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 Membres de l'Eglise et de l'ADMD,est-ce possible?

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MessageSujet: Membres de l'Eglise et de l'ADMD,est-ce possible?   Membres de l'Eglise et de l'ADMD,est-ce possible? Icon_minitime02.10.13 16:30

EUTHANASIE : Etre membres de l’Eglise catholique et adhérents de l’A.D.M.D. est-ce possible ?


.I. Onze points de repères
1. Serait-il possible d’éviter l’emploi du mot « Euthanasie » au profit d’expressions comme ‘l’aide active à mourir’ ? Le mot euthanasie n’a plus son sens originel de « bonne mort » (eu-thanatos). C’était le sens originel du mot quand il apparaît dans la culture grecque et la culture romaine (notamment chez Suétone : Vies des douze Césars) ; il s’est enveloppé d’images violentes et péjoratives quand a été proposée l’extermination des malades mentaux et ont été réalisées des mesures de destruction massive des juifs et de nombreuses populations, notamment pendant la deuxième guerre mondiale. Il sous-entend une action active pour mettre un terme à la vie de l’autre, sans que son accord ait été sollicité ou qu’une demande de sa part ait été exprimée, parce que cette vie est considérée comme, coûteuse ou méprisable.Aujourd’hui on parle aussi d’euthanasie pour évoquer la mise à mort d’un chien qui a attaqué ou blessé un enfant : cet animal, on ne lui demande pas son avis pour agir ainsi !Certes, depuis quelques années, des groupes, des écrivains et des philosophes tentent de réhabiliter le sens noble de ce mot..


2. La tradition judéo-chrétienne marque profondément notre civilisation. Avec d’autres traditions elle pose une limite éthique qui est un élément indispensable pour permettre la vie commune. L’expression hébraïque qui exprime cette limite est « Lo tirshah’ » : tu ne tueras pas ou, plus exactement, tu n’assassineras pas. (note complémentaire n° 1)
Il n’est pas possible, en effet, de construire une vie sociale et peut-être fraternelle s’il n’y a pas cette limite protectrice dans le rapport à l’autre..


3. En face de cette affirmation fondamentale, première, la réflexion morale a placé une autre exigence, celle de la conscience. Tout être humain peut percevoir que, dans telle ou telle situation précise, la mise en œuvre du principe ne sera pas ‘la bonne solution’ mais qu’il faut trouver ‘la moins mauvaise solution possible’ pour y répondre. Dans la tradition occidentale, cette prise de conscience, qui est, elle aussi, fondatrice de l’acte moral, est mise en valeur par le geste d’Antigone : face à l’interdit posé par le roi Créon d’accomplir des rites funéraires pour Polynice tué dans un duel avec son frère, Antigone, la sœur de Polynice, sort de la ville pendant la nuit et va poser une poignée de terre sur le corps de son frère. Elle sera à son tour condamnée : en évoquant l’obéissance aux Dieux qui est plus forte que l’obéissance au décret du roi, elle pose sa propre conscience comme instance morale (note complémentaire n° 2)
.Dans la tradition morale catholique, cet examen de chaque situation existe aussi. Il a donné lieu à la rédaction d’ouvrages de nombreux auteurs appelés ‘les casuistes’. Dans cette problématique, une place est reconnue comme prépondérante à la conscience : elle doit parfois trancher et trier entre des impératifs moraux qui divergent les uns des autres (on établit alors une hiérarchie de ces impératifs) ; ou bien elle doit faire face à des situations où la simple application des impératifs moraux apparaît comme insatisfaisante. En dernier ressort, c’est en conscience que l’homme décide et prend la responsabilité de la décision, dut-il en répondre devant des autorités judiciaires (notes complémentaires n° 3 et 4)..


4. Aujourd’hui, en ce qui concerne la fin de vie, il semble nécessaire de passer d’une décision qui s’élabore dans la singularité du cabinet médical ou du service hospitalier à des dispositions législatives ou réglementaires qui fixent un cadre pour faciliter la prise de telles décisions et leur mise en œuvre. Cette nécessité prend appui au moins sur deux considérations. La première est liée aux progrès des sciences et des techniques médicales qui permettent de prolonger la vie (il n’y a plus de ‘morts naturelles’) que ce soit celle d’un malade ou d’une personne âgée ou celle d’un être encore dans le sein de sa mère ou tout juste né. La deuxième est liée au régime politique de la laïcité dans lequel est reconnue la diversité des options religieuses et philosophiques et la diversité des valeurs que chaque individu, de façon plus ou moins claire, retient comme décisives pour lui et pour les siens. Le magistère de l’Eglise catholique et romaine n’est pas l’autorité qui régit la société civile et politique, même si elle doit faire part de sa réflexion et de ses choix moraux. (note complémentaire n° 5).


5. La parole du malade est première. Parfois des décisions médicales qui engagent une prolongation du mourir ou un abrègement du mourir du malade se prennent à l’insu du malade. Or c’est lui qui est l’acteur principal, c’est lui qui est le plus concerné par la décision.Il faut apprendre à entendre la parole du malade. Elle parvient souvent avec ses diversités et ses contradictions (l’ambiguité) ; elle est distribuée différemment à divers interlocuteurs : le malade dit au médecin : « Ca va. » et, à l’aide soignante, il parle de sa douleur et livre son angoisse ; le malade parle de la mort qu’il pressent à un ami et il cache son inquiétude à son épouse et à ses enfants. Ces écoutes diverses doivent pourvoir se rencontrer dans la concertation.Apprendre à entendre la parole du malade, c’est aussi faire un effort pour décoder ses demandes. Ainsi la demande de mort recouvre généralement une demande de soulagement ou une demande de non-abandon. Mais ce décodage prudent ne doit pas nous empêcher d’entendre que le désir d’en finir (à cause de la déchéance, de la vieillesse, du sentiment d’avoir fait son chemin…) doit être reçu et appelle l’entourage à une attention appropriée. Il n’y a pas de réponse qui viendrait immédiatement coller à la demande. Il y a acceptation de la demande pour faire chemin avec elle (note complémentaire n° 6).


.6. Approfondir la valeur du concept de dignité. La dignité de la personne humaine est un principe fondateur de la vie sociale. Elle trouve sa justification philosophique (ou théologique) dans différentes conceptions de l’homme dont la cohabitation s’est révélée possible, parfois difficile, notamment à travers le Comité Consultatif National d’Ethique. Cette dignité est au cœur de « la Loi » qui régit les relations humaines. Elle déclare que chaque être humain, quels que soient son âge, sa race, sa culture, ses fautes et son état de santé demeure toujours un être unique qui ne peut ni être réduit à un animal ou à une chose ni manipulé selon nos pulsions. Mais il ne s’agit pas seulement de maintenir cette affirmation dans le ciel des principes ; il convient d’en considérer la mise en œuvre dans la pratique de nos relations humaines.La dignité se joue d’abord dans l’appréhension et l’appréciation qu’on a de soi-même comme si on se regardait dans un miroir. Confrontation entre l’image désirée de soi et l’apparence qui nous est renvoyée par la réalité. La défiguration du visage évoque aussi ces défigurations nées de nos actes et de nos conduites, de nos limites et de nos lâchetés. Cette défiguration est souvent saisie comme une déchéance. Je ne suis pas celui que je rêvais d’être.Mais la dignité ne se construit pas seulement dans cette référence à soi-même. Elle est faite aussi du regard que les autres portent sur moi : je connais mon visage mais j’en vois surtout le reflet dans le regard de l’autre sur moi. La dignité manifeste donc cet univers relationnel et la volonté de soutenir cette relation dans la reconnaissance réciproque, de sujet à sujet.Aussi le « être avec » (être avec soi-même, être avec l’autre) est-il plus profond que la seule rencontre de nos aspects, de nos figures, de nos images. Le visage hideux d’un malade atteint d’un cancer de la peau, au delà des sentiments et des émotions, demeure encore un visage. Que nous faut-il donc pour le reconnaître, l’accepter et pour tenir ensemble ? La soumission au principe moral n’est sans doute pas suffisante pour « tenir » dans certaines situations concrètes. Y faut-il encore la « foi » , non dans son sens religieux mais dans son sens premier : faire crédit à quelqu’un alors que tout porte à s’en éloigner
(note complémentaire n° 7)
Cette dignité suppose donc une distinction des trois mots : défiguration, dépendance, déchéance. La défiguration n’est pas nécessairement déchéance ; la dépendance n’est pas nécessairement déchéance ; et la déchéance elle-même n’est pas réduite à la seule appréciation que je porte sur moi-même. Désirer « mourir dans la dignité » et exprimer ce désir sous la forme d’un droit peut donc marquer cet espoir d’être reconnu jusqu’au bout comme partenaire relationnel, comme être humain. Alors la question est posée : En certaines situations, le geste qui fait advenir la mort annoncée peut-il être compris et interprété autrement que comme un geste meurtrier et une rupture du lien social ? Aujourd’hui nous avons la conviction intime de pouvoir répondre : oui..


7. Ne plus considérer la mort comme un échec. C’est là une leçon retenue de l’enseignement du Professeur Schérer, cancérologue à Grenoble et fondateur de Jalmalv. Le milieu médical est tendu vers la guérison, le soin et l’attente des progrès. Aussi la mort d’un malade est-elle souvent ressentie comme un échec : celui des connaissances actuelles de la médecine, mais aussi celui du thérapeute lui-même. Or il faut sortir de cette problématique : quel que soit le progrès des sciences du vivant, la mort sera au terme de la vie, de la vieillesse, de la maladie ou de l’accident. Cette limite à notre vœu d’infinitude demeure et il convient d’apprendre à faire face à elle comme une condition inévitable (et en réalité bénéfique) de notre contingence humaine. Aussi, plutôt que de fuir la mort, peut-on chercher à y prendre part en se voulant vivant tant que la vie est là (le mourant, avant d’être un mourant, est un vivant) et en cherchant comment faire pour ne pas nous « voler » la mort les uns aux autres. Le malade qui part sans qu’il ait pu trouver une oreille attentive pour parler éventuellement de la mort qui vient, qu’il sait et qu’il sent, risque de se voir voler cette part précieuse de lui-même. De même, celui qui est envoyé dans une situation comateuse parce que son silence sera moins lourd que ses cris, que sa voix, que ses mots …La tradition chrétienne a toujours retenu la connaissance que Jésus avait de sa mort : pour s’en remettre à un autre, à Dieu, il fallait bien qu’il soit maître de son geste et de sa décision de ne pas s’éclipser dans les coulisses : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit »


.8. « Choisir de vivre / choisir de mourir », est-ce là la vraie alternative ? La reconnaissance de la demande du patient en phase terminale et une réponse appropriée à cette demande ne sont pas à inscrire sous le chapitre moral ouvert par la distinction : choisir de vivre / choisir de mourir. Cette distinction exprime le choix fondateur que, dans la bible, Dieu propose à son peuple dans l’observance de la loi. Et le peuple choisit de vivre. Cette expression a bien du sens dans l’émergence de l’homme pour devenir vivant plutôt que mort, humain plutôt que barbare et dans les choix essentiels qu’il a à poser face aux démêlés de l’existence. Il n’est pas sûr que cette expression puisse encore servir de référence pour celui dont l’horizon est barré par la mort prochaine ressentie déjà dans le corps physique et dans le corps psychique. Il est engagé alors sur un autre chemin, celui du deuil de lui-même où il peut manifester légitimement le désir de n’être pas seulement abandonné ni aux aléa du flux vital qui se retire de lui ni aux choix des tiers (notamment médicaux) qui décideraient à sa place pour s’acharner, prolonger, tempérer, laisser aller ou abréger.
L’homme peut se révéler comme un être humain qui a droit de décider le mieux qu’il peut sur l’avenir qui lui reste, si bref soit-il, sur le comment et le moment de sa mort. On s’accorde pour reconnaître que lorsqu’un patient réunit sa famille et les soignants pour une cérémonie d’adieu, il dit à la fois la maîtrise de sa vie et la démaîtrise. Ce geste symbolique, réel, manifeste un « accomplissement » qui n’est pas à confondre avec une revendication de « toute puissance » : je suis le seul auteur et le seul acteur de moi-même. Or il n’est pas sûr que la demande de mourir mérite une interprétation contraire à ce geste d’adieu évoqué ; elle n’est pas à interpréter comme une manifestation de toute puissance, même si chaque situation garde sa complexité psychologique et humaine difficile à explorer (note complémentaire n° 8).


9. Interroger la foi chrétienne. Dans « la mort opportune », Jacques Pohier propose un déplacement des perspectives théologiques sur le rapport de Dieu avec l’homme à partir des récits bibliques sur la création (note complémentaire n° 9).
La tradition catholique peine à sortir d’une perspective de rivalité entre Dieu et l’homme : le pouvoir que l’homme acquiererait sur les choses et sur lui-même entamerait la toute puissance de Dieu. Naguère les controverses autour des premières autopsies, aujourd’hui les mises en garde répétées sur les possibles offerts par les progrès de la biologie en sont un signe (note complémentaire n° 10).
Cette recherche théologique n’est plus, actuellement, à l’ordre du jour. Elle a été neutralisée sous le pontificat de Jean Paul II comme elle le demeure sous le pontificat de Benoît XVI (note complémentaire n° 11)..


10. La vie est-elle sacrée ? La vie humaine est-elle sacrée ? La vie humaine est-elle un chemin vers la sainteté ? La première formule court beaucoup aujourd’hui pour interdire de toucher au début et au terme d’une vie humaine : pas touche, c’est le terrain réservé à Dieu seul ! Entre ces deux moments, l’homme fait ce qu’il peut, ce qu’il veut avec la vie, la sienne et celle des autres. Devant la simplification engendrée par une telle formule, il est indispensable d’aller relire un exposé fait en 1957, à l’Abbaye de Toumliline au Maroc par Emmanuel Lévinas : « Le judaïsme, une religion d’adultes ». Dans cet article, un des soucis de Lévinas est de montrer que l’expérience biblique consiste à faire sortir l’homme d’une relation sacrée, c’est à dire d’une relation de séduction et de crainte ou d’une relation fusionnelle vécue (ou désirée) avec les dieux ou avec Dieu. Cette expérience veut le faire grandir, devenir adulte, pour qu’il accède à un rapport de reconnaissance où l’homme devient un vis à vis à l’égard de Dieu comme à l’égard de tout autre homme. Alors, l’homme existe dans la liberté (qui peut trouver à s’exprimer dans l’athéisme) et dans la responsabilité de conduire son histoire au regard des exigences d’une Loi.

Mais cette Loi n’est pas la soumission à l’arbitraire d’un prince tout puissant ; elle est la constitution même de l’espace qui crée la relation et le ‘face à face’. Alors la vie n’est pas « sacrée », dans le sens où y toucher nous ferait empiéter sur les pouvoirs que Dieu se réserve ; elle est le lieu de la sainteté ou, plus exactement, de la sanctification c’est à dire le lieu où se construit la relation sans qu’aucun des partenaires ne soit absorbé par l’autre. Ce que dit Levinas, nous pouvons le retrouver dans les mots de Jésus, selon l’évangile de Jean : « Telle est la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul Dieu véritable et celui que tu as envoyé, Jésus messie. » (Jean 17,3) La ‘con-naissance’ exclut la fusion, la séduction et la peur (note complémentaire n° 12). .


11. L’organisation du champ législatif n’est pas seulement la mise en œuvre des impératifs moraux rappelés par le magistère de l’Eglise catholique. Pour bien comprendre la position de cette Eglise, la meilleure référence en langue française demeure la déclaration ferme et nuancée du Conseil Permanent de la Conférence des Evêques de France du 21 septembre 1991 : « Respecter l’homme proche de sa mort ». Il y a nécessité de reconnaître la possibilité et la légitimité d’options diverses qui empêche chacun de se croire l’unique détenteur de « la Vérité » et qui nous inscrit dans une quête morale dont le terme ne cesse d’échapper.Note complémentaire n° 1« La sixième parole de la loi mosaïque s’annonce et s’énonce avec la brièveté de l’éclair, sans aucun commentaire. Parole parlant de soi-même, parole pure, sans ajout, parole immédiate, en hébreu deux mots : Lo tirhah’, tu ne tueras pas. » Ce mot est lié à un autre mot : le rotseah’, car la racine RTsH’ est connexe à la racine RTs . « Le rotseah’ n’est pas le meurtrier ordinaire, par imprudence ou par inadvertance. Il est, à la lettre, l’homme qui va chercher sa victime, l’homme qui prend la vie de l’autre homme, en transgressant la limite qui le protège, et qui, de ce fait, inverse la création. … Il est celui qui décide de la vie et de la mort d’autrui, qui s’autorise à tuer, mais qui ne sait donner ou redonner la vie, une fois qu’elle a été ôtée. … Assassiner, ce n’est pas seulement ôter la vie, verser le sang du dedans au dehors. C’est aussi assassiner psychologiquement, verser le sang du dedans vers le dedans : ‘Qui fait blanchir la face de son prochain, c’est comme s’il l’avait assassiné’ diront les Pirkei Avot. Parler, c’est appeler à la vie, susciter l’existence d’autrui. La réprimande, lorsqu’elle se justifie, ne doit pas se faire lapidation verbale, mais éveil ou réveil, provocation à la prise de conscience si autrui est engagé, par imprudence, par ignorance, sur les chemins de la destruction.Mais ‘ Tu ne tueras point’ doit aussi s’entendre ‘tu ne te tueras point’. Injonction négative qui s’articule à celle, positive, de découvrir les fondements de la création en apprenant ou en découvrant les gestes de l’arrêt, le jour du chabbat. »Raphaël Draï, La traversée du désert ou l’invention de la responsabilité, Fayard 1988 p. 97.Ce texte nous permet de nous interroger : Faut-il assimiler une réponse positive à l’aide active à mourir à un assassinat ? Ou bien, la volonté expresse, plusieurs fois répétée, réfléchie et débattue, permet-elle de ne pas céder à cette assimilation ?
Note complémentaire n° 2.« Antigone va, contre les lois de la cité, obéir aux ‘lois non écrites, inébranlables, des dieux’. Il s’agit pour elle de ne pas trahir son frère unique. Elle passe outre la défense de Créon et va répandre ‘une poignée de fine poussière’ sur le cadavre de Polynice. C’est un geste qui constitue le tombeau. L’acte d’Antigone est un acte éthique, … un acte singulier de soumission à une loi non-écrite contre laquelle ne saurait prévaloir la loi de la cité. … Il est franchissement d’une limite, engagement dans un chemin qui mène vers la mort. En cela, il est tragique. S’y dérober, ce n’est pas commettre une infraction, c’est trahir. » Louis Bernaert , Aux frontières de l’acte analytique, Edition du Seuil 1987 Chapitre :  ‘Qu’est-ce que l’acte éthique ?’ Lire aussi le roman d’Henri Bauchau, Antigone, Actes Sud 1997. Note complémentaire n° 3Dans son ouvrage : « Une éthique pour la mort » (DDB 1995) le Professeur Abiven développe longuement le bien fondé de l’interdit de l’euthanasie, entendue comme une provocation de la mort d’autrui, sans que soit précisé s’il y a eu une demande de celui-ci ou l’expression d’un consentement. Cet interdit est une exigence éthique et une condition sociale de la vie fraternelle qui surgit de l’interdit premier de l’assassinat exprimé par la loi mosaïque. Le Professeur s’interroge ensuite sur la légitimité morale de la transgression de cet interdit en prenant appui sur la tradition morale de l’église catholique illustrée notamment par Saint Thomas d’Aquin.« Le médecin est, ici, je pense, confronté à un conflit de devoirs. D’une part, il ne se reconnaît pas le droit de donner la mort. Mais dans la situation précise, il ne voit, à moins de se dérober, pas d’autres solutions pour mettre fin au calvaire de son patient que de le faire mourir. Il me semble en telle situation que son devoir de conscience est de transgresser la règle morale qu’il reconnaît pourtant comme impérative.Transgresser, c’est exactement ceci : reconnaître une règle comme absolue mais considérer qu’en la circonstance son devoir est de passer outre. Ce qui entend que d’une part on reconnaît la règle et on l’accepte mais que d’autre part, en la circonstance, la conscience impose de ne pas en tenir compte. Une telle attitude ne peut pas, je pense, être qualifiée de laxiste. Un moraliste aussi rigoureux que pouvait l’être Thomas d’Aquin a toujours reconnu que, pour chaque être, la dernière instance, le garant ultime d’une décision, était sa propre conscience … Ceci mérite, en l’occurrence, que le médecin qui s’implique dans une telle décision euthanasique ait éclairé sa conscience, qu’il ait réfléchi et mesuré ce à quoi il s’engage dans un tel geste. Puisqu’il accepte, ce faisant, d’entrer en terrain découvert, il accepte de ne plus être protégé par la loi morale qu’il s’est fixée, pas plus d’ailleurs que par la loi civile, en l’occurrence. Une telle transgression ne peut aller sans vraie prise de conscience. » (p.157)Note complémentaire n° 4.
« Ou il faut rappeler la loi en dépit des consciences ou il faut tenir compte des consciences et ébranler la loi. Dans le premier cas, c’est se rendre inattentif aux personnes singulières, et se donner le droit de condamner ; dans le second, c’est atténuer la clarté de la norme dont nous avons besoin. On ne sort du dilemme qu’en reconnaissant le droit de la conscience à décider sa conduite en dernière instance. … Parfois dans des réunions … ou face aux passions des hommes et leurs situations désordonnées, est dressée la valeur abrupte, baptisée loi morale ou décret divin, à laquelle il faut coûte que coûte obéir ! Oui, la moralité commande le règne sans partage du principe ! Mais le gardien de la vertu a bien dit ce qu’il voulait dire : tout réduire à des questions de principe est une façon d’éviter les questions d’humanité. … Pourquoi ce principe écarte-t-il jusqu’à l’ombre de ce ‘moindre mal’ dont la médecine est familière ? Tant de fois elle doit renoncer à la perfection désirée, entrer dans les voies dont aucune n’est bonne, essayer cependant de discerner la moins rude. » France Quéré, L’éthique et la vie, Editions Odile Jacob 1991 (p. 289).

Note complémentaire n° 5.A cet égard, le débat très tumultueux autour du vote de la Loi sur l’IVG est très éclairant. Au delà des tumultes et des insultes, l’élaboration de cette loi a mis en évidence que la position rigoriste du magistère catholique ne pouvait pas être tenue face aux demandes de la société, à moins de poursuivre le travail dangereux et malsain des ‘faiseuses d’anges’. Devant le nombre des avortements - qui ne sont pas seulement l’expression d’un laxisme moral - il n’était pas possible de laisser les choses en l’état. Il fallait ouvrir des centres d’accueil et de traitements.Note complémentaire n° 6
.On dit parfois que dans les unités de soins palliatifs, il n’y a plus une telle demande. Ayant fréquenté pendant plusieurs années une telle unité, je serai moins affirmatif. D’une part, un malade ne peut pas facilement exprimer une telle parole quand il sait que celle-ci est interdite ; D’autre part, quand j’étais au Centre Léon Bérard, j’ai observé que des patients parlaient généralement de ce désir d’en finir à ceux-là mêmes qui n’avaient pas le pouvoir d’y répondre ; mais s’ils savaient que leur médecin était disposé à entendre leur demande et à y répondre, il leur arrivait d’oser la lui faire. Dans ces situations ce qui manquait le plus souvent c’était un espace ou un délai où la parole des uns et des autres puisse s’élaborer : comment le cri qui jaillit de la souffrance ou de l’inquiétude peut-il prendre forme ?.« Les pratiques professionnelles doivent apaiser la personne tout en lui permettant d’énoncer ses normes et de réaliser, si elle le souhaite, des choix par elle-même, sans que ces choix soient dictés par la seule justification médicale. Et ce, même lorsqu’elle est très affaiblie par une grave maladie, le grand âge ou la proximité de la mort. » J-C Mino, M-O Frattini, E Fournier : Pour une médecine de l’incurable ; Les Etudes Juin 2008 n° 4086.Note complémentaire n° 7.
Nous invitons chacun à feuilleter les récits évangéliques. Il est surprenant d’y voir la place qu’y tiennent le regard de Jésus sur ceux qu’il rencontre et les regards qui se portent sur Jésus.. Souvent là où il n’y a que mépris ou désespoir, Jésus sait lire et faire s’épanouir une attente de reconnaissance et de salut et celui qui le regarde renaît à l’espérance.Note complémentaire n° 8.
Jacques Pohier, « La mort opportune », les droits des vivants sur la fin de leur vie, Edition du seuil 1998. « L’euthanasie volontaire n’est pas un choix entre la vie et la mort ni un choix de la mort contre la vie, elle est un choix entre deux façons de mourir. » (p. 154) … « Pourquoi ne trouverait-on pas normal que quelqu’un avance l’heure de sa mort pour se garantir un niveau de conscience et de relation à autrui qui, dans l’opinion de la personne concernée (et d’elle seule, il faut chaque fois le redire), est au moins aussi important que la lutte contre ou le refus du traitement ? La conscience, la possibilité de relation à soi-même et à autrui (à Dieu aussi, pour les croyants) ne sont-elles pas encore plus importantes que tout ? Ainsi la mort pourrait être opportune et nous permettrait de gagner le port non comme des bateaux désemparés et désarmés, mais comme des bateaux, certes aidés par des pilotes, mais des pilotes qui ‘ne démontent pas le capitaine’. Ne doit-on pas considérer que c’est là une façon authentiquement humaine de mourir, puisque davantage de conscience et de capacité de relation est possible. « (p. 163 – 164). Ici s’exprime bien ce que Chantal Sébire exprimait elle aussi.

Note complémentaire n° 9.Jacques Pohier, o.c.« En affirmant que le Dieu-Créateur est la source de toute vie, la tradition chrétienne ne refuse pas à l’être humain la maîtrise sur la vie et sur la mort des vivants ; au contraire, elle l’invite à exercer cette maîtrise : ‘Remplissez la terre et dominez-la’ (Genèse 1,28). On ne peut donc pas dire que puisque Dieu est l’auteur de la vie, l’homme ne peut pas exercer de maîtrise sur la vie, car c’est exactement le contraire que dit la tradition chrétienne. Si le Dieu créateur est la source de l’existence et de la vie, l’être humain peut et doit - de par Dieu - exercer sa maîtrise sur la vie. Quand la hiérarchie catholique romaine limite cette maîtrise dès qu’il s’agit pour l’homme de décider de sa vie et de sa mort, elle fait sortir, sans justification, la vie humaine de l’économie de la création. » (p.343)Note complémentaire n° 10.

Pour résumer la recherche de Jacques Pohier, Louis Vincent Thomas s’exprimait ainsi en 1991 sur la dépossession de Dieu : « L’homme moderne exige d’être maître de son destin plutôt que de s’en remettre aux mains de Dieu, qu’il s’agisse de naissance ou de mort. Certains théologiens adoptent même, sur ce point, des positions fort avancées, inconcevables hier, quant au droit de l’homme à décider de mourir s’il estime le moment venu : ‘Je ne vois pas clair, écrit notamment Jacques Pohier, dans ce qu’on vous dit à propos du fait que, parce Dieu est Dieu, les humains n’auraient pas le droit d’intervenir dans la conception et dans la mort parce qu’elles seraient de façon particulière le fait de la volonté de Dieu.’ De même, il n’est pas certain que ‘plus une réalité ou un événement est important pour les humains et pour Dieu, et plus Dieu s’en réserve exclusivement la gestion.’ Un tel principe devient de nos jours ‘contraire à l’économie de la Révélation de Dieu en Jésus-Christ’. En réalité, Dieu ‘donne plus et mieux que quiconque’ et surtout, ‘plus Dieu inspire et suscite, et moins il dicte’. On assiste à la dépossession de Dieu. » Lumière et vie n° 204 : la mort et les vivants 1991

Note complémentaire n° 11.Une autre perspective de réflexion théologique est ouverte à partir du décryptage de la relation que Jésus vit avec ce Dieu qu’il appelle Père. Le théologien Yves Ledure, dans son dernier ouvrage intitulé « Le christianisme en refondation » (DDB 2002) propose une clarification de cette relation créatrice de liberté en faisant une distinction entre la filiation génétique et la filialité sémantique :« En se reconnaissant fils, Jésus manifeste la paternité de Dieu. Il nomme Dieu Père. La conscience de soi de Jésus se construit dans cette filialité. Son identité profonde s’affirme dans cette relation à Dieu vécu comme Père. C’est dans cette intense circulation que la conscience de soi de Jésus s’institue. Voilà pourquoi on peut parler de filialité sémantique, puisqu’elle devient pour Jésus l’instance de signification de soi. Dieu s’est intériorisé pour faire corps avec le processus d’identification de soi. Le rapport de Jésus à l’absolu n’est plus vécu comme un commandement qui oblige et soumet (= la filiation génétique). L’absolu n’est plus ‘ce-face-à-quoi’ rien ne peut exister, qui exclut tout autre que soi. Dans une attitude de filialité voulue, l’absolu permet au croyant de naître à une conscience de soi spécifique, celle précisément qui ne peut surgir que face à l’absolu. On passe ainsi de l’ordre de la nature et de ses déterminations à celui de la liberté. … L’acte le plus significatif de cette filialité-reconnaissance de soi se vérifie dans l’attitude de Jésus face à sa mort. Il ne la subit pas comme un absolu qui écrase. Il la donne, c’est à dire qu’il s’y implique comme un moment de sa propre réalisation. ‘On ne m’ôte pas la vie, dit-il, je la donne de moi-même’ (Jean 10,18). L’absolu apparaît comme l’instance qui permet à l’homme de s’ériger lui-même en toute liberté. …La liberté qu’incarne le christianisme est celle qui consiste à sortir l’homme d’une religion patriarcale qui le maintient dans un statut de dépendance et de soumission. Il faut abandonner cette symbolique du patriarche omnipotent qui certes culmine dans la figure du « Dieu tout-puissant », mais s’étend aussi à l’ensemble de l’existence humaine. La religion sert ici de révélateur d’un statut d’immaturité de l’homme dans tous les domaines de son existence. Tant que la symbolique du père en reste à sa fonction de géniteur, elle engendre une relation de vassalité. Celle-ci devient fondatrice d’un statut d’infériorité du fils qui n’existe pas par lui-même, mais uniquement dans son rapport de filiation au père. …. En posant la filialité, acte fondateur du rapport à Dieu, le christianisme brise cet ancestral assujettissement. Il instaure une problématique de liberté qui donne à l’homme la possibilité de devenir acteur de son propre destin, responsable de son parcours existentiel. » (p. 158)Note complémentaire n° 12

.« Pour le judaïsme, le but de l’éducation consiste à instituer un rapport entre l’homme et la sainteté de Dieu et à maintenir l’homme dans ce rapport. Mais tout son effort … consiste à comprendre cette sainteté de Dieu dans un sens qui tranche sur la signification numineuse de ce terme, telle qu’elle apparaît dans les religions primitives où les modernes ont souvent voulu voir la source de toute religion.. Pour ces penseurs, la possession de l’homme par Dieu, l’enthousiasme, serait la conséquence de la sainteté et du caractère sacré de Dieu, l’alpha et l’oméga, de la vie spirituelle. Le judaïsme a désensorcelé le monde, a tranché sur cette prétendue évolution des religions à partir de l’enthousiasme et du sacré. Le judaïsme demeure étranger à tout retour offensif de ces formes d’élévation humaine. Il les dénonce comme l’essence de l’idolâtrie.Le numineux (ou le sacré) enveloppe et transporte l’homme au-delà de ses pouvoirs et de ses vouloirs. Mais une vraie liberté s’offense de ces surplus incontrôlables. Le numineux annule les rapports entre les personnes en faisant participer les êtres, fut-ce dans l’extase, à un drame dont ces êtres n’ont pas voulu, à un ordre où ils s’abîment. Cette puissance … apparaît au judaïsme comme blessant la liberté humaine, et comme contraire à l’éducation de l’homme, laquelle demeure action sur un être libre. Non pas que la liberté soit un but en soi. Mais elle demeure la condition de toute valeur que l’homme puisse atteindre. Le sacré qui m’enveloppe et me transporte est violence.Le monothéisme juif n’exalte pas une puissance sacrée, un numen triomphant d’autres puissances numineuses, mais participant encore de leur vie clandestine et mystérieuse. Le Dieu des juifs n’est pas le survivant de dieux mythiques. Abraham, le père des croyants, aurait été fils d’un marchand d’idoles, selon un apologue. Profitant de l’absence de Terech, il les aurait brisées toutes, en épargnant la plus grande d’entre elles pour lui faire porter, aux yeux de son père, la responsabilité d’un massacre. Mais Terech revenu ne peut accepter cette version fantastique : il sait qu’aucune idole au monde ne saurait détruire les autres idoles. Le monothéisme marque une rupture avec une certaine conception du sacré. Il n’unifie ni ne hiérarchise ces dieux numineux et nombreux ; il les nie. A l’égard du divin qu’ils incarnent, il n’est qu’athéisme. »Emmanuel Lévinas : Difficile Liberté ed. Albin Michel 1976 p.29-30.  Christian Biot (christian.biot@aliceadsl.fr)Edmond BonnetChristian Peyret-MontagneJosiane Pradines-GrilletSimone SuisseChristian et Chantal SollierMonique Tetreau (famille.tetreau@wanadoo.fr)Lyon le 1er juillet 2008.A Signaler : Le témoignage bouleversant de Gabriel RINGLET dans TC N°33112 du 4 septembre 2008 : "La Foi dépouillée." Prêtre, professeur à l’universuté catholique de Louvain, Gabriel Ringlet publie un témoignage émouvant sur une expérience d’eaccompagnement d’une amie dans les dernieers mois de sa vie, "Ceci est ton corps" (Albin Michel) On retrouyve dans ce superbe texte son art de mêler poésie, théologie et amour de la liberté.Et aussi un article de Jean-Yves CALVEZ jésuite (Centre Sèvres et Ceras Paris ) : "Evolutions en doctrine morale catholique" dans La Croix du 6-7 septembre 2008.

Source=site de Jonas
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