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Euthanasie : le prix à payer pour la survie de la majorité ?
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Par Damien Le Guay
Publié le 20/10/2014 à 17:27
FIGAROVOX/HUMEUR -En échange de son soutien au gouvernement, le PRG aurait obtenu de Manuel Valls l'assurance qu'un texte sur la fin de vie serait déposé au parlement. Damien Le Guay s'indigne d'un tel «marchandage» sur une question aussi fondamentale.
Damien Le Guay, philosophe, président du comité national d'éthique du funéraire, membre du comité scientifique de la SFAP, enseignant à l'espace éthique de l'AP-HP, vient de faire paraitre un livre sur ces questions: Le fin mot de la vie - contre le mal mourir en France, aux éditions du CERF.
Est-il possible d'imaginer que le sort des 550 000 personnes qui, chaque année, en France, sont en fin de vie, soit suspendu à des tractations politiciennes entre le Premier ministre et «l'illustre» M Baylet -furieux de n'avoir pas retrouvé son siège de sénateur? Non. Peux-on concevoir que la question de l'euthanasie soit mise dans la balance pour que les radicaux de gauche «daignent» rester au gouvernement? Non plus. Est-il pensable que certains puissent vouloir forcer le travail de la commission Léonetti-Claeys, mise en place en juin, pour aller au-delà des conclusions qu'elle devait rendre en décembre? Encore moins. Non. Tout cela est impensable. Mais qui peut le dire! Sait-on jamais!
Le Premier ministre, le 16 octobre, à fait parvenir une longue lettre à Jean-Michel Baylet pour lui dire, entre autre, que sur «la fin de vie», «le gouvernement veut avancer sur cette question», qu'il «faudra aller au-delà» de la loi Léonetti, qu'il y «aura une loi» bientôt pour «aboutir à une nouvelle étape». Pourquoi tant de sous-entendus quand on sait que les radicaux de gauche sont fraternellement favorables à l'euthanasie et proche de l'ADMD? S'agit-il de les réconforter pour mieux les décevoir, ou de les rassurer sans pour autant le dire ouvertement? Est-ce à dire que l'euthanasie, qui n'est pas au programme de la commission Léonetti-Clayes, pourrait être réintroduite in fine? Sommes-nous dans le petit jeu des palinodies politiciennes, des faux-semblants, des arrangements d'état-major politique? On a du mal à le penser tant le Premier Ministre insiste sur l'idée d'une république exemplaire, d'un sérieux du politique, d'une démocratie à la recherche d'un consensus. Mais sait-on jamais!
Il ne s'agit de politique noble mais d'arrangements politiques ! Et dire que le sort de 550 000 personnes en fin de vie pourrait se jouer ainsi !
Il faut dire que depuis deux ans, le gouvernement est toujours déçu par les avis qu'il demande. Il cherche à trouver une ouverture, une justification, un rapport qui lui permettrait d'ouvrir la voie à l'euthanasie, et à chaque fois les portes de l'euthanasie qu'il voulait ouvrir se sont fermées. D'abord, il y eu le «rapport Sicard», du nom du professeur Sicard, qui, à la demande du Président Hollande, a réuni des experts, a consulté les français, a travaillé sérieusement ces questions. Le rapport, rendu en décembre 2012, a rejeté l'autorisation d'euthanasie tout en proposant des pistes - comme le renforcement des directives anticipées. Il dresse un constat dramatique de la mort à l'hôpital et préconise, bien plutôt, des réformes en profondeur pour mettre en avant «le palliatif» et quitter une logique toute curative. Déçu par ce rapport, le Président, aussitôt, sans comprendre
Jean-Luc Romero, président de l'ADMD, n'a pas dit son dernier mot. Il peut sortir du bois parlementaire comme il l'a déjà fait par le passé.
l'urgence des réformes en profondeur qu'il faut faire, demanda subito presto un avis au CCNE - le Comité consultatif national d'Ethique - qui devait lui être plus favorable. Celui-ci, le 1 juillet 2013, rend un avis circonstancié, travaillé, fouillé qui offre d'autres pistes de réflexion mais rejette, lui aussi, l'idée de l'euthanasie. Seconde déception. Second agacement. Dans la foulée, la moitié des membres du CCNE sont changés. Tous les représentants des religions sont remerciés sans ménagement. Le président de la république promet alors «un débat public» et le Président du CCNE (Jean-Claude Ameisen) lui, promet «des Etats Généraux». Aucune de ces deux promesses se seront tenues. Rien. Finalement J.C Ameisen, à sa seule initiative, sans se concerter avec les autres membres du CCNE, constitue, «une conférence de citoyens» - réunissant 18 «citoyens» sélectionnés on ne sait pas comment et qui voient pendant quatre week-end pour accoucher, enfin, en décembre 2013, d'un avis favorable à une législation sur le suicide assisté. Mais cette palinodie de démocratie directe est apparue à ce point saugrenue qu'elle ne permit pas d'ouvrir une perspective euthanasique. Ajoutons à cela que les manifestations inattendues autant que massives contre «le mariage pour tous» ont freiné les ardeurs d'autres réformes sociétales. C'est pourquoi, en juin 2014, il a été demandé à Jean Léonetti et Alain Claeyes de rendre un rapport avant la fin de l'année sur ce sujet. Mais cette mission examine deux sujets: les directives anticipées et la sédation profonde. Nulle ouverture donc, a priori, sur l'euthanasie.
Aujourd'hui, il y a donc, sur ces questions, deux perspectives possibles. Soit un enterrement de l'euthanasie (euthanasie qui n'est pas une promesse du candidat Hollande) et une amélioration de la loi Léonetti sur quelques points, faite à la suite du rapport Léonetti-Claeys ; soit un activisme dans la dernière ligne droite, un blitzkrieg parlementaire, un amendement de dernière minute qui introduise une «exception d'euthanasie», une «expérimentation», une sédation plus euthanasique que profonde. La logique voudrait que le requiem de l'euthanasie soit accepté par le parlement. Mais rien n'est sûr. Tout se jouera au Parlement. Il pourrait faire prévaloir in extremis sa «fronde», sa mauvaise humeur. Jean-Luc Romero, président de l'ADMD, n'a pas dit son dernier mot. Il peut sortir du bois parlementaire - comme il l'a déjà fait par le passé.
Souvenons-nous de la surprise de Napoléon lors de la bataille de Waterloo. Il attendait Grouchy, ce fut Blucher. Nous attendons Léonetti comme général de révision de sa propre loi, ce pourrait être l'activiste Roméro. Qui sait! Tout est à craindre! Il ne s'agit de politique noble mais d'arrangements politiques! Et dire que le sort de 550 000 personnes en fin de vie pourrait se jouer ainsi!
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