérable :
1 - lève-toi et marche: l'appel. Impossible de traverser l'Evangile sans se sentir appelé. Jésus ne s'adresse pas au seul paralytique ; il me convie, moi, il me prend où je suis, comme je suis, avec ma part de lumière et ma part de ténèbres, il m'invite à réveiller la voix qui m'habite, à la reconnaître et à lui faire confiance.
Notre responsabilité est là: est-ce que moi j'appelle? Tant de gens sont enquête de sens, appellent au secours ... Il dépend de nous que nos contemporains perçoivent quelque chose de leur propre « terre promise ». Lève-toi, ce n'est pas une parole magique, c'est le combat de toute un existence pour vivre plus libre.
2 - donne-moi à boire: la liberté. Jésus n'a pas peur. Il n'a pas peur de la Samaritaine parce qu'elle est étrangère, pas peur de la femme parce qu'elle est femme - ce que l'Eglise n'a pas encore compris - il n'a pas peur des cheveux de madeleine, des bandelettes de Lazare, des petits chiens de la Cananéenne, il n'a pas peur « d'être lui », dans ses fréquentations, son enseignement, sa pratique de la Loi. Pour caractériser cette extraordinaire liberté de pensée - car je pense que Jésus était un libre-penseur -, ses contemporains ont employé un mot aujourd'hui caricaturé et qu'il faut restaurer selon son sens originel : autorité = faire grandir. Est-ce que quelqu'un en face de vous qui a autorité fait grandir, donne de l'autonomie ... ou réduit pour maintenir son autorité ?
Jésus n'a pas peur de faire grandir et il n'est pas « le plus fort ». On peut être fragile et ne pas avoir peur. Tant qu'on n'a pas compris que la fragilité est une force et non pas une faiblesse, on ne peut pas comprendre ce que je dis là. Jésus ose approcher chacun, il ose se laisser approcher par chacun ... cette liberté de l'accueil, qui n'est pas facile, nous savons aussi l'urgence de lui donner corps si nous voulons réussir la mutation dans laquelle nous sommes engagés.
3 - Aimez-vous: la fraternité. Jésus n'a pas inventé l’Amour, il en est question dans bien d'autres religions. Ce qui est neuf : Jésus propose une fraternité au-delà du bien et du mal. Nous ne sommes pas enfermés dans la morale. Jésus ne rend jamais coupable celui qui n'aime pas. Il nous révèle le bonheur d'aimer, le malheur de ne pas aimer. Jésus nous laisse libre, mais il nous rappelle jusqu'à l'obsession que, sur terre, personne n'existe sans quelqu'un d'autre. Entrer en fraternité et faire comprendre aux hommes qu'ils sont liés par quelque chose de plus fondamental que le lien de l'espèce. La « Fraternité », c’est le fond de la révélation évangélique.
Voilà trois paroles qui m'habitent et que, me semble-t-il, le christianisme devrait remettre en lumière pour nos contemporains, dans la mutation où nous sommes engagés.
3 – Comment traduire cela en actes ?
C'est beau de penser que la larve va devenir chrysalide et que de la chrysalide va sortir un papillon, mais je n'oublie pas le mot d'un poète suédois contemporain : Que c'est terrible pour un papillon de remorquer une péniche !
Pour entrer dans le vif de cette mutation, partons d'une enquête, faite dans mon université (2) , auprès de jeunes de 18 à 24 ans. Quatre lignes de force s'en dégagent:
1. La méconnaissance et la mise à distance du monde du Travail, d'où des stratégies de retardement, on a peur d'y entrer trop vite.
2. L'immense besoin de relations affectives, qu'on voudrait fortes et durables, même et encore plus si on en mesure la fragilité.
3. L 'insistance sur le proche, le quotidien immédiat. « toi, dans cette situation, qu'est-ce que tu fais?»
4. Une affirmation de la responsabilité personnelle : des actes ! pas de bla-bla.
De là, les rejetés : les politiques, jugés pourris ; et les hommes d'Eglise victimes « d'un institution où ils n'ont rien à dire ». Etre pourri, c'est encore avoir une existence, mais n'avoir rien à dire ...
Les professeurs doivent d'abord être compétents, puis passionnés et communicatifs, enfin accepter les contacts personnels dans une relation de distance-proximité.
Nous sommes bien dans une société de « l'imaginal ». Muer c'est faire changer les images et, beaucoup plus que les images, faire changer la réalité, pour accueillir joyeusement le millénaire qui vient.
Je vois quatre lieux, quatre rencontres à travers lesquelles tenter de réussir cette mutation ; en d'autres termes, je vous invite à faire large place à la pluralité, à la beauté, à la solidarité et à la féminité.
1 - Rencontrer « le laïque » qui est en nous et qui est hors de nous, car la laïcité a un double sens philosophique et politique.
Des responsables d'Eglise prennent encore trop souvent la parole en public comme s'ils étaient entre eux. L'Eglise a à donner un point de vue parmi d'autres, comme participants d'un débat pluraliste, un point de vue. L'espace public est celui de tous, aucune conviction n'a à mobiliser l'espace public. (3)
Je fais partie de ceux qui pensent que la laïcité m'a amené, et positivement, à repenser et renouveler joyeusement ma foi. Tant que nous ne sortons pas de ces clivages où nous pensons qu'il y a conflit entre la laïcité au sens philosophique et une croyance religieuse, nous aurons de la peine à construire un avenir commun.
Ainsi sur les grandes questions éthiques: sur le clonage, aucune conviction ne pourra s'en sortir seule, la solidarité sera nécessaire par exemple pour faire face aux maffias du clonage avides de ce marché juteux.
Sur ce chemin de la rencontre de la laïcité qui est en nous et en dehors de nous, un grand sujet, l'amour. Il y a bien des manières d'aimer. Nous, les chrétiens pouvons-nous, sincèrement, apprendre à aimer l'amour que nous n'avons pas béni, le contempler, applaudir le plaisir, nous émerveiller de la passion et le dire publiquement dans une société pluraliste ? La relation au monde laïque en sera moins tendue.
Sur la spiritualité, peut-on croire en son Dieu aujourd'hui, comme si celui des autres et l'athéisme n'existaient pas ? Que chaque conviction rejoigne « son noyau de feu » (Olivier Clément)!
Sous le feu du Bouddhisme, j'entends aujourd'hui la maîtrise, la paix, la compassion. Mais le Bouddhiste saura-t-il ne pas s'enfermer dans le soi et accueillir l'altérité ?
Sous le feu du Judaïsme, j'entends l'espérance, la tension vers l'inaccompli. Mais le Juif saura-t-il ne pas s'enfermer dans la Loi et accueillir le prophétisme?
Sous le feu du Christianisme, j'entends la liberté, la fragilité, le service du prochain. Mais le Chrétien sera-t-il capable de ne pas s'enfermer dans la vérité et d'accueillir la pluralité ?
Sous le feu de l'Islam, j'entends le sens quasi inné de la transcendance. Mais le Musulman saura-t-il ne pas s'enfermer dans le Livre et accueillir l'incertitude ?
Sous le feu de la Laïcité, j'entends la qualité de l'instant, l'éloge de l'autonomie. Mais le Laïque saura-t-il ne pas s'enfermer dans la raison et accueillir la conviction ?
Premier lieu de passage: rencontrer la laïcité qui est en dehors de nous mais qui est aussi en nous.
2 - Rencontrer « le poète » : c'est-à-dire le Beau, tout ce qui donne de la joie !
Il y a une relation fondamentale entre la parole poétique et la parole évangélique. Or, écrivait Sulivan: « les prêtres, dès qu'ils parlent de Dieu, me font penser à des gens qui jouent du piano avec un seul doigt! ». Assassin et terriblement vrai ! Je suis en train de vous demander si nous n'avons pas intérêt à aller nous perdre au pays de la littérature, du cinéma, au pays des « chiens divers et amours écrasées ». Sur les chemins de Palestine , combien en a-t-il rencontré, Jésus, de ces amours écrasées, combien en a-t-il croisé d'amour secrètes ! Ces bribes de quotidien, il les pénétrait de son regard particulier et il nous les rendait éclairées d'un jour tout nouveau à travers des histoires dont il avait le secret et que nous nous racontons encore aujourd'hui : un homme avait deux fils ... un homme descendait de Jérusalem à Jéricho ... L'actualité de notre temps est pleine de ces hommes-là, de ces femmes-là, de ces petits faits dont nous pouvons faire les paraboles de l'aujourd'hui de Dieu.
Au cours de la Semaine Sainte dans mon prieuré, je tiens à avoir la présence d'un grand créateur de l'art contemporain, pour être en résonance avec la liturgie. Quand je vous invite à rencontrer le poète, qui est en dehors de vous, mais aussi qui est en vous, c'est une manière d'être que je vise, une réceptivité aux êtres et aux choses. C'est à travers l'imaginaire qu'on rejoint le plus le quotidien.
3 - Rencontrer « le laissé pour compte » : le sans-papiers, le sans-emploi, le sans-liberté, le sans-affection ... il change de visage à chacune de nos rencontres.
Ne pas oublier la dimension économique, le lien social ... Si la Parole d'Evangile, cette formidable parole poétique dont nous nous réclamons ne change pas le monde, ne nous appelle pas à plus de solidarité, alors elle est tout à fait vaine !
Où en est notre présence réelle à la fragilité ? Où est l'Eglise dans les grands enjeux de la société ? Jusqu'où marquons-nous notre solidarité ?avec qui ? (4)
Etre là où l'homme se redresse. Cette présence comporte un prix de passage pour l'institution ecclésiale : se décentrer, s'éloigner de ses problèmes de boutique, d'organisation. Même si nous avons tous besoin d'appartenance, c'est au-delà de son clan que se joue une fraternité plus universelle.
4 - Rencontrer la femme
Un extrait d'une lettre d'une amie écrivain souligne l'absence de femmes dans le chœur de la cathédrale, où elle participe à une célébration pascale alors que la Parole proclame que ce sont des femmes qui ont découvert le tombeau ouvert ! Une enquête du Conseil mondial des Eglises (5) fait état de la grande violence faite aux femmes, violence physique, économique, politique, culturelle et aussi spirituelle. Dans l'Eglise plus profondément que l'exclusion du ministère ordonné, retenons l'exclusion du langage qui occulte systématiquement la part féminine de Dieu.
Cela vaut aussi pour la société publique qui si elle donnait réellement, symboliquement, une place plus grande à la femme, permettrait une société plus accueillante et équilibrée.
Et encore une fois, je parle aussi de la place de la femme qui est en nous, hommes.
Quelle chance d’être aujourd’hui les témoins d’un passage! Je vous invite à un accueil de notre identité, de notre spiritualité, de notre gravité.
Identité: qui es-tu ? Je suis la voix ... Qu'aujourd'hui on reconnaisse chacun d'entre nous à sa propre voix ; que notre Eglise, qui a un trésor dans son vase d'argile, retrouve une parole qui sonne juste. Se construire une identité chantante.
Spirîtualité: « ne parle pas trop. Quand on a reçu le vent, cela se voit sur le visage » (Lucien Guissard). Dans l'Eglise il y a une déchirure sur le sens de témoigner: prononcer fortement une parole forte, ou, prononcer doucement une parole forte ? Je vous invite à une spiritualité de la « muétude ».
Gravité: Que l'on accueille la gravité ! Notre destin, c'est l'histoire du monde. Nous sommes faits pour offrir à Dieu l’œuvre de libération de nos frères ... Comme Jésus-Christ est jeune, comme il est neuf ! Tout commence seulement peut-être. (Guy-Marie Riobé).
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| Sujet: Re: Père Gabriel RINGLET 15.07.12 16:30 | |
| Conférence de Gabriel Ringlet
."Qu'est-ce qui fait vivre?" Gabriel Ringlet est à la fois prêtre et écrivain. Face à cette question existentielle fondamentale, il prend tout d'abord le parti de la renverser. Il tente ainsi de comprendre le mal insupportable, le désespoir profond et la brisure des personnes qui se suicident. Il déclare à ce propos :
Pour tenter de comprendre l'incompréhensible, il faut d'abord faire silence. Ne rien dire. Ne pas vouloir trop vite supprimer l'ombre. Accepter le noir. Etre là. Recevoir cette anti-vie. Je ne dis pas qu'une parole ne sera pas possible, mais je dis qu'elle doit prendre patience. Et pour comprendre, d'abord entendre le cri. Gabriel Ringlet nous invite ensuite à l'accompagner dans ce qui le fait vivre. Pour ce faire, il s'appuie sur trois artistes chers à ses yeux : Barbara, Pietro Pizzuti et Hélène Grimaud. A travers l'histoire dramatique de la chanteuse Barbara - celle de l'abus sexuel par son père - il relève l'importance du pardon, d'un pardon qui va « jusqu'au bout » pour que la terre soit retournée et qu'ainsi, elle puisse refleurir. "Seul le pardon, donne un avenir au monde." C'est ensuite vers Pietro Pizzuti et la question de la bonté qu'il se tourne. Le comédien demande : "As-t-on encore le droit, aujourd'hui, d'être bon ? Peut-on « réussir » sans écraser ? « Gagner » la guerre, sans prendre les armes ?" Et Gabriel Ringlet de répondre : "La vie est capable de traverser la mort." Et plus encore: "la bonté permet à la vie de traverser la vie." Quant à Hélène Grimaud, elle a pour lui le don de remettre en tension la vie et la mort, la blessure et la grâce. Ainsi, la pianiste déclare : "La mort permet de rejoindre ce point si central où la vie justement, retrouve son urgence. La joie, le bonheur, ne peuvent plus que résulter d'une réconciliation entre la douleur et la vie." Gabriel Ringlet, à sa suite, invite à "faire de la blessure une grâce, une ouverture." Dans le même esprit, il cite le romancier Jean Sulivan qui suggère quant à lui : "Laisse ta blessure ouverte. Penches-toi sur l'abîme. Du fond de la nuit naîtra peut-être l'humble joie."
Gabriel Ringlet nous invite, en outre, à développer une éthique de la fragilité qu'il s'agit d'apprendre à accueillir positivement plutôt que de masquer. Le suicide, dit-il, n'est-il pas parfois « la signature de l'interdit social de l'échec ?(Daniel Maguerat) Mais attention, précise-t-il, la fragilité ne s'oppose pas à la solidité. C'est le contraire. Former à la fragilité, c'est inviter à la résistance. "La vie a les doigts fins", nous rappelle Gabriel Ringlet à travers la voix de France Queré. Elle est même capable de sculpter ses plus belles oeuvres dans l'argile de la détresse.
En guise de conclusion, Gabriel Ringlet mentionne encore quatre choses qui le font vivre : le courage secret qui permet de traverser l'impossible, la parole poétique qui est « une manière d'ouvrir les yeux, de mieux regarder la vie quotidienne », la précarité spirituelle qui est tâtonnement, déplacement et enfin, l'humour qui, dans la gravité, permet de garder une certaine distance.
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| Sujet: Re: Père Gabriel RINGLET 15.07.12 16:37 | |
| UCL : Rencontre entre chrétiens et maçons Christian Laporte
Mis en ligne le 31/05/2012
Ce vendredi, Gabriel Ringlet reçoit des maçons au prieuré de Malèves. A n’en pas douter, l’initiative va faire jaser dans certains milieux obtus chrétiens mais aussi maçonniques (car il y en a de part et d’autre !) Ce vendredi 1 er juin, à 20h, au prieuré de Malèves-Sainte-Marie, l’abbé Gabriel Ringlet, ancien vice-recteur de l’UCL, recevra, en effet, une belle brochette de représentants de la franc-maçonnerie belge pour une soirée de dialogue entre des chrétiens et des maçons forcément ouverts.
Sont ainsi annoncés : Christine De Vos, grande maîtresse de la Grande Loge féminine de Belgique; Jacques François, grand maître adjoint de la Grande Loge régulière de Belgique; Eddy Caekelberghs, premier grand maître adjoint du Grand Orient de Belgique; Jean Somers, ancien vénérable maître de la loge "Les Amis philanthropes no 2 Alpha" et, enfin, Carine Claeys qui se présente comme franc-maçonne.
Pour l’organisateur, tout est parti d’une interrogation : "Chrétiens et francs-maçons sont-ils condamnés à se tourner éternellement le dos ou, au contraire, ont-ils bien plus de choses à se dire qu’on ne l’imagine si souvent ? Pourquoi la méfiance ? Pourquoi les condamnations ? Dans un monde en recherche de repères, n’est-il pas urgent que s’approfondisse un dialogue original et stimulant ?"
Et Ringlet de constater que "les Loges comme les Eglises parlent de lumière. Ensuite, les unes comme les autres pratiquent des rites et utilisent des symboles parfois bien proches Sans oublier que certaines traditions maçonnes se réfèrent beaucoup à la Bible. La fraternité n’est-elle pas une expérience déterminante en maçonnerie ? N’est-elle pas une réalité fondamentale de l’Evangile ?"
L’animateur du prieuré de Malèves ajoute que "né autour de la table, le christianisme des origines se veut d’abord une fraternité. Qu’est-ce qui empêche dès lors la spiritualité chrétienne et la spiri tualité maçonne de mettre certaines de leurs valeurs en commun ?"
Ces questions, Gabriel Ringlet n’est évidemment pas le premier à se les être posées. On se souvient des réflexions du père Michel Riquet, sj en France ou de l’abbé Hubert de Thier, chez nous, notamment dans son remarquable livre "L’Eglise et le Temple".
Mais cela fait aussi pas mal d’années que le journaliste-écrivain réfléchit à la question, ayant eu l’occasion de la soumettre à des assemblées chrétiennes et maçonnes. Mais il reste vrai que l’Art royal qu’est la franc-maçonnerie continue à être vu négativement dans les hautes sphères ecclésiales. Ce qui n’a jamais empêché le cardinal Danneels d’entrer en dialogue avec des maçons à l’initiative notamment d’Hervé Hasquin. Dieu merci, dirait Ringlet
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| | | | Père Gabriel RINGLET | |
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