Euthanasier n’est pas tuer
le 28/04/2013 à 05:00 | Jean-Marc Mazué
Le docteur Yves de Locht. Photo J.-M. M.
Vendredi soir, 50 personnes ont assisté à la conférence donnée par le docteur Yves de Locht, qui pratique l’euthanasie en Belgique. Stéphane Bernoud, délégué départemental de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, a introduit le débat sans détour : « Dans quel monde vit-on dans un pays qui se réclame des Lumières et des droits de l’Homme ? Face à la souffrance des patients et de leur entourage, la réponse est toujours la même : la loi ne permet pas d’aider son prochain parce que les politiques ne bougent pas. » En Belgique et depuis 11 ans, l’
euthanasie est autorisée et encadrée. Et le témoignage du docteur Yves de Locht était à la fois poignant mais extrêmement pragmatique : « Je me souviens d’un patient touché par un cancer de la prostate, avec des métastases partout dans le corps et la colonne vertébrale. Cet homme supportait l’insupportable. Personne ne pouvait le soulager. Sa famille me suppliait de faire quelque chose, mais la loi ne le permettait pas. La famille m’en a voulu très longtemps », se souvient ce médecin généraliste, accusé dans certains journaux de « donneur de mort ».
« Je n’ai pas le permis de tuer, de même que le médecin, même s’il est contre l’
euthanasie, n’a pas la toute puissance », poursuivait-il en avertissant également l’auditoire français sur un point : « Il ne faut pas opposer les soins palliatifs à l’
euthanasie. Ils sont complémentaires et j’ai besoin, dans les euthanasies que je pratique, d’une équipe de soins palliatifs dont le travail est de tenter de contrôler les symptômes en fin de vie et d’assumer un précieux soutien psychologique pour tous. » Le praticien a également insisté sur l’obligation d’être formé, « car l’
euthanasie n’est pas un acte anodin et il doit être rigoureusement encadré et contrôlé, comme c’est le cas en Belgique ». D’ailleurs, en 11 ans de pratique d’euthanasies, aucun cas litigieux ni aucune plainte n’ont été formulés.
M. Bernoud en a profité pour signaler qu’il fallait aussi se méfier des abus : « En Suisse, des médecins pratiquent l’
euthanasie pour les personnes fortunées, à 10 000 € l’acte. » « En Belgique, l’
euthanasie coûte 100 € car elle doit rester accessible, sans condition financière. » Reste une question : avec 93 % de Français favorables à l’
euthanasie, quand une loi va-t-elle enfin encadrer efficacement la fin de vie ?
Docteur Yves de Locht “Il ne faut pas opposer les soins palliatifs à l’
euthanasie.”