François Bayrou, Premier ministre de Hollande ? Le mirage de l’union nationaleModifié le 28-04-2013 à 16h08
Par
Yves DelahaieEx-MoDem, prof, auteur
LE PLUS. Une très large majorité de Français serait favorable à un gouvernement d'union nationale. C'est ce que révèle un sondage Ifop publié dans le "JDD" ce dimanche. Et c'est François Bayrou qui arrive en tête des personnes que les Français souhaitent voir entrer au gouvernement. Utopie ou nécessité ? Décryptage de notre contributeur, ex-MoDem.Édité par
Rozenn Le Carboulec .
Alors que la France s’enfonce davantage que certains de ses voisins dans la crise, avec
un chômage qui atteint des records (et plus encore quand on sait que les méthodes de calcul ont changé depuis 1997), le "JDD"
publie ce dimanche un sondage instructif en collaboration avec l’IFOP : 78% des personnages interrogées seraient séduits par un gouvernement d’union nationale.
La question est bien évidemment tentante au moment où l’Italie s’y emploie, contrainte et forcée, après des élections qui ne lui auront pas permis de dégager une majorité claire et univoque.
Pour autant, on laissera l’épreuve du temps dire si
l’expérience italienne est enviable, sachant que
la coalition proposée qui va d’un ministre des Affaires étrangères favorable au cannabis et à l’abolition de la peine de mort, jusqu’à un ministre de l’Intérieur, numéro 2 du parti de Silvio Berlusconi, sera toujours menacée, puisqu’un parti mécontent de la direction politique pourra toujours retirer sa confiance au nouveau président du Conseil pour provoquer de nouvelles élections. Un équilibre somme toute précaire.
Les Français prêts à renoncer au manichéisme politique ?L’Italie n’a pas la culture de la coalition comme d’autres pays tels que l’Allemagne. La France, elle non plus, n’a pas connu pareille situation et pour cause : c’est parce que la IVe République, fondée sur la recherche perpétuelle d’une collation viable, était devenue ingérable que la Ve République fut pensée pour donner systématiquement une majorité absolue à la sensibilité qui arrivait en tête.
Ce qui a abouti à un certain déni démocratique quand on voit les présidentielles, les législatives, les régionales ou encore les cantonales se décider dans un scrutin à deux tours majoritaires, alors que seules les Européennes offrent une proportionnelle. La priorité a toujours été de dégager des majorités claires afin de pouvoir gouverner… au risque malheureusement de rendre vaine toute action politique de l’opposition.
Après dix ans de gouvernance à droite, et un an après l’arrivée de Hollande au pouvoir, force est de constater que les deux têtes de l’hydre bipartite s’épuisent davantage à nier les postures, voire les impostures politiques de l’autre, quand ils pourraient s’épanouir à travailler main dans la main.
Naturellement, c’est François Bayrou qui est proposé en tête des personnalités susceptibles de gérer cette union, puisque voilà une décennie qu’il la propose, élection après élection.
Les Français seraient-ils donc prêts à renoncer au manichéisme du paysage politique français, autour de François Bayrou ? Rien n’est moins sûr.
En janvier 2012, en pleine présidentielle déjà,
le même type de sondage proposait déjà le même désir, même si l’adhésion était moins puissante avec seulement 55% contre 78% aujourd’hui… Pour autant, ce sont aussi 55% des Français qui ont voté pour Nicolas Sarkozy ou pour François Hollande au 1er tour trois mois plus tard.
La vérité, c’est que si les Français sont toujours séduits par l’idée de voir cesser des querelles politiques et les manœuvres politiciennes, ils en reviennent, de manière pavlovienne à leur réflexe bipartite quand il s’agit de voter.
Et c’est d’autant plus surprenant que, si d’un point de vue sociétal – et on l’a vu autour du "
mariage pour tous" – les clivages sont indéniables, les différences et les marges de manœuvre concernant la vision économique de la France sont plus ténues. Les clichés autour de l’État keynésien rêvé par le PS qui s’opposerait à une France ultra-libérale prônée par la droite semblent à présent relever du souvenir de grenier.
Un recours à l'union nationale synonyme d'échecMais l’autre problème réside surtout dans la situation actuelle du pouvoir politique et les volontés de chacun. François Hollande et la gauche ont la majorité dans toutes les assemblées et dans le pouvoir local, et avoir recours à l’union nationale reviendrait à formuler un aveu d’échec lourd à porter.
D’autre part, si François Bayrou semble être en tête des personnalités souhaitées pour tenir cette union, avec 47%, loin devant Martine Auby ou Louis Gallois, rien ne dit que lui-même accepterait pareille proposition de François Hollande et pour cause : François Bayrou n’a jamais envisagé l’union nationale que s’il en était le centre…
Point de salut sans victoire à la présidentielle. Et c’est sans doute la raison pour laquelle
son geste timide envers Hollande, dans l’entre-deux-tours de la présidentielle, resta sans suite.
Et en Conseil national de juillet 2012, le président du MoDem avait expliqué à ses cadres que la gauche refusait de travailler avec ceux qui n’acceptaient pas de dire qu’ils étaient de gauche, au nom d’une croyance populaire soufflée par son ami de toujours
Jean-Marie Vanlerenberghe. Même chez les partisans de l’union nationale, la méfiance envers les appareils coupent les plus beaux élans.
Enfin, on ne peut oublier que ce sondage montre que 50% des Français envisageraient la participation du Front national dans cette union nationale ! Un Français sur deux ne verrait donc pas la différence entre le PS , le MoDem, l’UMP et le FN dans son acception des "digues républicaines" !
Loin d’être rassurant, ce sondage montre bien au contraire qu’un 21 avril européen, régional ou même présidentiel, se prépare de jour en jour pour 2017… bien loin de l’union nationale rêvée en utopie par les Français.