Jacques van Camp va mourir dans quelques jours. À 76 ans, figure connue à Bruxelles, il a décidé
après plusieurs mois de procédure de ne pas aller jusqu'aux soins palliatifs. Dans le débat en France sur l'euthanasie, le modèle belge, où la pratique est strictement encadrée, est étudié de près.
Dans son appartement de Forest, une commune de Bruxelles, Jacques van Camp vit entouré des souvenirs d’une vie consacrée aux autres. Dans une vitrine sont alignées toutes ses médailles, dont l’une reçue des mains du président français Jacques Chirac pour saluer le travail des secouristes belges en 1985 lors du drame du stade du Heysel. Entré à 14 ans comme cadet à la Croix-Rouge, Jacques y a fait l’essentiel de sa carrière, avant de devenir directeur des secours de la ville de Bruxelles.
"C’est toute ma vie", dit-il en parcourant des yeux les médailles et les quelques photos qui lui restent. "Il en avait des centaines, mais je les ai données à un ami, il y a une quinzaine de jours", confie cet homme en parlant d’une voix tranquille du peu de temps qui lui reste à vivre. En retraite, Jacques van Camp a continué à être très actif, jusqu’à la découverte de sa maladie : un cancer du côlon désormais jugé irréversible. Quelques jours avant notre rencontre, il a appelé le médecin qui pratiquera son euthanasie pour en fixer la date. Ce sera dans la dernière semaine de janvier.
Parmi les souvenirs de Jacques, une photo de lui en tenue de secouriste épinglée au mur.Parmi les souvenirs de Jacques, une photo de lui en tenue de secouriste épinglée au mur.
Radio France - Angélique Bouin
Pourquoi a-t-il choisi l’euthanasie ? "Parce que je ne sers plus à rien, parce que de semaines en semaines je m’affaiblis, je perds du poids, explique-t-il". Je ne peux plus rien faire, sortir est difficile et dès que je bouge un peu, il faut me soutenir."* Jacques ne veut pas finir en fauteuil roulant, ni encombrer les services de soins palliatifs : "J’ai fait mon temps ! insiste-t-il d’une voix ferme. Si je pouvais continuer à être actif, je continuerais mais là, c’est invivable…"
Un processus très encadréJacques a déclenché la procédure en juin dernier. Il a vu deux médecins, qui ont confirmé ce que la loi belge exige : une situation médicale sans issue avec une souffrance physique ou psychique constante, insupportable et inapaisable. Sa démarche a par ailleurs été jugée volontaire, réfléchie et sans pression extérieure par le docteur Decroly notamment. C’est ce médecin, spécialement formé à cet acte médical délicat, qui fera dans quelques jours les
trois injections, dont la première endort profondément le patient.
Posé dans sa cuisine, Jacques a rangé tous les documents et les papiers dans un dossier : "Voilà ma lettre qui demandait l’euthanasie." Cela n’est pas improvisé, explique le septuagénaire. "Il faut suivre la loi."
Entre le moment où il a pris sa décision d’euthanasie et son décès, environ six mois se seront écoulés. La loi belge propose aussi un accompagnement psychologique aux patients. Un organisme met à disposition une ligne téléphonique ouverte 24 heures sur 24 aux malades concernés et un infirmier, toujours le même, passe voir Jacques au moins une fois par semaine.
"Je vais partir serein"
Cet infirmier s’appelle Jean-Noël. C’est un soutien psychologique essentiel, admet Jacques, non sans une certaine émotion : "Le travail de Jean-Noel est merveilleux, et ils sont tous comme ça !" Jacques se relève avec difficulté. Il remet son dossier à sa place et prend le temps de boire. Après avoir repris des forces, il nous montre sa chambre. Sur l’armoire sont exposés ses casques d’intervention de premiers secours. C’est ici qu’il a choisi de mourir, en présence de Jean-Noël et en tenant la main de son meilleur ami, un ancien colonel de gendarmerie.
"Je vais partir serein", dit avec beaucoup de calme cet homme, en confiant qu’il n’est pas croyant, mais qu’il pense être attendu ailleurs : "C’est moi qui décide, je n’ennuie personne", assure-t-il, en précisant qu’il n’est pas marié et qu’il n’a pas d’enfants : "Je ne vais en définitive frustrer personne : ce sera le bon choix, éclairé et … content !" En se confiant à notre micro, Jacques, qui dit avoir été surpris qu’une telle loi n’existe pas en France, précise qu’il n’a jamais milité en faveur de l’euthanasie.