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 Michèle

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MessageSujet: Michèle   Michèle Icon_minitime25.03.21 10:16

TÉMOIGNAGE. Un an après le décès de sa mère dans la souffrance, une Nordiste se bat pour légaliser l'euthanasie
Michèle, 67 ans et vingt-cinq ans de cancers. Lorsque cette gériatre décide d'avoir recours à la sédation profonde, rien ne se passe comme prévu. Un an après le décès de sa mère dans la souffrance, sa fille Ségolène témoigne et réclame avec ses frères et soeurs une loi pour mourir dignement.

Publié le 23/03/2021 à 18h34 • Mis à jour le 24/03/2021 à 11h23
Michèle, en 2011, sur une plage du Nord de la France.
Michèle, en 2011, sur une plage du Nord de la France. • © Ségolène Vanpouille Ricart
Nord Pas-de-Calais
"Si vous m’aviez dit il y a un an que j’allais m’exprimer sur ce sujet-là, je ne l’aurai jamais cru". Ces mots sont ceux de Ségolène Vanpouille Ricart, Nordiste de 40 ans. Et ce "sujet là", c’est la fin de vie. Il y a quasiment un an jour pour jour, Ségolène, ses trois frères et le mari de Michèle ont accompagné celle-ci à mourir.

En grande souffrance après 25 ans de lutte contre différents cancers, elle avait fait le choix de la sédation profonde, comme la loi Leonetti-Claeys l’autorise depuis 2016. Pourtant, rien ne s’est déroulé comme prévu. Sa fille raconte que la demande de sa mère "n’a pas été respectée" et témoigne pour faire évoluer la loi, alors qu’une proposition dans ce sens va être étudiée à l’Assemblée Nationale le 8 avril prochain.

La sédation profonde : un choix clair et anticipé
Habitant non loin de Boulogne-sur-Mer, Michèle, 67 ans, avait accumulé les cancers et se battait contre la maladie qui avait fini par gagner ses poumons. Cette gériatre de profession avait accompagné tout au long de sa carrière "ses vieux patients, comme elle le disait avec beaucoup de tendresse, aussi dans la fin de vie, raconte sa fille, Ségolène. Chez nous, ce n’était pas un sujet tabou".

Michèle pratiquait le théâtre. On la voit ici lors d'une représentation.
Michèle pratiquait le théâtre. On la voit ici lors d'une représentation. • © Ségolène Vanpouille Ricart
La maladie s’installant, Michèle avait fait un choix : recourir à la sédation profonde. "Elle nous disait qu’à un moment donné, elle serait fatiguée, en aurait marre de se battre et avait très clairement indiqué dans ses directives anticipées son souhait de recourir à la sédation profonde pour ne pas souffrir", détaille Ségolène. Cette technique consiste à administrer une sédation profonde et continue jusqu’au décès, uniquement si le pronostic vital est engagé à court terme afin de limiter les souffrances du patient.

Le 25 mars 2020, Michèle est admise en soins palliatifs à l’hôpital. "Je me souviens très bien de cette date, on attendait juste que le protocole se mette en place et qu’on lui dise adieu". Mais rien ne va se dérouler comme prévu.

20 jours de calvaire et de souffrance
À son arrivée dans le service, les médecins ne mettent pas directement en place le protocole. "Ils voulaient faire connaissance et mettre en place des dispositifs pour alléger ses souffrances". Au même moment, la France est submergée par l’épidémie de Covid-19 et le pays vient d’entamer son premier confinement. "Un cliché radiographique a posé question sur la contamination de ma mère au Covid", raconte sa fille. Michèle est rapidement placée dans une chambre à l’isolement, le protocole sanitaire ne permet aucune visite. "Elle nous a appelé, les uns après les autres, pour nous dire adieu". Malgré les tests négatifs, impossible de regagner le service de soins palliatifs.


Pour ne pas la laisser seule, les enfants et le mari de Michèle montent un dossier en quelques jours pour mettre en place une hospitalisation à domicile (HAD). Elle rentre chez elle, entourée des siens, le 3 avril. "On s’est dit que c’était pas plus mal, elle était face à son jardin, avec nous". Mais les médicaments ne soulagent plus assez ses douleurs. "Ce n’était pas suffisamment fort pour soulager ses douleurs. On la voyait s’enfoncer, elle était en souffrance. Elle répétait difficilement « je n’en peux plus »".

"Ce n’était pas suffisamment fort pour soulager ses douleurs. On la voyait s’enfoncer, elle était en souffrance. Elle répétait difficilement « je n’en peux plus »."

Ségolène Vanpouille Ricart, fille de Michèle

Alors que la sédation profonde doit être indolore, la famille de Michèle multiplie les appels pour augmenter les doses. Ségolène affirme que leurs demandes sont restées lettre morte. "On nous disait : « si on augmente, c’est de l’euthanasie ». Ensuite, ils augmentaient les doses pour la soulager la nuit et les réduisaient dès le lendemain. Une infirmière nous a même conseillé d’aller en Suisse, mais maman était intransportable".

"On s’est dit qu’on allait augmenter les doses nous même, appuyer plus fort, en mettre plus".

Ségolène Vanpouille Ricart, fille de Michèle

Face à la souffrance de sa mère, Ségolène ne le cache pas : ils ont imaginé le pire. "On s’est dit qu’on allait augmenter les doses nous même, appuyer plus fort, en mettre plus". Tous se sont finalement ravisés, ces pratiques étant illégales. Michèle décèdera le 13 avril, soit vingt jours après son entrée dans le service de soins palliatifs. "Je me souviens des images horribles, des bruits d’agonie, des râles de douleur… on aura toujours ça en tête, toute notre vie, déplore Ségolène. On a le sentiment qu’elle a été otage d’une interprétation du corps médical puisque c’est un flou artistique et que tout repose sur leur décision, alors qu’on voulait juste répondre au souhait de notre mère clairement expliqué dans sa demande anticipée".

"Quand on parle de dignité humaine, il y a une dignité de la vie mais aussi de la mort"
Un an après cet épisode qui reste gravé dans les mémoires des enfants et du mari de Michèle, Ségolène Vanpouille Ricart raconte avec humanité leur combat acharné pour faire changer les choses. "Quand on parle de dignité humaine, il y a une dignité de la vie mais aussi de la mort", explique-t-elle. Le 6 janvier dernier, Ségolène, ses trois frères Mathieu, Thibault et Quentin et leur beau-père Philip ont publié une tribune dans Libération intitulée Sédation profonde, hypocrisie abyssale. Ils y racontent l’histoire de Michèle et réclament une loi sur le droit de mourir dignement et souverainement.


"On pensait qu’on allait juste devoir gérer notre peine de perdre notre mère, mais on est parti sur quelque chose de moche et de dur", résume Ségolène. Pour que d’autres familles ne vivent pas cette épreuve, ils demandent que la France mette en place "une nouvelle législation permettant de sortir de l’hypocrisie profonde qu’est la sédation profonde". Alors que l’euthanasie a été légalisée en Espagne jeudi 18 mars 2021, l’Assemblée Nationale s’apprête à se pencher sur une nouvelle proposition de loi dans ce sens le 8 avril prochain, déposée par le député liberté et territoires Olivier Falorni. D'après un sondage IPSOS de mars 2019, 96% des français se disent favorables à une évolution du droit en la matière.

"Je pense qu’aujourd’hui enfin, ça commence à bouger. La société commence à s’expliquer la-dessus et les politiques de tout bord s’y intéressent (un front parlementaire de la France Insoumise aux Républicains défend la proposition de loi d’Olivier Falorni, ndlr). J’espère qu’ils n’accoucheront pas d’une souris", commente Ségolène. Pour la dignité de sa mère, et pour tous les autres après elle.

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