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 Réflexion éthique(assistance à l'AVF)

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MessageSujet: Réflexion éthique(assistance à l'AVF)   Réflexion éthique(assistance à l'AVF) Icon_minitime20.11.13 10:53

L'assistance médicale à l'anticipation volontaire de fin de vie - Réflexions d'un éthicien  

 
 
Par Bernard Quelquejeu, philosophe et théologien.
 
 
 
1° Personne ne peut contester à une personne, atteinte d’une maladie grave et incurable, souffrant d’une complication gravement handicapante ou jugeant intolérable pour elle, dans son état, la poursuite de son existence, la liberté fondamentale d’anticiper volontairement la fin de sa vie dans des conditions dignes. Il s’agit d’une faculté première, liée à la conscience que l’homme a prise de sa condition de finitude, enracinée dans sa liberté la plus originaire. C’est une liberté qui prend place dans la longue suite des libertés peu à peu conquises à l’âge moderne.
Car aucun être humain, aucune instance juridique, morale, politique ou religieuse ne peut se substituer à la conscience personnelle lorsqu’il s’agit du sens que l’on entend conférer à son existence, et de la réponse que l’on tente de donner à la question de sa destinée.
Une distinction essentielle : s’interdire de condamner moralement l’acte d’anticipation de la fin de vie (AVF), posé dans les circonstances très particulières ci-dessus précisées, ne signifie en aucune manière légitimer inconditionnellement le suicide, qui, le plus souvent, est le terme désastreux d’un parcours d’isolement, d’échec, de malheur, de désespoir. Avec l’aide des pouvoirs publics, nos sociétés se doivent de poursuivre et d’amplifier les campagnes et les actions de lutte contre le fléau des suicides, prioritairement en direction des milieux défavorisés et des classes d’âges vulnérables.
 
 
2° La question posée aujourd’hui au législateur français ne concerne donc pas, en tant que telle, l’anticipation volontaire de la fin de vie, qui relève d’une liberté personnelle inviolable. Elle concerne la légalité de L’ASSISTANCE A L’AVF dispensée par autrui, et singulièrement la qualification juridique du rôle que le médecin est amené à exercer dans cette assistance. Car si l’AVF , dans sa nature morale, n’est pas d’abord un acte médical, mais une action de liberté personnelle, -- sa mise en œuvre concrète, dans les circonstances actuelles, requiert le plus souvent le concours d’un médecin : délivrance de produits létaux, dosage, absorption, accompagnement, etc.
La question posée au législateur est donc précisément celle-ci : l’exercice effectif de la liberté d’anticiper volontairement sa fin de vie, pour un patient proche de la mort, entraîne-t-il pour le personnel médical, non seulement la possibilité légalement reconnue d’assurer l’assistance nécessaire demandée, mais même l’obligation morale, juridiquement sanctionnée, faite au service hospitalier (étant sauve l’objection de conscience individuelle d’un médecin) de pourvoir à la réalisation effective de l’AVF réclamée dans les conditions requises par le patient, dans une demande actuelle ou en conséquence de directives préalables notifiées.
 
3° La réponse à cette question a longtemps été négative, dictée par l’hégémonie exercée par les diverses autorités sociales (médicales au premier chef, mais aussi morales, religieuses, politiques), mais largement ratifiée par la conscience morale collective en dépendance d’une certaine conception des devoirs du médecin vis-à-vis de son malade (cf. le serment d’Hippocrate). Depuis un dizaine d’années, on assiste, dans cette perspective, à une profonde mutation des relations malade/médecin : loi du 4 mars 2002 permettant le refus des traitements, grand débat public à l’occasion de l’affaire Vincent Humbert en 2003, loi Léonetti du 22 avril 2005 sur la fin de vie, rapport du professeur Didier Sicard de fin 2012 évoquant « la demande profonde des personnes de ne pas être soumises, dans cette période d’extrême vulnérabilité de la fin de vie, à une médecine sans âme » , évolution des positions de l’Ordre national des médecins se déclarant en février 2013 favorable ‘par devoir d’humanité’ à une aide à mourir par sédation profonde, enfin l’avis du CCNE du 1er juillet 2013 préconisant un « droit nouveau […] s’ajoutant au droit de refuser tout traitement et à celui de se voir prodiguer des soins palliatifs » : celui « d’obtenir une sédation continue jusqu’à son décès lorsqu’il est entré dans la phase terminale de sa maladie ».
La conscience morale collective, seul fondement de la légitimité éthique du pouvoir législatif, est aujourd’hui porteuse d’une conception renouvelée de ce que comporte la relation de confiance qui unit un malade et son médecin (ce que certains appellent parfois le ‘colloque singulier malade/médecin’) Même si cette relation n’est ni réciproque, ni égalitaire, puisque chacun occupe une place singulière, in substituable, on doit, d’un point de vue éthique, l’analyser comme une ‘reconnaissance mutuelle’, génératrice de droits et devoirs réciproques : le patient accorde sa confiance à son médecin en raison de sa compétence, recourt à lui pour être aidé dans sa maladie, ne lui confère ni la toute-puissance ni la maîtrise de sa propre existence, attend de lui un soulagement de ses souffrances, et compte sur lui non seulement pour l’aider si possible à guérir, mais aussi pour l’assister dans sa décision d’anticiper volontairement la fin d’une vie devenue pour lui intolérable. De son côté, le médecin considère son patient comme une personne en situation de vulnérabilité, lui doit ses compétences et son savoir-faire en matière de soins et de lutte contre la souffrance, respecte ce qu’il pense en conscience être la volonté intime de son patient, et jusqu'à sa demande d’être assisté pour la réalisation de l’AVF s’il la demande dans les formes requises.
Dans les conditions précises qu’il appartient au législateur de fixer en vue d’éviter les abus et les dérives, l’assistance médicale à la demande d’AVF – actuelle ou prévue dans des directives préalables notifiées – fait désormais partie de cette ‘reconnaissance mutuelle’ : elle est une obligation morale, fondée dans cette liberté première de la personne humaine.
Le législateur doit aujourd’hui en faire un droit nouveau.
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