Source Libération Monde
La gauche et l’Eglise en chœur contre l’euthanasie
Blaise GAUQUELIN 26 mars 2014 à 19:56
En Autriche, le débat sur la fin de vie est largement influencé par les crimes nazis, 30 000 citoyens
«improductifs» y ayant été euthanasiés par les médecins de la mort. A gauche, de nombreuses voix se joignent ces derniers temps à celle de l’Eglise catholique, dans une alliance de circonstance assez inédite, pour dénoncer les lois sur le suicide assisté ou sur l’aide à mourir, en vigueur au Benelux ou en Suisse voisine et en discussion en France.
«Laisser mourir» ou «faire mourir»… Selon plusieurs intellectuels de premier plan, ce n’est pas un hasard si ce débat ressurgit en période de crise.
«On peut certainement faire beaucoup d’économies en arrêtant de soigner un patient plongé dans le coma depuis plusieurs années», commente par exemple Wolfgang Neugebauer, un historien resté longtemps à la tête du fonds autrichien de documentation et d’archives sur la résistance. Devenu, après des années de réflexion, un opposant virulent à l’aide active à la mort, il note que les lois sur l’euthanasie émanent d’abord des pays les plus libéraux sur le plan économique. Il est rejoint par le politologue Thomas Schmidinger, qui jure argumenter
«depuis sa position d’homme de gauche». Selon lui, le libre choix du patient serait une utopie, dans des Etats-providence à bout de souffle où la valeur d’un individu est jaugée à sa seule capacité à produire et à s’épanouir sur un plan personnel.
«Nous vivons dans un monde capitaliste, expliquait-t-il récemment dans le quotidien
Der Standard.
Et bien qu’athée, je me retrouve plus dans le positionnement des religieux que dans celui des partis orientés vers la productivité.»Toutefois, le gouvernement de coalition entre sociaux-démocrates et conservateurs chrétiens compte lancer un débat national sur ce sujet, car la droite, représentée par le parti OVP, souhaite ancrer l’interdiction de l’aide à la mort dans la Constitution. Elle est partiellement suivie par 42% des Autrichiens, qui craignent que l’instauration d’une telle loi achève de convaincre des malades en fin de vie qu’ils sont un poids pour leurs proches comme pour la société.
Blaise GAUQUELIN