Affaire Vincent Lambert. Qu’est-ce que la Fondation Lejeune qui finance les frais d’avocat des parents ?
Pierre Lambert et Viviane Lambert, les parents de Vincent, le 20 mai, à Reims.
Pierre Lambert et Viviane Lambert, les parents de Vincent, le 20 mai, à Reims. | AFP / FRANCOIS NASCIMBENI
Ouest-France
Modifié le 23/05/2019 à 17h53
Les parents de Vincent Lambert, opposés à l’arrêt des soins de leur fils, sont aidés par la Fondation Lejeune à hauteur d’environ « 100 000 € annuels ».
Le drame de la famille Lambert est devenu une longue bataille judiciaire. Une fondation joue un rôle clef pour qu’elle se poursuive en soutenant les parents de Vincent Lambert, opposés à l’arrêt des traitements de leur fils. « Depuis le début de l’affaire Vincent Lambert, la Fondation Jérôme-Lejeune a payé quasiment l’intégralité des frais d’avocat », a précisé, lundi 20 mai, la Fondation, dans un communiqué.
Plus précisément, elle prend en charge environ « 100 000 € annuels », a-t-elle indiqué à l’Agence France presse (AFP).Les parents de Vincent Lambert, Viviane, 73 ans, et Pierre, 90 ans, ancien médecin gynécologue, sont proches de longue date de son président Jean-Marie Le Mené.
Lequel président Jean-Marie Le Mené s’insurgeait, lundi, de « la mise à mort de Vincent Lambert ». « Nous assistons aujourd’hui à un basculement de civilisation qui annonce beaucoup d’autres euthanasies à venir », a-t-il écrit dans le texte publié sur le site de la Fondation avant que la cour d’appel n’ordonne la reprise des traitements du patient.
Qu’est-ce que la Fondation Lejeune ? Éléments de réponse sur cette organisation très impliquée auprès des familles de personnes porteuses de trisomie 21, opposée à l’IVG, à l’euthanasie, et controversée.
Une fondation créée autour de la trisomie 21
Elle a été créée en 1995, après la mort du professeur Jérôme Lejeune, généticien co-découvreur de l’anomalie chromosomique responsable de la trisomie 21, avec Raymond Turpin et Marthe Gautier dans les années 1950. La fondation veut « poursuivre son œuvre », écrit-elle sur son site.
Reconnue d’utilité publique, elle s’est fixé plusieurs missions. À commencer par « la recherche médicale sur les maladies de l’intelligence d’origine génétique ». Il s’agit, bien sûr, de la trisomie 21, mais aussi des syndromes de Rett, d’Angelman, Prader Willi, Williams Beuren, de l’X Fragile ou encore la maladie du cri du chat, etc. La fondation se présente ainsi comme « le 1er financeur en France de la recherche sur les maladies génétiques de l’intelligence ».
La Fondation est aussi très active dans « l’accueil et le soin des personnes, notamment celles atteintes de trisomie 21 ou d’autres anomalies génétiques ». L’Institut Jérôme-Lejeune, à Paris, possède une équipe médicale et paramédicale qui accueille les familles et a réalisé « le suivi de près de 10 000 patients » depuis sa création.
Une fondation opposée à l’IVG et à l’euthanasie
Le troisième volet des actions de la Fondation Lejeune est d’ordre éthique et moral. Sur son site, elle le résume ainsi : « La défense de la vie et de la dignité de ces personnes, qui doivent être respectées de la conception à la mort naturelle. »
À l'institut Lejeune, ce combat s’affiche avant l’accès à la salle d’attente de la consultation où se rendent des familles dont les enfants sont porteurs de trisomie 21. « Il y avait des petits livrets anti-genre, anti-IGV, anti-PMA… Le mélange des genres nous a dérangés. On n’y est pas retourné », raconte la mère d’une jeune enfant, qui voulait de l’aide pour accompagner son bébé.
Ces engagements sont aussi clairement énoncés sur le site de la fondation. C’est dans ce sens que s’inscrit le soutien aux parents de Vincent Lambert. « Les juridictions ont toutes interprété la loi dans le sens d’une fin de vie précipitée de Vincent Lambert alors que pourtant l’euthanasie n’est pas autorisée dans notre pays. N’est-il pas suspect de permettre la chose et de bannir le mot ? Car, c’est bien la loi Claeys- Leonetti qui condamne Vincent Lambert aujourd’hui », a écrit Jean-Marie Le Mené, avant la reprise des traitements de Vincent Lambert.
Une personnalité et une fondation controversées
Plusieurs controverses ont récemment été associées au nom du professeur Lejeune. L’une d’elle concerne la découverte de l’origine génétique de la trisomie 21. Il lui est reproché d’avoir minoré le rôle joué par la médecin Marthe Gautier dans les recherches. Le 31 janvier 2014, une conférence de Marthe Gautier, 88 ans à l’époque, sur le sujet n’a pu « avoir lieu en raison de la présence d’huissiers mandatés par la Fondation Jérôme Lejeune », a écrit Le Monde.
« En 1958, dans le laboratoire du Pr Turpin, le Dr Jérôme Lejeune assisté de Marthe Gautier, découvre la cause du mongolisme », est-il toutefois précisé sur le site de la fondation.
En 1997, le pape Jean-Paul II était venu se recueillir sur la tombe du Pr Lejeune en marge des Journées Mondiales de la Jeunesse, en France, car les deux hommes se connaissaient bien. Une visite privée et sous haute surveillance tant les prises de position anti-avortement du Pr Lejeune suscitaient des réactions, comme le raconte ce journal télévisé de l’époque.
À Quéven, en Bretagne, une rue baptisée Jérôme-Lejeune a suscité débat et polémique en 2016.
En 2017, dans une tribune au Monde, 146 scientifiques, dont des académiciens et de professeurs au Collège de France, ont dénoncé les prises de position de la fondation contre les recherches sur l’embryon et contre l’avortement. Le texte était intitulé : « Nous, médecins et chercheurs, mettons en garde contre la Fondation Jérôme-Lejeune ». Ils voulaient dénoncer l’action de la Fondation, notamment les procédures judiciaires lancées contre des autorisations de recherche sur l’embryon et demandaient aux pouvoirs publics de reconsidérer la reconnaissance d’utilité publique qui lui est attribuée.