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| | "Euthanasie,le débat tronqué" | |
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| Sujet: "Euthanasie,le débat tronqué" 21.10.12 9:42 | |
| Euthanasie, le débat tronquéde Louis Puybasset, Marine Lamoureux, Calmann-Lévy , 196 pages Euthanasie, le débat tronqué Le débat sur l'euthanasie resurgit à chaque nouvelle « affaire », dont certaines ont marqué l'imaginaire collectif : le jeune Vincent Humbert, polyhandicapé après un accident de la route, ou Chantal Sébire, atteinte d'une tumeur au visage devenue incurable. Chaque fois, c'est la même fièvre et, hélas, la même confusion. On mélange le suicide assisté, c'est-à-dire la revendication de mourir quand on le décide, et le fait d'abréger les souffrances d'un patient en phase terminale d'une maladie – ce qui est autorisé par la loi française, mais largement méconnu. Paradoxalement, les progrès de la médecine ont créé des situations inextricables. L'acharnement thérapeutique existe toujours, et la démarche palliative, censée offrir une prise en charge adéquate, est loin d'être accessible à tous. Elle n'est parfois même pas envisagée, tant est prégnante la volonté toute-puissante de guérir. Dans ce contexte, l'euthanasie n'est-elle pas une mauvaise réponse à une bonne question ? Ce livre propose une réflexion approfondie et accessible sur des sujets complexes, touchant à l'intimité de chacun. Il a pour ambitions de remettre le débat à l'endroit et, en proposant des solutions concrètes, de répondre au « mal-mourir ». |
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| Sujet: Re: "Euthanasie,le débat tronqué" 21.10.12 9:46 | |
| Je ne l'ai pas lu
Louis Puybasset est réanimateur... ... ...
C'est dans son intérêt de réanimer... ... ...pour fabriquer des handicapés ! |
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| Sujet: Re: "Euthanasie,le débat tronqué" 21.10.12 9:58 | |
| Louis Puybasset : « L’euthanasie est un fantasme de bien portants »
Alors que la légalisation de l’euthanasie est un sujet de débat dans la bataille présidentielle, le professeur Louis Puybasset, médecin neuroréanimateur explique, dans son dernier livre, pourquoi le recours à cette pratique est inutile.
Marie-France Vigor
L’euthanasie ne peut-elle pas abréger des souffrances ?
Cette demande résulte de l’acharnement thérapeutique et de l’insuffisance de soins antalgiques en fin de vie. Autoriser l’injection léthale reviendrait à réparer une bêtise médicale par une autre, alors que la loi Léonetti (Loi du 22 avril 2005 sur les droits des malades en fin de vie, ndrl) impose déjà de soulager toute douleur, même s’il faut arrêter les traitements qui maintiennent en vie. C’est ce juste soin qu’il faut revendiquer.
A lire Euthanasie, le débat tronqué de Louis Puybasset et Marine Lamoureux, Calmann-Lévy, 196 p., 16 €. Qui peut décider de l’arrêt des traitements ?
Les médecins, qui doivent assumer les décisions envisagées, tout en permettant au malade et à ses proches de se donner le temps de la séparation, si crucial : la fin de la vie de l’un fait partie de la vie des autres. Les quelques cas inextricables médiatisés relèvent de la transgression et on ne légifère pas sur la transgression ! L’euthanasie est un fantasme de bien portants. |
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| Sujet: Re: "Euthanasie,le débat tronqué" 21.10.12 10:03 | |
| Quelle transgression?
Interdiction de laisser mourir la recherche médicale ??? |
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| Sujet: Re: "Euthanasie,le débat tronqué" 21.10.12 10:21 | |
| L'euthanasie, une vraie régression pour les médecins
Par le Pr Louis Puybasset Mis à jour le 03/12/2008 à 13:11 | publié le 13/12/2008 à 13:10 Chef de l'unité de neuroréanimation chirurgicale de la Pitié-Salpêtrière, l'auteur prend part au débat sur la fin de vie, relancé par le rapport d'évaluation de la loi Leonetti. en ce qui concerne la fin de vie, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif viennent de confirmer les choix portés par l'Assemblée nationale en 2005. Malgré l'orchestration médiatique de la détresse de Mme Sébire, la France réitère son refus de rentrer dans la logique folle des législations belge et hollandaise. Folle, car ces lois, en prétextant de la détresse des malades, ouvrent en réalité un droit opposable à la mort, un droit-créance qui s'impose à la société et dont le corps médical devient l'effecteur. L'euthanasie d'Hugo Claus, écrivain belge célèbre, qui débutait une maladie d'Alzheimer, en est une démonstration. Le fait que le tiers des patients euthanasiés entre 2001 et 2004 par l'association Suisse Exit n'aient pas de maladie incurable en est une autre manifestation. Folles encore car elles donnent à un médecin isolé la charge d'examiner, de décider et d'exécuter la décision. Cela fait pourtant des siècles que le monde judiciaire a compris que la garantie minimale des droits du citoyen est de séparer ces fonctions. Il faut être d'une naïveté déconcertante pour penser que l'abus de pouvoir n'existe pas en médecine et que l'autonomie du malade, souvent déjà bien compromise par la maladie, peut suffire à éliminer ce risque. C'est pourtant sur cette hypothèse candide que repose la légalisation. Il faut avoir peu de mémoire pour ne pas se souvenir que les médecins ont flirté tout au long du XXe siècle avec la barbarie et lui ont parfois apporté leur concours actif. La séquence euthanasie- prélèvements d'organes, ouverte par les médecins belges depuis 2006, en est peut-être une nouvelle illustration. Folle enfin car ces législations s'immiscent dans l'art médical et dévoient ainsi le sens même du soin en imposant par la loi des procédés d'un autre âge. Aujourd'hui, la médecine a, pour traiter la douleur et la souffrance, d'autres méthodes que l'effacement brutal de celui qui souffre de ces maux par arrêt du cœur. Si certains politiques veulent ouvrir un droit à la mort, qu'ils l'assument pleinement, sans instrumentaliser la profession médicale. Rien ne s'opposerait à ce que la distribution de potions mortifères soit réalisée dans un bureau idoine des mairies avec les garanties qu'ils estimeraient nécessaires. L'euthanasie n'est pas un acte médical. Apprendre à la pratiquer requiert dix minutes de formation. Par contre, engager des soins proportionnés requiert dix ans d'études et au moins autant de pratique clinique. L'euthanasie est une revendication qui est supposée renforcer l'autonomie de la personne aux dépens de la loi morale du groupe. La loi Leonetti du 22 avril 2005 et les compléments décidés par la mission parlementaire permettent d'arriver à un équilibre harmonieux entre ces deux considérations antagonistes. Le paradoxe veut que dans ce dossier, la gauche, en militant pour la légalisation de l'euthanasie, est à contre-emploi de ses valeurs traditionnelles. Ceci illustre bien comment des parcours singuliers et des histoires individuelles peuvent influencer le sens du bien commun. La loi est là pour protéger les personnes et régler la vie en société. Elle ne peut pas faire office de thérapie individuelle. Ceux de ses ténors qui soutiennent la légalisation et qui mettent parfois les moyens publics, dont ils sont les gestionnaires, à la disposition des promoteurs de cette idée seraient bien inspirés de réfléchir posément aux enjeux éthiques et sociaux de cette problématique avant de s'avancer plus avant dans ce combat. En confirmant son choix, la France est fidèle à son héritage lié aux Lumières et aux droits de l'homme. Sur ce sujet de société qui porte les prémisses de ce que sera le lien social de demain, notre pays montre au monde la voie d'une législation juste et équilibrée sur la fin de vie. Il ne fait plus aucun doute qu'elle bat là en brèche l'argument fallacieux qui voudrait que certains de nos voisins aient des législations plus «avancées» que nous dans ce domaine. Le bilan de ces législations montre que l'euthanasie n'est qu'un illusoire progrès de l'autonomie, au prix d'une régression médicale et d'une déstructuration du lien social. |
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| Sujet: Re: "Euthanasie,le débat tronqué" 21.10.12 10:33 | |
| Quels seraient les rôles respectifs de chacun si une législation dépénalisant l'euthanasie venait à être adoptée en France ? Le Pr Louis Puybasset, responsable de l'unité de neuroréanimation chirurgicale, groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière, Paris, membre du groupe de réflexion éthique de la Société française d'anesthésie-réanimation, analyse dans quelles conditions une telle loi serait acceptable pour le corps médical.
UNE PARTIE de l'intelligentsia française est tentée par une loi dépénalisant l'euthanasie, à l'instar des législations belge et hollandaise. Ce serait la fameuse seconde étape, tant évoquée lors des débats à l'Assemblée nationale. Certains de ses partisans voudraient limiter une telle législation aux patients souffrants au-delà de toute ressource thérapeutique et incapables de mettre un terme à leur vie. D'autres, qui pensent que chaque être humain doit être reconnu responsable de sa mort, y verraient pour la France la possibilité d'écrire une nouvelle page dans l'histoire des droits de l'homme. Pour le sénateur Gérard Delfau, l'euthanasie serait même une forme « d'accomplissement du principe de laïcité » (voir les débats du 12 avril 2005 sur le site du Sénat). Dans cette dernière hypothèse, l'euthanasie serait réalisée à la demande de la personne, indépendamment de toute maladie, la société ouvrant ainsi un nouveau droit, celui de mourir à l'heure de son choix. La demande sociétale supposée derrière ce mouvement pouvant se résumer à : « J'ai le droit de mourir sans souffrir quand je veux, où je veux, avec le docteur de mon choix. »
Sous les coups de butoir répétés d'événements médiatiques savamment orchestrés associant instrumentalisation de la mort de malades bien sélectionnés, films grand public et plateaux de télévision complaisants, il n'est pas impossible qu'une telle loi soit votée dans la décennie à venir dans notre pays. Cette hypothèse, même lointaine, implique que s'engage dès maintenant et à l'échelon national une réflexion du corps médical pour qu'une telle législation, qui pourrait être lourde de conséquences sur le sens intime de notre métier, ne nous soit pas imposée à la sauvette.
Une façon de faire avancer le débat sur cette question est de privilégier l'approche pragmatique sur l'approche philosophique. Il faut donc aborder les questions de façon très concrète. Qui devra s'assurer que le patient est « compétent » mentalement ? Qui devra garantir l'absence d'enjeux financiers ou de pression familiale dans la décision ? Qui prendra la décision ultime de délivrance du produit létal ? Comment sera adaptée la procédure au patient incapable ? Quelle institution fournira le produit létal et sera détentrice des stocks ? L'acte d'euthanasie sera t-il réalisé par un médecin ou par le patient lui-même ?
Dans le système hollandais ou belge, le médecin assume la responsabilité de tous ces actes. Le produit létal passe par les circuits pharmaceutiques habituels, en particulier en Belgique où des « kits euthanasie » sont vendus en pharmacie. La procédure est appliquée au patient devenu incapable de s'exprimer s'il en a émis le désir dans son testament de vie. Tuer est un acte médical à part entière, enseigné dans les facultés de médecine, codifié et tarifé dans la nomenclature. La seule garantie éthique donnée aux médecins est la possibilité d'une clause de conscience par symétrie avec l'avortement auquel cette procédure est assimilée.
En dehors des questions philosophiques que cela implique, l'un des problèmes qui découlent de cette procédure est le fait qu'il revient à la même personne, c'est-à-dire au médecin, de faire le diagnostic, de s'assurer de l'absence de conflits d'intérêts, de prendre la décision finale, de prescrire le produit létal et finalement « d'exécuter » le patient ou le sujet bien portant. A l'évidence, concentrer tous ces pouvoirs dans une seule main est la porte ouverte à toutes les dérives, comme en atteste l'histoire de cette femme euthanasiée par un médecin suisse de l'association Dignitas, qui s'est lui-même suicidé par la suite, sur un diagnostic de cirrhose du foie alors qu'elle n'en portait pas la moindre trace à l'autopsie. Comme, par ailleurs, la fonction du médecin est de soigner en toutes circonstances et pas de tuer, l'autre conséquence inéluctable de cet amalgame est, à moyen terme, la destruction du lien de confiance médecin-malade. Pourtant, nous savons tous que, sans ce lien ténu, plus aucune activité de soins n'est envisageable sereinement.
Si la France devait aller dans cette direction, il faudrait qu'elle se donne les moyens d'éviter ces dérives. Il nous faut rester fermes sur le fait que notre fonction sociétale n'est aucunement de tuer les patients, mais bien de les soigner, même si les soins ne sont pas toujours curatifs. En réalité, l'encadrement juridique indispensable à une aide au suicide exprimée par un individu relève plus de la fonction judiciaire que de la fonction médicale. Ce devrait être au juge d'en assumer la responsabilité, en particulier en cas de litige ultérieur. Dans ce qui pourrait devenir la deuxième étape de la « voie française », ce sera donc à celui-ci de trancher et de s'assurer de l'absence de conflit d'intérêts. C'est l'intérêt bien compris de la personne qui demande l'euthanasie. Pour qu'aucun juge ne se voie imposer un comportement contraire à sa morale, il faudra créer une clause de conscience spécifique pour les magistrats qui refuseraient de prendre de telles décisions. Comme dans toute procédure judiciaire, le patient sera représenté par son avocat. Le seul élément qui pourrait revenir au corps médical à ce stade de la procédure serait celui de l'expertise psychiatrique car il faudra s'assurer de l'absence de pathologie mentale et, en particulier, de dépression, chez le demandeur. On peut imaginer que, comme pour les affaires pénales, cette expertise sera limitée à quelques spécialistes, inscrits sur une liste d'aptitude.
Pour ce qui concerne la délivrance du produit létal, il n'est pas souhaitable de l'imposer aux pharmaciens. Comme on ne saurait amalgamer dans le même lieu soins et euthanasie, on ne saurait mélanger dans les mêmes vitrines les médicaments qui guérissent ou soulagent, aux poisons qui tuent. Le plus logique serait une délivrance dans un lieu neutre comme les mairies, ce qui présentera aussi l'avantage d'affirmer dans la réalité quotidienne le caractère politique et non médical de cette option qui serait un choix de société.
SEPARER LA FONCTION DE SOINS DE L'ACTE D'EUTHANASIE
Quant à l'absorption du produit létal, le plus logique et le plus cohérent est que cela revienne au patient lui-même. C'est le choix qui a été fait par la Suisse et l'Oregon, car c'est le seul qui garantisse l'expression réelle de la volonté de la personne. Pour la personne incapable, une association se propose de l'aider dans cette démarche. C'est la moins mauvaise des solutions, bien que, comme nous l'ayons vu précédemment, cela ne garantisse en rien l'absence d'erreur diagnostique.
On le voit, l'euthanasie, définie comme la demande d'une personne saine d'esprit à une assistance au suicide, ne requiert aucune compétence médicale hors une expertise psychiatrique propre à la procédure judiciaire. C'est dans ces seules conditions qu'une législation dépénalisant l'aide au suicide serait acceptable par le corps médical français. Cette séparation de principe de la fonction de soins et de l'acte d'euthanasie est la meilleure garantie qui puisse être offerte aux médecins quant à l'absence de dénaturation de leur art et aux personnes quant à la solidarité de la société dans l'accomplissement de leur décision.
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01.2006 - Pr Louis PUYBASSET - paru dans le quotidien du médecin
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| Sujet: Re: "Euthanasie,le débat tronqué" 21.10.12 10:52 | |
| Euthanasie : la nausée des soignants
Comment peut-on décemment proposer aux malades d’arrêter leur coeur pour soulager leur souffrance en ce début de 21ème siècle ? Comment cette revendication pourrait être portée par la patrie des droits de l’homme et des lumières ? Comment un des grands partis politiques français a-t-il pu valider officiellement cette option d’un autre âge ? Pourquoi certains candidats à l’investiture suprême sont-ils rentrés dans une telle logique ? Nous, soignants, qui vivons dans notre quotidien la souffrance et la mort et qui avons fait de nos vies professionnelles un engagement de solidarité en avons la nausée.
Légaliser l’euthanasie serait inutile car la loi du 22 avril 2005 relative au droits des malades en fin de vie apporte des réponses pour la résolution de la très grande majorité des difficultés rencontrées en fin de vie. Elle impartit aux médecins de respecter les choix de la personne malade et de l’informer des conséquences de ses décisions. En interdisant toute forme d’acharnement thérapeutique et en imposant une prise en charge de la souffrance tant psychique que physique par l’administration de soins et de traitements appropriés - même au prix d’un raccourcissement de la durée de la vie - elle s’attaque aux vrais problèmes. En exigeant du corps soignant, pour le cas où le malade serait devenu incapable d’exprimer sa volonté, de prendre en compte ses souhaits exprimés dans ses « directives anticipées » ou par sa « personne de confiance », en imposant une décision collégiale, un second avis médical et la transparence de la décision ainsi que son inscription dans le dossier médical avec ses motifs, la loi institue une nouvelle forme d’éthique de la responsabilité médicale, tout en ne tombant pas dans le piège d’une procédure qui aurait culpabilisé les proches.
Légaliser l’euthanasie serait dangereux pour différentes raisons. D’abord, un dispositif qui procurerait la force de la loi à l’un pour tuer l’autre, fût-ce à sa demande, porte en lui-même des dérives inéluctables. L’examen de la situation des pays européens qui ont légalisé l’euthanasie met déjà largement en évidence ces dérives : mise à disposition de « kit euthanasie » en pharmacie et euthanasie de patients dépressifs en Belgique; suicide assisté de schizophrènes ou de patients victimes d’une erreur diagnostique et dérives mercantiles en Suisse; volonté d’élargir l’euthanasie aux patients « souffrants de la vie » et pratiques d’euthanasies en dehors de toute demande aux Pays-Bas. Pourquoi la France éviterait-elle ce que ces pays ne sont pas parvenus à contrôler ? Comment peut-on être assez naïf pour croire que des critères dits de « minutie » pourraient nous prémunir de ces dérives, surtout lorsque l’on sait que ces critères ne sont vérifiés qu’une fois que le patient est décédé, c’est-à-dire tragiquement trop tard. Banaliser le suicide représenterait ensuite une erreur magistrale sur le plan de l’histoire familiale qui façonne chacun d’entre nous. Cette erreur se payera dans une ou deux générations par une augmentation des suicides réussis chez les jeunes, tant sont puissants les phénomènes de répétition transgénérationnelle dans le psychisme humain. Ce débat accentue d’ailleurs immanquablement la charge morbide qui règne dans notre société. On peut sans doute en observer déjà les effets par la progression de 6 % du nombre des suicides réussis que l’on constate dans la tranche des 30-60 ans depuis 2001. Enfin, ces options renforcent la vulnérabilité des plus faibles et mettent en danger les valeurs les plus essentielles du soin. Pour finir, ce discours est probablement déjà obsolète. On peut dès maintenant faire l’hypothèse que les trois pays européens qui ont légalisé ou dépénalisé l’euthanasie sous une forme ou sous une autre feront marche arrière dans les dix ans qui viennent. On en sent déjà les prémisses dans le débat public aux Pays-Bas où l’on prend conscience des glissements progressifs qui s’opèrent depuis la mise en place de la loi.
Comment a-t-on pu en arriver là ? Apporter une réponse à cette question n’est pas chose aisée. Pourquoi ce mouvement est-il né en Europe occidentale ? Pourquoi en revanche ces questions n’ont jamais été posées sous cette forme, ni des réponses aussi simplistes proposées dans d’autres cultures que la nôtre : en Amérique du Sud, en Asie ou dans le Maghreb par exemple ? Il faudrait aussi sans doute s’interroger sur les relations profondes, qui existent entre la revendication actuelle d’une légalisation de l’euthanasie et l’histoire génocidaire de l’Europe pendant la Deuxième Guerre mondiale. Le fait que la première légalisation de l’euthanasie soit intervenue aux Pays-Bas et que 80 % des actes d’euthanasie pratiqués en Belgique le soient chez les Flamands n’est sûrement pas neutre. Ceci renvoie à la psychopathologie et à l’histoire des peuples, et justifierait l’engagement de recherches approfondies.
Pour ce concerne notre expertise, on peut proposer la conjonction de trois phénomènes : la disparition quasi complète de la représentation de la mort de notre société, l’orchestration diabolique d’une instrumentalisation aux multiples visages et des arrières pensées économiques nauséabondes.
Il ne fait plus bon mourir dans notre société. Mourir est devenu indécent. Mourir doit se passer dans un milieu confiné, à l’hôpital, dissimulé au regard de l’autre, comme si la mort devait être niée. La grande majorité des jeunes n’ont jamais vu un mort. La plupart des jeunes n’ont jamais accompagné un mourant. Les malades meurent souvent seuls dans l’anonymat de l’hôpital. Comment nos concitoyens peuvent-ils encore appréhender ce sujet difficile en de telles conditions ? Dans ce contexte, la proposition qu’il leur est fait de « zapper » cet épisode douloureux au plus vite leur apparaît sans doute comme une alternative crédible. Est-ce là vraiment un chemin de vie ?
L’instrumentalisation aux multiples visages que l’on a évoquée saute aux yeux, même pour les observateurs les plus condescendants. Elle est le fait d’organismes disposant de très importants moyens financiers. Une association comme l’Association pour le droit de mourir dans la dignité France (ADMD) emploie 7 personnes à temps plein pour faire la promotion de ses thèses !
Instrumentalisation de la détresse des malades d’abord, puisque l’on cache une revendication qui a pour objet essentiel de créer un droit à la mort derrière une soi disant solution au problème de la souffrance. Cette forme d’instrumentalisation a été portée jusqu’à la caricature par la « manipulation » dont Vincent Humbert et sa mère ont été les victimes. Comment ne pas tenir compte du témoignage de la mère de Vincent, publié par Le Parisien du 6 mars 2007, qui affirme que Jean Cohen, ancien président de l’ADMD, lui a donné des « conseils » lorsqu’elle était à Berck-sur-mer ? Médicalement, on s’interroge. Comment ce jeune homme, victime d’un traumatisme crânien sévère et ayant fait plusieurs mois de coma, porteur de séquelles qui telles que décrites dans son livre ressemblent à un atteinte motrice sévère et bilatérale d’origine centrale associé à une cécité corticale, a-t-il pu écrire un livre qui reprend tout des thèses de l’ADMD ? En pathologie traumatique crânienne, ce type de séquelles est toujours associé à une dysfonction cognitive plus ou moins sévère. Comment expliquer que ce livre ait été mis en librairie le 25 septembre 2003, le lendemain de l’acte d’euthanasie pratiqué par sa mère, 3 ans jour pour jour après son accident ? Pourquoi Vincent a-t-il toujours été présenté comme tétraplégique aux yeux du grand public alors qu’il n’a jamais eu de lésion médullaire ? Comment ne pas penser, même avec la plus grande bienveillance, qu’il n’y a pas eu là finalement instrumentalisation d’une détresse ? Cette enquête aurait pu relever de la justice si la juge qui instruisait cette affaire en avait mieux compris les tenants et aboutissants. Elle reste à faire et est maintenant du ressort du journalisme d’investigation car la vérité est due aux Français qui se sont fortement investis émotionnellement et à juste titre dans cette histoire tragique.
Instrumentalisation de l’opinion, lorsque l’on produit en permanence des sondages falsifiés et de surcroit financés par ses partisans pour justifier la revendication euthanasique. Il ne faut pas demander aux Français s’ils veulent mourir sans souffrance. Qui ne répondrait pas « oui » à une telle question ? Il faut demander aux Français s’ils préfèrent mourir brutalement d’une injection létale, à l’heure qui conviendra le mieux à ceux qui restent, avec le risque que cette mort finisse pas leur être imposée ou s’ils préfèrent mourir tranquillement entourés des leurs et soulagés de leurs souffrances, à une heure qui n’est par essence déterminée par aucune considération pratique.
Instrumentalisation de l’opinion publique quand la remise du Livre blanc de l’ADMD et la publication d’un manifeste ont été programmés quelques jours avant le procès de Saint-Astier (à Périgueux), dont les défenseurs de l’euthanasie voulaient faire une tribune et qui a finalement tourné en fiasco médiatique pour eux. Fiasco car il a clairement mis en évidence que c’est la détresse et la solitude des soignants, qui ont conduit à l’acte d’euthanasie faisant l’objet du délit pénal. Fiasco aussi car ce procès d’assises a mis en exergue la sagesse du jury populaire, représentant du peuple, ce peuple dont les défenseurs de l’euthanasie se réclament et qui pourtant a fait le choix le plus équilibré que l’on pouvait attendre. Instrumentalisation de l’opinion publique encore quand on présente la légalisation comme la solution à la souffrance extrême, alors que tous ceux qui défendent cette option savent pertinemment que l’injection létale, censée être salvatrice, n’est réalisée dans tous les pays qui ont légalisé ou dépénalisé l’euthanasie qu’après des délais de rétractation d’une quinzaine de jours, incompatibles avec le traitement de cette même souffrance.
Mensonge par omission, quand on oublie de parler ou même d’évoquer la misère de certains conflits familiaux et la petitesse de l’homme dans certaines circonstances. Omission fatale quand on ne dit pas que les actes d’euthanasie créent invariablement des deuils pathologiques chez les survivants. Oubli tragique quand personne n’évoque la détresse et les traumatismes que ces actes d’euthanasie entraînent sur ceux qui les pratiquent. Manipulation encore, quand on ne met pas en avant le fait que la loi du 22 avril 2005 aurait donné raison à Piergiorgio Welby en Italie ou plus récemment à Inmaculada Echevarria en Espagne dans leur demande d’arrêt du respirateur qui les maintenait en vie. Manipulation toujours, quand on fait croire au peuple qu’une loi légalisant l’euthanasie serait de nature à renforcer sa liberté, alors que dans la réalité, une telle loi dérivera inéluctablement, même avec les meilleures garanties possibles, vers des euthanasies non choisies, non demandées et qui seront utilisées comme vecteurs de régulation économique.
Instrumentalisation de celles et de ceux qui ont fait de la légalisation de l’avortement leur combat quand la stratégie délibérément choisie est de mettre en parallèle l’euthanasie et l’avortement. Ce sont deux domaines qui n’ont pourtant strictement rien à voir. Qui peut décemment soutenir que la légalisation de l’euthanasie est un enjeu de santé publique comme l’étaient les conséquences des avortements clandestins avant 1974 ? Va-t-on avoir le culot de nous expliquer que le mal-mourir est dû à l’absence de légalisation de l’euthanasie ? Va-t-on avoir l’indécence de nous affirmer que l’euthanasie est la solution à la solitude de la fin de la vie ?
Instrumentalisation de la place du soignant, quand on veut lui faire réaliser l’injection létale. Mise en position d’abus de pouvoir potentiel évident, quand on veut, s’agissant d’une décision aussi radicale et irréversible, qu’il concentre entre ses mains toute la chaîne décisionnelle, du recueil du témoignage jusqu’à l’action elle-même. Ceci serait l’équivalent d’une justice où l’officier de police judiciaire, le juge d’instruction et le magistrat ne seraient qu’une seule et même personne. Qui voudrait d’une telle procédure ?
Aux politiques, nous demandons de garder la tête froide. Vous êtes en charge de fixer la norme sociale qui régit la vie en société. La loi a pour vocation de poser des règles générales et non de résoudre des situations singulières, extrêmes et exceptionnelles. Vous ne pouvez ni ne devez vous substituer à l’intimité et à la singularité de la relation médecin-malade. Vous ne devez pas légiférer à chaud, sous l’impulsion d’affaires aux fortes connotations émotives et affectives. Vous n’avez pas le droit, dans la position que vous occupez, d’avoir la naïveté de penser que vous contrôlerez la pratique et l’usage d’une telle loi par des formulaires administratifs dont on remplirait après coup les cases par « oui » ou par « non ». C’est bien mal connaître les réalités humaines. Ne vous laissez pas abuser par ceux qui tentent de vous faire croire que cela fait moderne que d’être pour la mise en place d’un suicide légalement assisté. Quelle sera la réaction du corps social, lorsqu’il sera devenu évident qu’il ne s’agissait finalement que d’organiser la distribution de pilules mortifères ? Quelle serait votre propre réaction si cette procédure devait être organisée dans vos mairies ou dans vos permanences électorales plutôt que par l’intermédiaire des professionnels de santé ? Ne vous laissez pas abuser par la dictature de sondages d’opinions manipulatoires.
À nos concitoyens, nous disons qu’une loi légalisant l’euthanasie irait contre la défense de leurs intérêts. Nous répétons qu’il s’agit d’un combat dogmatique d’arrière garde. Les enjeux modernes de la prise en charge de la fin de vie sont ceux de l’accompagnement et de la proportionnalité des soins. Nous affirmons que ce n’est pas d’une nouvelle loi dont nous avons besoin mais d’un changement de culture médicale qu’impose dorénavant la loi du 22 avril 2005. Nous affirmons que jamais nous, soignants, ne vous abandonnerons au seuil de votre vie.
Aux médecins, nous recommandons de s’interroger sur la notion d’abus de pouvoir auquel notre profession est constamment exposée. Nous leur demandons de se souvenir des dérives tragiques que la médecine européenne a connues dans l’Allemagne hitlérienne. Nous rappelons que le programme Aktion T4, qui a conduit au massacre de 75.000 handicapés sévères après le début de la guerre, a été coordonné et exécuté par des médecins zélés qui avaient fini par se croire investis d’une mission de purification raciale. Nous rappelons aussi que les procédures d’extermination massive par les gaz ont été mises au point par ces mêmes médecins avant de servir à la Solution Finale. Plus proche de notre époque, nous vous demandons de vous souvenir que la stérilisation forcée de femmes handicapées a été menée par des médecins suédois jusqu’en 1976 ! Vous, comme nous, savez que nous agissons sur l’homme dans son intimité et que ceci nous donne des devoirs qui engagent le sens même de notre action.
Aux adhérents de l’ADMD, nous demandons d’approfondir leur réflexion s’agissant de leur soutien à cette association. Aux quelques irréductibles qui revendiquent que la société leur fournisse les moyens de se suicider, nous répétons que tuer n’est pas un acte médical et n’en requiert aucune compétence. Allez jusqu’au bout de votre démarche et exigez de vos élus qu’ils vous fournissent les pilules mortelles que vous revendiquez ! Pour la majorité silencieuse, qui redoute plus que tout de mal mourir, nous recommandons d’obtenir un changement des statuts et des objectifs de votre association ou de fuir ces dirigeants qui vous trompent, lorsqu’ils revendiquent en votre nom un droit à mourir. Ceci n’est pas votre combat. Ouvrez les yeux. Exigez de votre association qu’elle milite pour qu’ensemble nous puissions trouver un meilleur ajustement de l’intensité des soins, pour qu’ensemble nous puissions développer une meilleure expertise du pronostic des pathologies neurologiques, pour qu’ensemble nous puissions donner corps au concept de proportionnalité des soins, qui est l’enjeu médical le plus important du monde occidental pour ce siècle qui débute.
Pr Louis PUYBASSET |
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| Sujet: Re: "Euthanasie,le débat tronqué" 21.10.12 11:01 | |
| Genethic.org Euthanasie, le débat tronqué En février 2012, Marine Lamoureux, journaliste à La Croix, et le Pr. Louis Puybasset, qui dirige depuis 12 ans l'unité de réanimation de La Pitié-Salpêtrière à Paris, ont publié un livre intitulé "Euthanasie, le débat tronqué" (Calmann Lévy), dans lequel ils expliquent en quoi la loi Leonetti " offre des repères pour la fin de vie". Sur cette question de la légalisation de l'euthanasie, le Pr. Puybasset explique que le débat est " tronqué", dans la mesure où les " citoyens n'ont pas les clés pour l'aborder avec justesse" à cause de la " confusion qui règne", de " l'émotion qui déferle à chaque affaire" et de " la méconnaissance des véritables enjeux". Il souligne que la loi Leonetti de 2005 en introduisant dans le droit français l' " obstination déraisonnable", " protège les malades contre l'acharnement thérapeutique et le risque d'être assujettis au choix du seul médecin". Les auteurs expliquent que, contrairement aux soins palliatifs, l'euthanasie n'est pas " l'alternative à l'acharnement thérapeutique". Quant à " la dignité", " argument massue des partisans de l'euthanasie", les auteurs estiment qu'elle ne " saurait être une notion subjective" qui justifierait que " si j'estime que ma dignité est atteinte, j'ai le droit de mettre fin à mes jours". Ils citent en ce sens le philosophe Luc Ferry qui rappelle que " L'idée même qu'un être humain puisse perdre sa dignité parce qu'il serait faible, malade, vieux et par là même dans une situation d'extrême dépendance est [...] intolérable sur le plan éthique". Explicitant le danger d'une telle conception, le philosophe Fabrice Hadjadj ajoute qu' " Il est très facile de susciter chez quelqu'un le sentiment qu'il n'est plus "digne". En particulier au sein d'une société dévorée par l'efficience, le jeunisme, le spectaculaire". |
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