21 janvier 2014, par
Luc PerinoParadoxe avortement / euthanasie
À mon titre d’homme, j’ai toujours été favorable à l’avortement et à l’euthanasie, car ils me paraissent être deux étapes importantes de notre long processus d’hominisation. À mon titre de médecin, j’accepte sans réticence, bien que sans enthousiasme, d’être impliqué activement dans ces deux actes, car ils correspondent, le plus souvent, à une détresse qui m’oblige.
Livrer cette opinion personnelle a bien peu d’intérêt, c’est pourquoi j’aimerai soulever un paradoxe susceptible de faire avancer le débat.
L’avortement s’apparente à l’arrêt brutal d’une très longue période d’espérance de vie et il est à contresens de l’évolution biologique. Inversement, l’euthanasie n’ampute aucune espérance de vie et elle ne contredit aucunement l’évolution qui alloue toujours plus de ressources à la reproduction qu’à la réparation corporelle.
Dans les sociétés laïques et démocratiques, il semble paradoxal que juristes et médecins aient accepté, depuis longtemps déjà, de légaliser et de pratiquer l’avortement, alors que ces mêmes juristes et médecins freinent ou reculent dans la légalisation et la pratique de l’euthanasie.
Un bel exemple de ce paradoxe est fourni par la France où la belle avancée juridique de la loi Leonetti est presque sans effet sur le terrain, et que les juristes eux-mêmes la bafouent. Quant à l’admirable rapport Sicard qui aboutit, sans heurt, à l’évidence du suicide assisté, il n’a été repris par aucun politique.
Pour trouver une explication à ce paradoxe, il faut admettre qu’il manque quelque-part un ou des éléments qui n’ont jamais été pris en compte dans les différents débats. Il existe indubitablement d’autres raisons qui freinent les acteurs de la légalisation et de la pratique de l’euthanasie dans notre état laïque. J’ignore grossièrement quelle est la nature profonde, secrète, voire inavouable de ces raisons, mais elles ne relèvent certainement ni de la morale naturelle, ni de l’empathie, ni de l’évolution, ni de la biologie. Il faudra bien oser « fouiller » jusqu’à l’intime de ces raisons, si l’on souhaite vraiment faire avancer le débat…
De toute évidence, ces raisons n’ont pas de rapport avec le respect de la vie, et nous venons de constater qu’elles n’ont pas, non plus, de rapport avec le respect de la loi !
Continuer trop longtemps à les ignorer, serait prendre le risque majeur d’une régression sociale jusqu’aux premiers temps des débats sur l’avortement.