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 Film "La Belle Endormie"

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MessageSujet: Film "La Belle Endormie"   Film "La Belle Endormie" Icon_minitime06.12.13 23:05



SYNOPSIS

En novembre 2008, un vif débat occupe les Italiens : faut-il, oui ou non, autoriser la famille d'Eluana Englaro, a couper l'alimentation qui la maintient en vie. La jeune femme, plongée dans le coma depuis 17 ans, semble ne jamais devoir se réveiller. Loin de là, une actrice connaît le même drame : elle attend désespérément que sa fille veuille bien donner des signes de vie sur son lit d'hôpital. Ailleurs encore, une dénommée Rossa veut en finir avec l'existence. Un médecin, qui connaît ses projets, tente de l'en dissuader...


LA CRITIQUE LORS DE LA SORTIE EN SALLE DU 10/04/2013

On aime beaucoup

Intelligence vigoureuse, séduction, justesse. Le cinéma de Marco Bellocchio est rarement pris en défaut de faiblesse, de frilosité. Après Vincere, portrait de Mussolini, et surtout de sa femme, c'est encore de l'Italie qu'il s'agit, contemporaine celle-là. Un pays en crise, bloqué, et qui se déchire autour du sort d'Eluana Englaro. Souvenez-vous : en 2008, le père de cette jeune femme, plongée dans le coma depuis dix-sept ans, avait demandé l'euthanasie par voie judiciaire, provoquant un vif débat national, instrumentalisé par Berlusconi. Autour de cette affaire, retracée en arrière-plan par des écrans de télévision, Bellocchio a imaginé quatre histoires, racontées en alternance. Uliano (Toni Servillo, formidable, comme à l'accoutumée), un sénateur de Forza Italia en proie à un doute profond, hésite à voter oui au projet de loi soutenu par son parti. Sa fille, Maria, elle, est une convaincue : militante catholique, elle manifeste devant la clinique où se trouve Eluana, où elle retrouve un garçon dont elle tombe amoureuse. Ailleurs, dans une autre ville, une célèbre actrice (Isabelle Huppert) se coupe du monde et d'une partie de sa famille pour être au chevet de sa fille, maintenue dans un état végétatif, avec l'espoir fou qu'elle se réveille un jour. Enfin, Rossa (Maya Sansa), une droguée suicidaire, est prise en charge à l'hôpital par un médecin obstiné, persuadé qu'elle peut s'en sortir.

A chaque fois émergent des inter­rogations, qui dépassent la controverse autour de l'euthanasie. Quel est notre rapport à la souffrance de l'autre ? A la servitude volontaire ? Peut-on contraindre quelqu'un à vivre s'il souhaite la mort ? Quel est le lien entre liberté et amour, morale chrétienne et morale tout court ? Où commence et finit l'acharnement thérapeutique ? Autant de questions que Bellocchio traite avec une liberté et une fluidité étonnantes. En faisant toujours en sorte que la métaphore, voire la fantasmagorie, prenne le pas sur les dogmes, politiques et religieux. A l'image de cette séquence savoureuse des thermes, digne d'un péplum, où des sénateurs devisent de l'Italie et de sa dépression.

Le film est loin d'être neutre, Bellocchio ne cache pas son inclination pour l'homme politique, en butte à la discipline de son parti et qui refuse d'aller contre ses principes moraux. Cela ne l'empêche nullement d'accorder leur chance aux contempteurs de l'euthanasie, en faisant notamment de Maria un personnage fort, entier. Il y a en elle une ferveur, une force d'âme et de conviction qui se révèle un parfait antidote au cynisme généralisé, au manque de civisme, de sincérité. L'engagement sans calcul, c'est ce que le film célèbre, au-delà des clivages idéologiques. Un élan qui permette de sortir du coma, d'échapper à l'atonie.

Cette flamme, le film la porte en lui. Les échanges sont clairvoyants, les visages des femmes — Alba Rohrwacher et Maya Sansa — frémissants. Même dans la rébellion ou la rupture, le cinéaste choisit toujours le camp de la beauté et de la vitalité, de l'harmonie roborative. Tout en sachant que la maladie, la folie, la mort menacent toujours, se confondent même avec la vie. Une image fugitive le résume admirablement. On y voit la junkie se baisser pour retirer les chaussures et soulager les pieds du médecin, assis et endormi. En se relevant, elle le découvre les yeux grands ouverts, le regard pétrifié. Est-il mort sur le coup ? Non, il vient de renaître. — Jacques Morice


Jacques Morice
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