HANDICHRIST

Pêle-mêle, tout et rien
 
PortailS'enregistrerConnexionFAQCalendrierAccueilRechercher
 

 Loïc Résibois

Aller en bas 
AuteurMessage
Admin

Admin


Féminin Messages : 24320

Loïc Résibois Empty
MessageSujet: Loïc Résibois   Loïc Résibois Icon_minitime19.12.23 20:40

Loïc Résibois, 46 ans, est atteint de la maladie de Charcot, maladie incurable qui entraine une paralysie progressive. Il milite pour l’aide active à mourir et s’indigne contre le report de l’examen du projet de loi sur la fin de vie, alors qu’il est sur le bureau d’Emmanuel Macron depuis septembre.


[size=18]"J’aurais voulu allumer la cheminée, c’est plus chaleureux, mais c’était la course ce matin, comme souvent", sourit Loïc Résibois. La course, pour se lever, prendre une douche, se préparer, manger son petit-déjeuner, avec l’aide indispensable de sa femme Caroline. L’assistante sociale ne travaille plus qu’une journée par semaine. "Les malades, ils ont la compassion de tout le monde, les aidants, personne ne les soutient, c’est très difficile pour eux", ajoute le quadragénaire. La complicité du couple d’origine bretonne, mais picard depuis une vingtaine d’années, saute aux yeux. "L’humour et la communication, c’est ce qui nous permet de continuer à être heureux. C’est d’ailleurs pour cela que j’appréhende de perdre ma voix".
[/size]

Une espérance de vie de 3 à 5 ans


Depuis quelques jours, il se déplace en fauteuil roulant dans sa maison de Franvillers, situé à une vingtaine de kilomètres d’Amiens. "Cela a commencé en 2019, après avoir joué au tennis notamment, j’avais des tremblements à la main". Sur l’insistance de sa femme, Loïc, "qui ne boit pas, ne fume pas, mange bio même !", consulte un neurologue, qui constate que ses muscles "sont en souffrance". Durant deux ans, les médecins cherchent. En septembre 2022, le diagnostic tombe : c’est la maladie de Charcot, une maladie incurable, qui entraine la paralysie progressive des muscles. Il a 45 ans. "Mon espérance de vie passe de 40 ans au moment où je rencontre le médecin, à 3 ou 5 ans. C’est un énorme choc, pour moi et pour ma famille, ma femme et mes deux enfants".

Publicité


Sa vie est bouleversée. Ancien policier dans les RG, puis directeur de proximité à la ville d’Amiens, son boulot le "passionnait". Dynamique, grand sportif et compétiteur, "incapable d’être à vélo dans une côte sans proposer à mes copains de faire la course", peu à peu son corps le lâche. Aujourd’hui, il ne peut quasiment plus bouger ses mains. Depuis quelques mois, il est passé au déambulateur, puis au fauteuil roulant. "C'est curieux car j'avais décidé que le jour où je serais en fauteuil, j'arrêterais. Mais l'envie de vivre est hyper forte. Le fauteuil est devenu mon meilleur ami, celui qui me permet de retrouver une partie de ma vie d’avant". Grâce à ce prêt d’une association, "car sinon je devais attendre des mois avant d’en avoir un à moi", il retrouve le plaisir de promener son chien Diego sur le chemin de halage, au bord de la Somme. Sur le joystick du fauteuil, une balle de tennis. Pour ce mordu de raquette, ce petit rien signifie beaucoup, "ça m’a donné la pêche, j’étais comme un gamin". Il est même retourné sur les terrains de tennis, pour coacher son ancienne équipe.

Mais la tentation de rester chez soi, en sécurité, est souvent là, "quand on est diminué, on a tendance à se renfermer". Pourtant, la maladie est un " formidable exhausteur de goût, vous faites les choses à fond en vous disant que c’est peut-être la dernière fois". Il lit beaucoup de thrillers, regarde la télé, joue au billard ou aux cartes avec ses amis et passe aussi beaucoup de temps sur son ordinateur, posé sur la table de la salle à manger, juste à côté d’un grand perroquet, recueilli par sa femme, bénévole chez 30 millions d’amis. En fond sonore, la roue du hamster, lui aussi recueilli. "Dans mes vidéos, j’essaye de témoigner pour faire avancer les droits des malades. Et le droit qui me tient le plus à cœur, c’est l’aide active à mourir".

Actuellement, la loi Léonetti prévoit depuis 2016, une sédation profonde et continue jusqu’à la mort, pour les malades en phase terminale, en très grande souffrance, et quand leur pronostic vital est engagé à court terme. "Une hypocrisie, selon Loïc, cette sédation, elle n’est pas faite pour le confort des malades, elle est faite pour le confort psychologique des soignants qui n’ont pas l’impression de donner la mort. Admettons que je puisse un jour avoir cette sédation, je vais mettre plusieurs jours, voire plusieurs semaines à mourir. Quel est l’intérêt pour moi de mettre 15 jours à mourir ?".
À écouter : Fin de vie : trouvera-t-on une voie française ?
Le Temps du débat
ÉCOUTER PLUS TARD

37 min

"Qui aurait envie de vivre en ne pouvant bouger que ses yeux ?"


Dans ses vidéos publiées sur les réseaux sociaux, il interpelle directement le président. En avril dernier, la convention citoyenne sur la fin de vie lui a remis son rapport en se prononçant en majorité en faveur du développement des soins palliatifs et de l’ouverture, sous conditions, du suicide assisté et de l’euthanasie. "J’avais beaucoup d’espoir quand Emmanuel Macron a été élu, car il s’était dit à titre personnel favorable au fait de disposer de sa propre vie, avec cette convention citoyenne, cela démarrait très bien", lance Loïc. Le projet de loi devait être présenté en conseil des ministres l’été dernier, puis en septembre, puis en décembre. Récemment, le porte-parole du gouvernement a annoncé qu’Emmanuel Macron se prononcerait en début d’année 2024. La ministre déléguée aux Professions de santé a indiqué que le projet de loi serait présenté courant février.
"Les sondages d'opinion disent tous que les Français sont prêts pour cette évolution et le projet de loi est sur le bureau du président depuis deux mois et il ne se passe rien, déplore Loïc. Il ne cesse de reporter la présentation de ce projet". Pourtant, il y a "urgence", pour des milliers de malades. "Ce que je veux, c'est de ne pas ruminer la nuit en me demandant comment je vais faire pour mettre fin à mes jours, si mon état de santé se dégrade et que la France ne me permet pas de bénéficier de l'aide active à mourir. Cette loi me permettrait d'être serein. Et ça, c'est énorme. Et j'irai même plus loin. Moi, par exemple, je ne suis pas sûr de supporter la trachéotomie. Si demain, je savais que la France me permettait de bénéficier du suicide assisté ou de l'euthanasie, je pense que je tenterais le coup pour continuer à profiter de la vie et en sachant que si cela ne se passe pas bien, je pourrai demander à partir. Aujourd’hui, je n’ai même pas cette possibilité-là."
Il a commencé à interpeller des politiques, des députés, des élus, pour les sensibiliser. Autour de lui, les débats sur la fin de vie s’invitent régulièrement dans ses dîners entre amis, "même si en fait, il n’y a pas de débat, mes amis sont avec moi. Qui aurait envie de vivre en ne pouvant bouger que ses yeux ? Je fais souvent cette blague : ce n’est pas parce que ma femme est végétarienne que j'ai envie de terminer en légume. Je ne serais pas capable de l'assumer. Et je le redis, j'ai envie de vivre, je suis encore heureux, mais il y a un moment où ça sera trop difficile".
Hors de question pour lui d’aller en Belgique, où l’euthanasie est autorisée, ou en Suisse, où le suicide assisté est légal. "Je veux m’éteindre ici, dans mon pays, c’est presque devenu un acte militant". Il veut mourir dans un endroit qui lui tient à cœur, "sur l’île de Ré, là où j’ai passé toutes mes vacances depuis que je suis bébé". Une centaine d’euthanasies illégales serait pratiquée chaque année en France. Loïc Résibois n’exclut pas de "chercher discrètement un médecin qui serait d’accord" pour l’aider à mourir.
Revenir en haut Aller en bas
http://handi-christ.forumactif.com
Admin

Admin


Féminin Messages : 24320

Loïc Résibois Empty
MessageSujet: Re: Loïc Résibois   Loïc Résibois Icon_minitime27.11.24 13:50

"MA MORT PEUT SERVIR D'ELECTROCHOC"
[size=36] Loïc Résibois, emporté dans son combat pour l'aide à mourir
Yann Thompson, avec les photographies de Pauline Gauer

Publié le 28/09/2024 07:00
Depuis plusieurs mois, ce père de famille se confiait à franceinfo sur sa vie avec la maladie de Charcot et sa lutte pour l'autorisation du suicide assisté et de l'euthanasie. Il est mort, mardi, sans avoir pu en bénéficier.

Une voix s'éteint, un appel retentit. Le militant pro-euthanasie Loïc Résibois est mort, mardi 24 septembre, des suites de la maladie de Charcot, une pathologie neurodégénérative incurable qui rongeait ses muscles depuis quatre ans. De cette épreuve intime, cet homme de 47 ans avait fait une lutte politique, poursuivie jusqu'à son "dernier souffle ".

Son histoire s'arrime à celle de la nation dès le diagnostic, reçu en septembre 2022, tandis qu'Emmanuel Macron relance le débat sur l'aide à mourir. Loïc Résibois finit par faire entendre sa colère en juin 2023, depuis son village agricole de la Somme, Franvillers. Ce jour-là, dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, (Nouvelle fenêtre) il interpelle "le président, son gouvernement et les députés ". Il dénonce l'"injustice" de ne pas pouvoir "demander à mourir en France dans la dignité" . Ce jour-là, il cesse de se taire. Le malade entre en croisade pour une ultime liberté, dans un pays en quête d'un "modèle français de la fin de vie" .

Son combat, cet ancien policier des renseignements généraux l'entame seul. Avec sa voix pour seule arme. Une voix douce, apaisée, qui s'invite à la table des Français au gré des interviews à la radio et à la télévision. Son témoignage, humble et nuancé, enrichit le débat sur la fin de vie. Des patients reconnaissent en lui l'un des leurs et un trop rare porte-voix. Mais, déjà, l'arme s'enraye. Le débit ralentit, l'élocution ramollit, la voix faiblit. Charcot gagne du terrain.

Loïc Résibois consulte son ordinateur, le 10 septembre 2024, dans la maison de ses parents aux Portes-en-Ré (Charente-Maritime). (PAULINE GAUER / FRANCEINFO)
Loïc Résibois consulte son ordinateur, le 10 septembre 2024, dans la maison de ses parents aux Portes-en-Ré (Charente-Maritime). (PAULINE GAUER / FRANCEINFO)
En juin 2024, au coup d'envoi de l'examen du projet de loi sur les soins palliatifs et l'aide à mourir , Loïc Résibois entame avec franceinfo un projet de journal de bord de sa maladie. Il veut raconter les hauts et les bas et, "tel un ver luisant", avant de sombrer dans la nuit, "éclairer les consciences" . Il ne peut plus tenir un stylo, mais il peut dicter des messages et nous recevoir chez lui. C'est à ce moment-là que la donne politique vient tout chambouler : Emmanuel Macron dissout l'Assemblée nationale, et le texte parlementaire est abandonné , à quelques jours du vote en première lecture. Un naufrage pour le malade, qui s'accroche à son combat. Sur son radeau à la dérive, il commence son carnet de bord.

"Sacrifié" par Emmanuel Macron
Franvillers, le 18 juin. Loïc Résibois, quasiment paralysé, nous attend dans son fauteuil électrique. Il est en survêtement, prêt à mouiller le maillot. "Parler me demande un tel effort que je finis en nage", explique-t-il. Chaque inspiration, en quête éperdue d'oxygène, le défigure. "J'ai l'impression d'être un poisson échoué sur le sable qui veut retourner dans l'eau", sourit-il. Est-ce bien raisonnable de se fatiguer à témoigner ? "Je préfère user mes muscles respiratoires et perdre un peu de temps de vie plutôt que d'être réduit au silence."

"Ce combat m'aide à donner du sens à ce qui m'arrive. J'essaye de faire quelque chose de plus grand que moi."

Loïc Résibois
à franceinfo
Depuis la dissolution, le militant ne se ménage pas. Macroniste déçu, il accuse le chef de l'Etat d'avoir "trahi" et "abandonné" les malades. Il lui en voulait déjà de n'avoir "jamais eu un mot" pour eux. Désormais, c'est le "baiser de la mort".

Portrait de Loïc Résibois
“L’abandon du texte a réveillé en moi l’angoisse de devoir aller au-delà du supportable.”

“Avec le projet de loi sur la fin de vie, j’avais retrouvé une forme de sérénité. J’entrevoyais la possibilité de bien mourir. Tout est retombé comme un soufflé et j’ai perdu l’espoir de bénéficier d’une aide à mourir. J’ai peur de souffrir et que mes proches souffrent de me voir ainsi. J’en veux beaucoup à Emmanuel Macron, qui nous a sacrifiés sur l’autel de ses manœuvres politiciennes.”

Loïc Résibois, le 18 juin, à Franvillers

Se pose "la question angoissante de comment mourir" . Depuis son diagnostic, le Picard refuse de se rendre en Suisse ou en Belgique, où des dizaines de Français abrègent leurs souffrances chaque année. "Je veux m'éteindre en France" , clame-t-il. Il attend de son pays la fin de "l'injustice" de ces funestes exils et le droit pour chacun de "mourir dignement" .

Pas question non plus "d'artificialiser" sa fin de vie. Avec une trachéotomie ou une gastrostomie, il pourrait respirer et s'alimenter par machine et par sonde. Il admire la soif de vivre de ceux qui y recourent et qui, ainsi, gagnent quelques mois ou années supplémentaires d'existence, au prix d'une dépendance accrue. "Personnellement, je ne me sens pas capable de vivre comme cela. Je n'ai pas non plus envie d'offrir dix ans de cette vie-là à ma femme. Je vois déjà à quel point c'est dur pour elle." Pour sa fin de vie, seule la qualité importe. "J'aspire à être heureux jusqu'au bout."

"La maladie est un exhausteur de goût"
Les Portes-en-Ré, 1er août. Loïc Résibois est heureux. Il nous écrit depuis son "paradis", l'île de Ré, le port d'attache estival de sa famille. Il baigne dans un océan de souvenirs de parties de tennis, de virées en roller et de maraudages de figues dans les jardins. Un an plus tôt, il faisait encore le tour de l'île à vélo. Aujourd'hui, il savoure de rouler jusqu'à la plage, en maniant un joystick surmonté de balles jaunes signées de ses idoles Roger Federer(Nouvelle fenêtre) et Stanislas Wawrinka(Nouvelle fenêtre).

“Grâce à un fauteuil roulant de baignade mis à disposition des personnes handicapées, je vais me baigner tous les jours. C’est une sensation extraordinaire. Avec une frite passée sous mes bras, je peux me verticaliser dans l’eau, sentir le sable sous mes pieds et même faire quelques pas – je marche à reculons, mais je marche !”

Loïc Résibois, le 1er août, aux Portes-en-Ré

Corbeille de fruits
A l'été 2023, déjà, il dédramatisait la fin de vie. "La maladie est un incroyable exhausteur de goût", découvrait-il, mesurant sa chance de pouvoir encore parler, jouer aux cartes et nager. A l'automne, lui qui redoutait tant d'être privé de la marche confiait son "bonheur" de "retrouver une vraie mobilité" en fauteuil électrique. En juin, il plaisantait sur sa sexualité préservée : "Tout est mou chez moi, sauf ça."

"Avant d'être malade, j'étais heureux, mais je m'en rendais à peine compte. Aujourd'hui, je mesure chaque chose positive qui m'arrive."

Loïc Résibois
à franceinfo
Loïc Résibois sait la chance qu'il a d'être entouré par sa famille et ses amis, qui défilent chez ses parents. Sa mère a donné à la petite maison blanche un air de Provence. C'est ici qu'il aimerait s'éteindre. "Je verrais bien ça à l'heure de la sieste. Aller voir la mer, dire au revoir à tout le monde, embrasser ma femme et m'endormir, les volets ouverts, au son des haubans de la base nautique."

A la vie, à la mort, à l'amour
Cet été sera son dernier. "Je n'ai pas envie de pousser ma vie au-delà de la fin de l'année" , nous lâche le Picard, ce 1er août. C'est la première fois qu'il prend date avec la mort. Il se sent de plus en plus oppressé par ses difficultés respiratoires, qui l'obligent à dormir avec un masque de ventilation. Il souffre d'être "emprisonné" dans son corps, un terme qu'il n'utilisait pas jusqu'ici. Malgré les moments heureux, son moral en pâtit.

Trois jours plus tard, alerte générale. Le quadragénaire croit mourir par étouffement après avoir avalé un grain de riz de travers. Tousser ? Ses muscles thoraciques en sont incapables. "Aux urgences, j'ai vu la terreur dans ses yeux", décrit sa femme, Caroline, 48 ans. "Tout ce que j'ai trouvé à lui dire, c'est que, si on ne trouvait pas de solution, je ferais ce qu'il faudrait. Heureusement, il n'en a pas eu besoin. Il s'est mis à pleurer et m'a remerciée. Savoir que je serais là l'a vraiment apaisé."

Photo de famille de Loïc Résibois
Caroline Résibois devant la mer
Voilà près de trente ans, depuis les bancs du lycée à Brest (Finistère), que Loïc et Caroline cheminent ensemble. Ils ont eu un fils, Martin, 22 ans, et une fille, Capucine, 18 ans. Avec la maladie, son épouse a endossé un rôle d'aidante, toujours aimante. Elle a appris à le lever, le laver, l'essuyer, l'assister. Elle a fini par arrêter son métier d'assistante sociale. "Je me sens impuissante face à cette maladie. La seule chose que je peux faire, c'est être là et lui rendre la vie la plus agréable possible, pour lui donner envie de continuer."

Face à cet amour, le malade redoute de ne plus être à la hauteur. "L'admiration a toujours été un élément important de notre amour", confie-t-il. "Mais, avec ma déchéance physique, avec la charge mentale qui pèse sur Caro, j'ai peur que ça s'étiole de son côté." Au plus profond de lui, la peur de l'abandon, le vertige de la dépendance.

Sa femme, elle, vit comme "une chance" de ne plus rater une journée avec son mari. "Il a toujours croqué la vie à pleines dents et, là encore, il met tout son cœur dans son combat. Il m'a embarquée avec son enthousiasme. Je trouve cela magnifique." Elle reste "fière" de lui. Son combat, glisse-t-il, sans le lui avouer, il le mène "aussi pour ça".

Faux espoir d'euthanasie clandestine
Les Portes-en-Ré, le 30 août. Dans un message écrit sur fond noir, Loïc Résibois enclenche le compte à rebours. Il se donne un mois avant de tirer sa révérence.

Portrait de Loïc Résibois
“Voilà, nous y sommes…”

“Depuis des mois, je me bats pour que les malades condamnés puissent décider du moment où ils estiment ne plus vouloir ou ne plus pouvoir aller plus loin. Ce moment est arrivé pour moi. C’est à la fois un moment que j’accueille et accepte avec tristesse, mais aussi une forme de soulagement. Tristesse de quitter ce monde et les miens, mais aussi une forme de soulagement, car je suis fatigué de vivre depuis des mois avec cette maladie. J’ai exprimé la volonté de ne pas aller au-delà de la fin du mois de septembre.”

Loïc Résibois, le 30 août, aux Portes-en-Ré

Depuis sa fausse route, le Picard a vu ses souffrances s'intensifier. Il ne mange presque plus et voit arriver le "point de bascule" vers l'insupportable. Le moment est venu de trouver comment diable partir en paix. La piste du suicide est vite écartée. Revient l'idée de recourir à une euthanasie clandestine, grâce à un médecin qui s'était dit prêt le moment venu. Sauf qu'entre-temps, l'homme a pris sa retraite et n'exerce plus.

"Il m'arrive d'espérer mourir subitement, dans la seconde, pour arrêter cette vie devenue trop difficile. Mais, pour info, ça ne marche pas. Ce serait trop facile."

Loïc Résibois
à franceinfo
Reste la voie légale de la sédation profonde et continue jusqu'au décès , inscrite dans le droit depuis 2016. En toute fin de vie, un patient peut demander à être plongé dans un coma pour s'éteindre en douceur, sans nutrition, ni hydratation, ni traitement de maintien en vie. La pratique reste méconnue, y compris par le corps médical. Certains y voient une euthanasie déguisée, d'autres une épreuve inhumaine. Parfois mal pratiquée, cette sédation peut s'éterniser et faire subir aux proches, des jours durant, le spectacle d'un corps qui s'émacie toujours plus.

Photo de Loïc Résibois
Photo de Loïc Résibois
Photo de Loïc Résibois
Loïc Résibois, lui, dénonce dans cette sédation une solution "hypocrite" , qui prolonge inutilement le calvaire. Faute de mieux, il s'y résout. Avec un espoir : tomber sur un professionnel "qui augmentera un peu le produit" pour abréger l'agonie.

La bataille pour la sédation
Encore faut-il trouver un médecin et une équipe infirmière. Sur l'île de Ré, aucun cabinet n'accepte de placer Loïc Résibois sous sédation profonde et continue quand il en fera la demande. Les uns trouvent la procédure trop risquée, contraignante ou éprouvante, quand d'autres refusent les résidents saisonniers. "Une infirmière m'a presque reproché de faire un caprice en voulant mourir ici", se désespère le malade.

Surtout, Loïc Résibois est jugé trop en forme pour une sédation, car encore capable de respirer seul. Il se sent "condamné à pourrir dans un lit" jusqu'à ce que le corps médical lui accorde son feu vert. Il crie au supplice.

"Aujourd'hui, je fais l'expérience personnelle d'un système que je dénonce depuis des mois. Je vais mourir, je veux mourir et on a l'air de m'empêcher de partir sans souffrance. J'ai peur, mais cela me conforte dans la légitimité de mon combat."

Loïc Résibois
à franceinfo
Loïc Résibois est en lutte, plus que jamais. Tous les matins, il se met "au travail" sur son lit médicalisé. Devant son ordinateur, équipé d'une commande oculaire, il témoigne sur son compte Instagram (Nouvelle fenêtre). Sa sœur et son père l'aident à publier des vidéos de lui, dans lesquelles il mentionne parfois l'Association pour le droit à mourir dans la dignité, dont il est membre. A la force des yeux, il répond aux nombreux messages qu'il reçoit. Il relaie aussi les histoires d'autres patients, comme pour préparer la relève.

L'heure des adieux
Les Portes-en-Ré, le 9 septembre. On le retrouve dans la salle à manger. Il a maintenant besoin d'un micro-casque et d'un amplificateur pour se faire entendre. Avec cet attirail, l'ancien des RG a des airs de frondeur prêt à haranguer la foule. Dans une autre vie, c'est plutôt lui qui fichait les citoyens en colère à Amiens, comme l'actuel député de gauche François Ruffin (Nouvelle fenêtre). A l'autre bout de la table, la mère de Loïc Résibois, rongée par le stress, prépare une énième tarte, son remède à l'impuissance. L'après-midi, les bouches à nourrir défilent. Le bal des amis se poursuit. C'est une tournée d'adieux.

Portrait de Loïc Résibois avec son chien

“C’est étrange de voir une personne pour la dernière fois. Alors on se dit tout ce qu’on a à se dire. On rigole en se remémorant les bons moments et, quelques instants après, on pleure. Quand c’est fait, je me sens généralement plus léger. Certainement ai-je conscience d’avoir la chance de pouvoir faire mes adieux à ceux que j’aime...”

Loïc Résibois, le 9 septembre, aux Portes-en-Ré

Caroline Résibois, elle, se démène pour sortir son mari de l'impasse. Ce n'est que dix jours plus tard que ses efforts finissent par payer. Le dernier médecin sollicité, le plus lointain sur l'île de Ré, accepte d'accompagner son époux dans sa demande de sédation. En parallèle, avec l'aide d'un médecin du service d'hospitalisation à domicile (HAD), une équipe d'infirmiers de La Rochelle s'engage à mettre en place le dispositif. Pour la première fois, le malade voit le bout du tunnel.

"Il a pu mourir heureux"
Les Portes-en-Ré, lundi 23 septembre. Depuis quelques jours, son état s'est fortement dégradé, nécessitant deux hospitalisations en urgence. Après un ultime reportage sur son combat sur France 2 , Loïc Résibois annonce à ses milliers d'abonnés qu'il bénéficiera d'une sédation profonde et continue dès le lendemain. "Vous vous doutez que j'aurais préféré une fin plus rapide, mais j'ai choisi, notamment par militantisme, de mourir en France, dans l'endroit qui m'est le plus cher, l'île de Ré", écrit-il, dans un dernier message (Nouvelle fenêtre), illustré par un ver luisant.

"J'espère qu'un jour, les malades français condamnés pourront choisir quand, comment et où mourir."

Loïc Résibois
sur son compte Instagram
Les Portes-en-Ré, mardi, 7h58. Dernier e-mail, "clap de fin" de son journal de bord. Quelques lignes pour "parler de la puissance de l'amour" qui le lie à son épouse, sans laquelle il n'aurait "jamais pu aller aussi loin" dans sa maladie.

Avant l'arrivée de l'équipe médicale, sa femme et sa sœur filent à la plage et, par la magie d'un appel vidéo, lui offrent une dernière contemplation de la mer. Sa fille est là. Son fils est reparti, mais les deux hommes ont "fait la paix" quelques semaines plus tôt, "après des années difficiles". Loïc Résibois est prêt. "Il n'avait pas peur, il attendait la délivrance", racontera son épouse, Caroline, le lendemain.


“Loïc est parti tout en douceur, grâce à un médecin et deux infirmières formidables. Il s’est endormi une première fois, puis s’est réveillé. C'était incroyable. Il nous a fait des clins d’œil et nous a dit que tout se passait bien. Il souriait. Il était content de ne pas avoir perdu sa voix, qui représentait tout pour lui. Après qu’il s’est rendormi, son cœur battait très vite. Il a reçu de la morphine et il est parti comme ça, rapidement, sans souffrir. Inespéré. Il a pu mourir heureux.”

Caroline Résibois, le 25 septembre, aux Portes-en-Ré

Photo de la mer
Loïc Résibois est mort avec l'espoir de susciter "un électrochoc" en faveur de l'aide à mourir, gage selon lui de fins de vie plus sereines. "Il n'est pas impossible que, de là-haut, je hante encore nos dirigeants" , a-t-il prévenu. Au Palais-Bourbon, 166 députés de divers bords réclament justement le retour du texte sur la fin de vie dans l'hémicycle . Parmi eux, figurent la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, et l'ancienne Première ministre Elisabeth Borne. A leur tête, le député centriste de La Rochelle et de l'île de Ré, Olivier Falorni, a promis d'être "fidèle" au message de Loïc Résibois. Une voix s'est éteinte. Son appel retentit.ir d'électrochoc" : Loïc Résibois, emporté dans son combat pour l'aide à mourir[/size]

Yann Thompson, avec les photographies de Pauline Gauer

Publié le 28/09/2024 07:00

Depuis plusieurs mois, ce père de famille se confiait à franceinfo sur sa vie avec la maladie de Charcot et sa lutte pour l'autorisation du suicide assisté et de l'euthanasie. Il est mort, mardi, sans avoir pu en bénéficier.

Une voix s'éteint, un appel retentit. Le militant pro-euthanasie Loïc Résibois est mort, mardi 24 septembre, des suites de la maladie de Charcot, une pathologie neurodégénérative incurable qui rongeait ses muscles depuis quatre ans. De cette épreuve intime, cet homme de 47 ans avait fait une lutte politique, poursuivie jusqu'à son "dernier souffle ".
Son histoire s'arrime à celle de la nation dès le diagnostic, reçu en septembre 2022, tandis qu'Emmanuel Macron relance le débat sur l'aide à mourir.  Loïc Résibois finit par faire entendre sa colère en juin 2023, depuis son village agricole de la Somme, Franvillers. Ce jour-là, dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, (Nouvelle fenêtre) il interpelle "le président, son gouvernement et les députés ". Il dénonce l'"injustice" de ne pas pouvoir "demander à mourir en France dans la dignité" . Ce jour-là, il cesse de se taire. Le malade entre en croisade pour une ultime liberté, dans un pays en quête d'un "modèle français de la fin de vie" .
Son combat, cet ancien policier des renseignements généraux l'entame seul. Avec sa voix pour seule arme. Une voix douce, apaisée, qui s'invite à la table des Français au gré des interviews à la radio et à la télévision. Son témoignage, humble et nuancé, enrichit le débat sur la fin de vie. Des patients reconnaissent en lui l'un des leurs et un trop rare porte-voix. Mais, déjà, l'arme s'enraye. Le débit ralentit, l'élocution ramollit, la voix faiblit. Charcot gagne du terrain.
Loïc Résibois 2-litordinateur-desktop-66f57dd623f02147374693Loïc Résibois consulte son ordinateur, le 10 septembre 2024, dans la maison de ses parents aux Portes-en-Ré (Charente-Maritime). [size=14](PAULINE GAUER / FRANCEINFO)[/size]
En juin 2024, au coup d'envoi de l'examen du projet de loi sur les soins palliatifs et l'aide à mourir , Loïc Résibois entame avec franceinfo un projet de journal de bord de sa maladie. Il veut raconter les hauts et les bas et, "tel un ver luisant", avant de sombrer dans la nuit, "éclairer les consciences" . Il ne peut plus tenir un stylo, mais il peut dicter des messages et nous recevoir chez lui. C'est à ce moment-là que la donne politique vient tout chambouler : Emmanuel Macron dissout l'Assemblée nationale, et le texte parlementaire est abandonné , à quelques jours du vote en première lecture. Un naufrage pour le malade, qui s'accroche à son combat. Sur son radeau à la dérive, il commence son carnet de bord.

"Sacrifié" par Emmanuel Macron

Franvillers, le 18 juin. Loïc Résibois, quasiment paralysé, nous attend dans son fauteuil électrique. Il est en survêtement, prêt à mouiller le maillot. "Parler me demande un tel effort que je finis en nage", explique-t-il. Chaque inspiration, en quête éperdue d'oxygène, le défigure. "J'ai l'impression d'être un poisson échoué sur le sable qui veut retourner dans l'eau", sourit-il. Est-ce bien raisonnable de se fatiguer à témoigner ? "Je préfère user mes muscles respiratoires et perdre un peu de temps de vie plutôt que d'être réduit au silence."
Citation :
"Ce combat m'aide à donner du sens à ce qui m'arrive. J'essaye de faire quelque chose de plus grand que moi."
Loïc Résibois
à franceinfo
Depuis la dissolution, le militant ne se ménage pas. Macroniste déçu, il accuse le chef de l'Etat d'avoir "trahi" et "abandonné" les malades. Il lui en voulait déjà de n'avoir "jamais eu un mot" pour eux. Désormais, c'est le "baiser de la mort".

Loïc Résibois 3
[size=30]“L’abandon du texte a réveillé en moi l’angoisse de devoir aller au-delà du supportable.”

“Avec le projet de loi sur la fin de vie, j’avais retrouvé une forme de sérénité. J’entrevoyais la possibilité de bien mourir. Tout est retombé comme un soufflé et j’ai perdu l’espoir de bénéficier d’une aide à mourir. J’ai peur de souffrir et que mes proches souffrent de me voir ainsi. J’en veux beaucoup à Emmanuel Macron, qui nous a sacrifiés sur l’autel de ses manœuvres politiciennes.”
Loïc Résibois, le 18 juin, à Franvillers[/size]
Se pose "la question angoissante de comment mourir" . Depuis son diagnostic, le Picard refuse de se rendre en Suisse ou en Belgique, où des dizaines de Français abrègent leurs souffrances chaque année. "Je veux m'éteindre en France" , clame-t-il. Il attend de son pays la fin de "l'injustice" de ces funestes exils et le droit pour chacun de "mourir dignement" .
Pas question non plus "d'artificialiser" sa fin de vie. Avec une trachéotomie ou une gastrostomie, il pourrait respirer et s'alimenter par machine et par sonde. Il admire la soif de vivre de ceux qui y recourent et qui, ainsi, gagnent quelques mois ou années supplémentaires d'existence, au prix d'une dépendance accrue. "Personnellement, je ne me sens pas capable de vivre comme cela. Je n'ai pas non plus envie d'offrir dix ans de cette vie-là à ma femme. Je vois déjà à quel point c'est dur pour elle." Pour sa fin de vie, seule la qualité importe. "J'aspire à être heureux jusqu'au bout."

"La maladie est un exhausteur de goût"

Les Portes-en-Ré, 1er août. Loïc Résibois est heureux. Il nous écrit depuis son "paradis", l'île de Ré, le port d'attache estival de sa famille. Il baigne dans un océan de souvenirs de parties de tennis, de virées en roller et de maraudages de figues dans les jardins. Un an plus tôt, il faisait encore le tour de l'île à vélo. Aujourd'hui, il savoure de rouler jusqu'à la plage, en maniant un joystick surmonté de balles jaunes signées de ses idoles Roger Federer(Nouvelle fenêtre) et Stanislas Wawrinka(Nouvelle fenêtre).
“Grâce à un fauteuil roulant de baignade mis à disposition des personnes handicapées, je vais me baigner tous les jours. C’est une sensation extraordinaire. Avec une frite passée sous mes bras, je peux me verticaliser dans l’eau, sentir le sable sous mes pieds et même faire quelques pas – je marche à reculons, mais je marche !”
Loïc Résibois, le 1er août, aux Portes-en-Ré
Loïc Résibois 4

A l'été 2023, déjà, il dédramatisait la fin de vie. "La maladie est un incroyable exhausteur de goût", découvrait-il, mesurant sa chance de pouvoir encore parler, jouer aux cartes et nager. A l'automne, lui qui redoutait tant d'être privé de la marche confiait son "bonheur" de "retrouver une vraie mobilité" en fauteuil électrique. En juin, il plaisantait sur sa sexualité préservée : "Tout est mou chez moi, sauf ça."
Citation :
"Avant d'être malade, j'étais heureux, mais je m'en rendais à peine compte. Aujourd'hui, je mesure chaque chose positive qui m'arrive."
Loïc Résibois
à franceinfo
Loïc Résibois sait la chance qu'il a d'être entouré par sa famille et ses amis, qui défilent chez ses parents. Sa mère a donné à la petite maison blanche un air de Provence. C'est ici qu'il aimerait s'éteindre. "Je verrais bien ça à l'heure de la sieste. Aller voir la mer, dire au revoir à tout le monde, embrasser ma femme et m'endormir, les volets ouverts, au son des haubans de la base nautique."

A la vie, à la mort, à l'amour

Cet été sera son dernier. "Je n'ai pas envie de pousser ma vie au-delà de la fin de l'année" , nous lâche le Picard, ce 1er août. C'est la première fois qu'il prend date avec la mort. Il se sent de plus en plus oppressé par ses difficultés respiratoires, qui l'obligent à dormir avec un masque de ventilation. Il souffre d'être "emprisonné" dans son corps, un terme qu'il n'utilisait pas jusqu'ici. Malgré les moments heureux, son moral en pâtit. 
Trois jours plus tard, alerte générale. Le quadragénaire croit mourir par étouffement après avoir avalé un grain de riz de travers. Tousser ? Ses muscles thoraciques en sont incapables. "Aux urgences, j'ai vu la terreur dans ses yeux", décrit sa femme, Caroline, 48 ans. "Tout ce que j'ai trouvé à lui dire, c'est que, si on ne trouvait pas de solution, je ferais ce qu'il faudrait. Heureusement, il n'en a pas eu besoin. Il s'est mis à pleurer et m'a remerciée. Savoir que je serais là l'a vraiment apaisé."
Loïc Résibois 5Loïc Résibois 6
Voilà près de trente ans, depuis les bancs du lycée à Brest (Finistère), que Loïc et Caroline cheminent ensemble. Ils ont eu un fils, Martin, 22 ans, et une fille, Capucine, 18 ans. Avec la maladie, son épouse a endossé un rôle d'aidante, toujours aimante. Elle a appris à le lever, le laver, l'essuyer, l'assister. Elle a fini par arrêter son métier d'assistante sociale. "Je me sens impuissante face à cette maladie. La seule chose que je peux faire, c'est être là et lui rendre la vie la plus agréable possible, pour lui donner envie de continuer."
Face à cet amour, le malade redoute de ne plus être à la hauteur. "L'admiration a toujours été un élément important de notre amour", confie-t-il. "Mais, avec ma déchéance physique, avec la charge mentale qui pèse sur Caro, j'ai peur que ça s'étiole de son côté." Au plus profond de lui, la peur de l'abandon, le vertige de la dépendance.
Sa femme, elle, vit comme "une chance" de ne plus rater une journée avec son mari. "Il a toujours croqué la vie à pleines dents et, là encore, il met tout son cœur dans son combat. Il m'a embarquée avec son enthousiasme. Je trouve cela magnifique." Elle reste "fière" de lui. Son combat, glisse-t-il, sans le lui avouer, il le mène "aussi pour ça".

Faux espoir d'euthanasie clandestine

Les Portes-en-Ré, le 30 août. Dans un message écrit sur fond noir, Loïc Résibois enclenche le compte à rebours. Il se donne un mois avant de tirer sa révérence.
Loïc Résibois 7
[size=30]“Voilà, nous y sommes…”

“Depuis des mois, je me bats pour que les malades condamnés puissent décider du moment où ils estiment ne plus vouloir ou ne plus pouvoir aller plus loin. Ce moment est arrivé pour moi. C’est à la fois un moment que j’accueille et accepte avec tristesse, mais aussi une forme de soulagement. Tristesse de quitter ce monde et les miens, mais aussi une forme de soulagement, car je suis fatigué de vivre depuis des mois avec cette maladie. J’ai exprimé la volonté de ne pas aller au-delà de la fin du mois de septembre.”
Loïc Résibois, le 30 août, aux Portes-en-Ré[/size]
Depuis sa fausse route, le Picard a vu ses souffrances s'intensifier. Il ne mange presque plus et voit arriver le "point de bascule" vers l'insupportable. Le moment est venu de trouver comment diable partir en paix. La piste du suicide est vite écartée. Revient l'idée de recourir à une euthanasie clandestine, grâce à un médecin qui s'était dit prêt le moment venu. Sauf qu'entre-temps, l'homme a pris sa retraite et n'exerce plus.
Citation :
"Il m'arrive d'espérer mourir subitement, dans la seconde, pour arrêter cette vie devenue trop difficile. Mais, pour info, ça ne marche pas. Ce serait trop facile."
Loïc Résibois
à franceinfo
Reste la voie légale de la sédation profonde et continue jusqu'au décès , inscrite dans le droit depuis 2016. En toute fin de vie, un patient peut demander à être plongé dans un coma pour s'éteindre en douceur, sans nutrition, ni hydratation, ni traitement de maintien en vie. La pratique reste méconnue, y compris par le corps médical. Certains y voient une euthanasie déguisée, d'autres une épreuve inhumaine. Parfois mal pratiquée, cette sédation peut s'éterniser et faire subir aux proches, des jours durant, le spectacle d'un corps qui s'émacie toujours plus.
Loïc Résibois 8Loïc Résibois 9Loïc Résibois 10
Loïc Résibois, lui, dénonce dans cette sédation une solution "hypocrite" , qui prolonge inutilement le calvaire. Faute de mieux, il s'y résout. Avec un espoir : tomber sur un professionnel "qui augmentera un peu le produit" pour abréger l'agonie.

La bataille pour la sédation

Encore faut-il trouver un médecin et une équipe infirmière. Sur l'île de Ré, aucun cabinet n'accepte de placer Loïc Résibois sous sédation profonde et continue quand il en fera la demande. Les uns trouvent la procédure trop risquée, contraignante ou éprouvante, quand d'autres refusent les résidents saisonniers. "Une infirmière m'a presque reproché de faire un caprice en voulant mourir ici", se désespère le malade.
Surtout, Loïc Résibois est jugé trop en forme pour une sédation, car encore capable de respirer seul. Il se sent "condamné à pourrir dans un lit" jusqu'à ce que le corps médical lui accorde son feu vert. Il crie au supplice.
Citation :
"Aujourd'hui, je fais l'expérience personnelle d'un système que je dénonce depuis des mois. Je vais mourir, je veux mourir et on a l'air de m'empêcher de partir sans souffrance. J'ai peur, mais cela me conforte dans la légitimité de mon combat."
Loïc Résibois
à franceinfo
Loïc Résibois est en lutte, plus que jamais. Tous les matins, il se met "au travail" sur son lit médicalisé. Devant son ordinateur, équipé d'une commande oculaire, il témoigne sur son compte Instagram (Nouvelle fenêtre). Sa sœur et son père l'aident à publier des vidéos de lui, dans lesquelles il mentionne parfois l'Association pour le droit à mourir dans la dignité, dont il est membre. A la force des yeux, il répond aux nombreux messages qu'il reçoit. Il relaie aussi les histoires d'autres patients, comme pour préparer la relève.

L'heure des adieux

Les Portes-en-Ré, le 9 septembre. On le retrouve dans la salle à manger. Il a maintenant besoin d'un micro-casque et d'un amplificateur pour se faire entendre. Avec cet attirail, l'ancien des RG a des airs de frondeur prêt à haranguer la foule. Dans une autre vie, c'est plutôt lui qui fichait les citoyens en colère à Amiens, comme l'actuel député de gauche François Ruffin (Nouvelle fenêtre). A l'autre bout de la table, la mère de Loïc Résibois, rongée par le stress, prépare une énième tarte, son remède à l'impuissance. L'après-midi, les bouches à nourrir défilent. Le bal des amis se poursuit. C'est une tournée d'adieux.
Loïc Résibois 11

“C’est étrange de voir une personne pour la dernière fois. Alors on se dit tout ce qu’on a à se dire. On rigole en se remémorant les bons moments et, quelques instants après, on pleure. Quand c’est fait, je me sens généralement plus léger. Certainement ai-je conscience d’avoir la chance de pouvoir faire mes adieux à ceux que j’aime...”
Loïc Résibois, le 9 septembre, aux Portes-en-Ré

Caroline Résibois, elle, se démène pour sortir son mari de l'impasse. Ce n'est que dix jours plus tard que ses efforts finissent par payer. Le dernier médecin sollicité, le plus lointain sur l'île de Ré, accepte d'accompagner son époux dans sa demande de sédation. En parallèle, avec l'aide d'un médecin du service d'hospitalisation à domicile (HAD), une équipe d'infirmiers de La Rochelle s'engage à mettre en place le dispositif. Pour la première fois, le malade voit le bout du tunnel.

"Il a pu mourir heureux"

Les Portes-en-Ré, lundi 23 septembre. Depuis quelques jours, son état s'est fortement dégradé, nécessitant deux hospitalisations en urgence. Après un ultime reportage sur son combat sur France 2 , Loïc Résibois annonce à ses milliers d'abonnés qu'il bénéficiera d'une sédation profonde et continue dès le lendemain. "Vous vous doutez que j'aurais préféré une fin plus rapide, mais j'ai choisi, notamment par militantisme, de mourir en France, dans l'endroit qui m'est le plus cher, l'île de Ré", écrit-il, dans un dernier message (Nouvelle fenêtre), illustré par un ver luisant.
Citation :
"J'espère qu'un jour, les malades français condamnés pourront choisir quand, comment et où mourir."
Loïc Résibois
sur son compte Instagram
Les Portes-en-Ré, mardi, 7h58. Dernier e-mail, "clap de fin" de son journal de bord. Quelques lignes pour "parler de la puissance de l'amour" qui le lie à son épouse, sans laquelle il n'aurait "jamais pu aller aussi loin" dans sa maladie.
Avant l'arrivée de l'équipe médicale, sa femme et sa sœur filent à la plage et, par la magie d'un appel vidéo, lui offrent une dernière contemplation de la mer. Sa fille est là. Son fils est reparti, mais les deux hommes ont "fait la paix" quelques semaines plus tôt, "après des années difficiles". Loïc Résibois est prêt. "Il n'avait pas peur, il attendait la délivrance", racontera son épouse, Caroline, le lendemain.

“Loïc est parti tout en douceur, grâce à un médecin et deux infirmières formidables. Il s’est endormi une première fois, puis s’est réveillé. C'était incroyable. Il nous a fait des clins d’œil et nous a dit que tout se passait bien. Il souriait. Il était content de ne pas avoir perdu sa voix, qui représentait tout pour lui. Après qu’il s’est rendormi, son cœur battait très vite. Il a reçu de la morphine et il est parti comme ça, rapidement, sans souffrir. Inespéré. Il a pu mourir heureux.”
Caroline Résibois, le 25 septembre, aux Portes-en-Ré
Loïc Résibois 12

Loïc Résibois est mort avec l'espoir de susciter "un électrochoc" en faveur de l'aide à mourir, gage selon lui de fins de vie plus sereines. "Il n'est pas impossible que, de là-haut, je hante encore nos dirigeants" , a-t-il prévenu. Au Palais-Bourbon, 166 députés de divers bords réclament justement le retour du texte sur la fin de vie dans l'hémicycle . Parmi eux, figurent la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, et l'ancienne Première ministre Elisabeth Borne. A leur tête, le député centriste de La Rochelle et de l'île de Ré, Olivier Falorni, a promis d'être "fidèle" au message de Loïc Résibois. Une voix s'est éteinte. Son appel retentit.
Revenir en haut Aller en bas
http://handi-christ.forumactif.com
 
Loïc Résibois
Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
HANDICHRIST :: Médecine: début et fin de vie-
Sauter vers: