HANDICHRIST Pêle-mêle, tout et rien |
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| Père Maurice ZUNDEL | |
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| Sujet: Père Maurice ZUNDEL 11.08.11 18:01 | |
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| Sujet: Re: Père Maurice ZUNDEL 11.08.11 18:19 | |
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| Sujet: Re: Père Maurice ZUNDEL 20.08.11 17:54 | |
| La Parabole du Vitrail
Un vitrail dans la nuit est un mur opaque,
aussi sombre que la pierre
dans laquelle il est enchâssé.
Il faut la lumière
pour faire chanter la symphonie des couleurs
dont les rapports constituent sa musique.
C'est en vain que l'on décrirait ses couleurs,
c'est en vain que l'on décrirait le soleil
qui les fait vivre.
On ne connaît l'enchantement du vitrail
qu'en l'exposant à la lumière qui le révèle
en transparaissant à travers sa mosaïque de verre.
Notre nature est le vitrail enseveli dans la nuit.
Notre personnalité est le jour qui l'éclaire
et qui allume en elle un foyer de lumière.
Mais ce jour n'a pas sa source en nous.
Il émane du Soleil,
du Soleil vivant qui est la Vérité en personne.
C'est ce Soleil vivant que les hommes cherchent
dans leurs ténèbres.
Ne leur parlons pas du Soleil,
cela ne leur servira de rien.
Communiquons-leur sa présence
en effaçant en nous tout ce qui n'est pas de lui.
Si son jour de lève en eux,
ils connaîtront qui il est
et qui ils sont
dans le chant de leur vitrail.
La vie naît de la VIE.
Si elle jaillit en nous
de sa source divine clairement manifestée,
qui refusera de s'abreuver à cette source
en l'ayant reconnue
comme la Vie de sa vie?
Maurice Zundel |
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| Sujet: Re: Père Maurice ZUNDEL 01.03.13 21:41 | |
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L'EXPERIENCE DE LA MORT
Cette méditation veut préparer celle qui nous accompagnera au début de Novembre, près de la tombe de nos défunts.
Quelqu'un disait dernièrement : " Quel immense mystère que la mort ! " A quoi je répondais : "Quel immense mystère est la vie ! ". Car nous savons aussi peu de l'une que de l'autre et c'est précisément parce que la vie est inconnue que la mort est pour nous un abîme.
Qu'est-ce que nous faisons de notre vie ?
Nous nous cherchons, nous nous fuyons, nous nous rencontrons par intermittence et nous n'arrivons jamais à boucler la boucle, à nous définir nous-mêmes, à savoir qui nous sommes. A plus forte raison ne connaissons-nous pas les autres. Les autres, nos plus intimes. Vos enfants, vos femmes, vos maris, qui sont-ils à côté de vous ? Que savez-vous des pensées secrètes du coeur de votre enfant ? Que savez-vous du mystère dernier de votre femme ou de votre mari ?
On n'a pas le temps, la vie passe si vite, on est occupé par les soucis matériels ou par les divertissements... et finalement la mort arrive, et c'est devant la mort que l'on prend conscience que la vie aurait pu être quelque chose d'immense, de prodigieux, de créateur... Mais, c'est trop tard... et la vie ne prend tout son relief que dans l'immense regret d'une chose inaccomplie. Et les survivants sont là à pleurer ceux qui ne sont plus, qui n'ont rien fait jaillir de leur existence et à la réalisation desquels les vivants ont si peu collaboré.
C'est alors que la mort, justement parce que la vie a été inaccomplie, apparaît comme un gouffre, comme un mystère insondable qui fait renaître constamment l'objection : "Mais après tout, aucun des morts n'est jamais revenu pour témoigner de ce qui se passe au-delà". Bien sûr, aucun des morts n'est jamais revenu pour témoigner de ce qu'il aurait vu, et cela ne servirait d'ailleurs de rien. Ce que nous allons tenter, aussi bien, ne sera pas de postuler ou d'inventer des choses que nous supposerons exister après la mort, mais de situer le problème de la mort dans le mystère même de notre personnalité, à partir de notre vocation de sujet, d'origine et de créateur.
- Un échec révélateur.
Si l'expérience de la vie échoue, je veux dire si, souvent, la vie des êtres les plus aimés nous laisse le regret d'une chose inaccomplie - que nous n'avons pas suffisamment comprise, à la réalisation de laquelle nous n'avons pas suffisamment collaboré - c'est que, justement, la connaissance d'un sujet, d'une intimité, suppose l'enracinement de notre intimité dans celle d'autrui, une communauté d'âme, un échange si profond qu'il faut constamment jeter du lest, constamment se dépasser pour être un espace assez grand pour l'accueillir.
Si nous ne connaissons pas davantage les autres, c'est parce que nous ne devenons pas autrui, parce que nous sommes enfermés en nous-mêmes, parce que nous ne savons pas nous dépasser. Alors l'autre se banalise, il prend cette figure sociale qui répond à sa fonction, au personnage qu'il s'est forgé, au masque qu'il est contraint de porter. Nous n'allons pas au-delà, nous ne découvrons pas la source qu'il est appelé à devenir, nous n'atteignons pas son unicité, parce que nous ne sommes dignes ni de la connaître, ni de la susciter.
Et toutes les difficultés de connaître un autre, toutes les difficultés de connaître son propre enfant, d'être en communication avec le fond de son âme, toutes les difficultés pour les époux de savoir qui ils sont, de dépasser la chair et d'aller jusqu'au centre de l'âme, toutes ces difficultés resurgissent devant la mort. C'est le même problème. Comme la vie est impénétrable à qui ne devient pas une source, un créateur, une personne, une origine, une liberté : la mort lui est pareillement impénétrable.
- Implantation de la survie.
Il ne s'agit pas, en effet, de connaître le lieu où nous irons après la mort, il ne s'agit aucunement d'un après dans le temps ou dans l'espace, il s'agit d'un au-delà qui est au-dedans . Cela veut dire qu'il s'agit de vaincre la mort ici-bas, dès aujourd'hui, tellement que le vrai problème n'est pas de savoir si nous vivrons après la mort, mais si nous serons vivants avant la mort. Si nous étions vivants avant la mort, en effet, s'il y avait en nous cette grandeur, cette puissance de rayonnement où s'atteste une valeur, s'il y avait en nous une source jaillissante, si notre vie portait partout la lumière, si elle était un dialogue avec l'Eternel, si nos actions n'étaient pas limitées, si elles avaient toute l'ampleur et toute la portée que l'amour leur peut conférer, la mort serait progressivement vaincue, le temps en nous s'éterniserait et nous multiplierions ces heures étoilées dont parle Zweig, ces heures où toute la durée se concentre en une Présence qui suscite un présent capable de renaître sans jamais s'épuiser. Aussi bien, chaque fois qu'un chef-d'oeuvre nous replonge au coeur du silence, chaque fois que nous retrouvons le sens de l'émerveillement et de l'admiration, toutes ces heures créatrices s'additionnent, deviennent toujours plus denses, constituent une lumière de plus en plus saturée et pénétrante : et c'est par là, justement, que notre être réalise son unité.
Il y a, en vérité, en nous, des heures qui ne meurent pas, des heures qui dessinent l'identité de notre être profond, des heures où déjà nous pressentons ce que peut signifier l'immortalité. Nous avons, en effet, à nous éterniser à travers le temps, qui n'est que la distance de nous-même à nous-même. Le temps, autrement dit, doit s'intérioriser pour nous en une durée qui ne passe pas et tout notre être doit peu à peu se récupérer sur la biologie dont la spontanéité instinctive constitue notre premier capital énergétique. Au départ de notre vie, en effet, dès notre conception dans le sein maternel, nous recevons gratuitement, c'est-à-dire sans aucune intervention de notre part, un certain quantum d'énergie cosmique qui nous est donné une fois pour toutes. Et c'est ce quantum d'énergie qui nous permet de nous insérer dans le monde, d'y jouer notre rôle et de le dépasser. Mais ce prêt qui ne se renouvellera pas constitue un certain potentiel - il a une certaine hauteur ou puissance de chute - et puis, comme toutes les réalités de la nature qui sont soumises à l'entropie, il subit une espèce de nivellement : nos énergies s'usent, elles s'épuisent avec l'âge et puis, finalement, elles deviennent étales et c'est la mort, la mort physique.
Cette mort physique ne peut représenter tout l'événement de la mort, s'il est vrai que notre vocation est de devenir sujet, source, et origine de notre être authentique, c'est-à-dire de faire travailler ces énergies, de les transformer, de les élever à un autre niveau, de les immortaliser et, finalement, de créer, dans leur dimension humaine, notre corps autant que notre esprit. Et nous pouvons déjà remarquer, à ce propos, que la vision extrêmement primitive et sommaire d'une mort qui est un retour à la poussière ne répond absolument pas à l'expérience profonde de la mort. Le cadavre n'est pas le corps, mais un conglomérat physico-chimique d'éléments hétérogènes qui n'a plus aucun rapport avec le corps.Et nous verrons aussi bien, que le corps peut survivre à la mort - le vrai corps - encore faut-il le découvrir en prenant la peine de le créer.
- L'adaptation indéfinie.
De toute manière, pour nous en tenir à une donnée irrécusable, nous sommes insérés dans l'univers, l'univers nous prête un certain quantum d'énergie. Nous avons à administrer cette énergie. Nous pouvons l'administrer sagement,nous pouvons en hâter, au contraire, la destruction : cette perspective, notre corps apparaît, d'abord, comme une sorte de cordon ombilical qui nous met en prise sur l'univers : sur cet univers bien déterminé dans lequel nous avons à nous mouvoir naturellement. C'est pourquoi notre corps est d'abord relatif à notre habitat terrestre. Si nous habitions la lune, nous ne pourrions pas y vivre aisément avec le corps que nous avons. Notre corps sur la lune serait trop léger, parce que la puissance d'attraction de la lune, étant donné que sa masse est moindre que celle de la terre, est aussi moins forte. Si nous vivions sur le soleil, à supposer que cela fût possible, nous serions beaucoup trop lourds, étant donné l'immense puissance gravitique du soleil, en raison de l'énormité de sa masse par rapport à celle de la terre. Notre corps est relatif à notre habitat et aux actions utiles que nous avons à y exercer. Nous ne percevons qu'une gamme très étroite de radiations, celles qui vont du violet au rouge. Mais il y a les radiations ultraviolettes, les radiations infrarouges, les rayons X, les rayons gamma, les rayons cosmiques et une foule d'autres radiations que nous ne percevons aucunement et qui n'en sont pas moins réelles - comme sont réels les ultrasons qui échappent également à notre perception naturelle - parce que nous n'avons biologiquement, à leur égard, aucun rôle utile à jouer. Puis donc que notre corps est relatif à notre habitat, il faudrait qu'il fût différent pour exister sur une autre planète. Nous le savons, d'ailleurs, par le fait que les navires cosmiques doivent emporter les conditions terrestres pour que l'animal ou l'homme qui les habite puisse subsister. Il y faut constamment rétablir ou adapter les conditions terrestres pour que la vie ne soit pas gênée et mise en péril, en échappant, à la fois, à la pesanteur et à l'atmosphère propres à notre planète.
Malgré toutes ces limitations, il y a en nous une puissance de dépassement qui nous permet, justement, de compenser l'absence des conditions terrestres, c'est-à-dire de les réaliser en des conditions qui sont naturellement impossibles. C'est un dépassement analogue, d'ailleurs, que nous avons accompli depuis que la science existe, puisque nous avons créé, pour connaître le monde, des instruments devenus indispensables, tellement que, aujourd'hui, la science est définie précisément par ses conditions instrumentales. Le savant n'observe plus par ses sens, il observe par ses instruments qui sont eux-mêmes le fruit de ses calculs, et, à chaque instant, le monde change d'échelle, bien que notre biologie reste la même. C'est pourquoi nous pouvons engager notre corps - nous le pourrons de plus en plus - en des conditions naturellement impossibles : par ce jeu de compensation qui nous permet de rétablir, en des situations extraterrestres, les conditions de notre vie ici-bas.
- Le corps, clavier de l'esprit.
Mais, ce qui est beaucoup plus remarquable encore, c'est que, non seulement nous pouvons échapper à la pesanteur, non seulement nous pouvons vivre en dehors de notre atmosphère, non seulement nous pouvons découvrir toutes les radiations qui échappent à notre perception sensorielle, mais notre corps est lui-même un carrefour de symboles, un noeud de significations où les plus hautes réalités se peuvent faire jour. Il y a là quelque chose qui nous intéresse au premier chef et que Merleau Ponty, entre autres, a profondément scruté. Vous vous rappelez cette danseuse admirable qui s'appelait Isadora Duncan, qui était l'amie des Sakaroff et qui dansait devant eux une danse qu'elle improvisait à l'intention de ses amis. Et les Sakaroff pantois d'admiration, l'applaudissaient de toute leur amitié, quand elle leur cria soudain : " Ce n'est pas moi, c'est l'Idée !". Elle était parfaitement consciente, en effet, que son corps, à ce moment, exprimait quelque chose d'intérieur et de sacré, comme les Sakaroff le voulaient eux-mêmes dans leurs danses, parce qu'ils avaient le sens du sacré à un degré si profond qu'ils ne pouvaient envisager la danse autrement que comme la manifestation d'une réalité infinie. Notre corps est un carrefour de symboles et un noeud de significations qui peuvent servir de clavier à l'esprit, alors que, souvent, ce que nous appelons l'idée peut être simplement le véhicule d'une passion brutale.
Dans ce temps de lavage de cerveau où l'on fait une si grande consommation de pseudo-idées que l'on martèle dans la sensibilité pour en faire autant d'instruments d'aveuglement et d'asservissement, nous constatons, en effet, que souvent le monde des idées est, en réalité un monde passionnel et que, en prétendant former la pensée on peut établir la plus épouvantable servitude : alors que, au contraire, le corps dans la parole, le corps dans la musique, le corps dans la danse, le corps dans la couleur, peut atteindre et exprimer le plus intime de nous-même. Au point qu'on peut dire que l'éducation la plus efficace est une éducation à base de musique - comme Platon l'avait déjà pressenti - qui ordonne et harmonise notre physiologie et jusqu'à nos rythmes physico-chimiques, en faisant de tout notre être une musique.
Par là s'établit une espèce de silence profond et admirable qui nous rend disponible à la contemplation et aux rencontres privilégiées où la vie de l'esprit atteint au sommet. Or, la parole, la musique, la couleur, sont des vibrations matérielles, matériellement enregistrables, qui passent par le corps comme elles sont elles-mêmes corps et, cependant, elles peuvent nous délivrer du poids de la chair et du sang, des impulsions de la brute et des servitudes de la tribu. N'est-ce pas la musique, en effet, qui éveille en nous le sens le plus délicat de la liberté, de l'admiration, de la tendresse ? N'y a-t-il pas des pianistes dont les mains sont des mains de lumière ? Tandis que les pseudo-idées d'un Rosenberg ou d'un Hitler, ne sont que les marteaux-pilons d'une tyrannie démentielle. Notre corps est donc un corps ouvert, comme l'est notre biologie, un corps transformable, un corps éducable, un corps qui peut devenir musique, un corps qui peut être libéré, un corps qui peut exprimer le plus intime de nous-mêmes. Notre corps, autrement dit, peut revêtir une dimension humaine et il est appelé à le faire. Nous avons à créer notre corps sous cet aspect comme nous avons à créer notre personnalité. Et au fond nous le sentons bien, dès que nous refusons d'être objet. Si nous sommes si profondément blessés dès qu'on nous traite en chose et que l'on souligne malignement nos déficiences corporelles, c'est, justement, que nous avons le sentiment de n'être pas simplement "une chose au milieu du monde" nous sommes appelés, en effet, à décoller de notre environnement cosmique et à le transformer : au point de ne devoir rien accepter sans d'abord le peser, sans d'abord scruter sa valeur et sans décider du pour et du contre, selon le mot si juste de Camus : "L'homme est la seule créature qui refuse d'accepter d'être ce qu'elle est."
- Corps et âme.
Nous ne devons accepter, aussi bien, tels quels, ni notre corps, ni notre esprit. Nous avons à recréer l'un et l'autre en nous libérant, finalement, de ce moi possessif, de ce moi biologique, de ce moi pesanteur, de ce moi cosmique qui nous empêche de nous réaliser, en nous imposant des idées ou des options préfabriquées. Car c'est dans la mesure où nous échappons à l'envoûtement de ce moi propriétaire et possessif que nous devenons vraiment nous-mêmes. Et non pas seulement nous-même, dans notre pensée, mais nous-même aussi dans notre corps. D'ailleurs, cette dichotomie, cette opposition abrupte du corps et de l'esprit, est absurde, meurtrière et dangereuse : rien ne la cautionne. Il y a en nous, constamment, un mouvement du dehors au dedans et du dedans au dehors. Notre corps ne donne toute sa joie, toute sa beauté, tout son rayonnement et il n'atteint à son unité, comme il ne prend une expression humaine, que s'il est traversé par le courant de la vie intérieure. Et cette vie intérieure est elle-même impossible si elle ne s'exprime à travers le corps, si elle ne rayonne à travers un sourire.
Le véritable itinéraire va, en réalité, non à sens unique du corps à l'âme - pour nous évader du corps - mais du moi biologique, du moi servitude, du moi préfabriqué, du moi qui m'est tombé dessus comme un colis jeté sur un quai de gare, - du moi que je ne suis pas, en un mot - au moi qui est universel, au moi qui est don , enfin, et que nous percevons dans la lumière et la transparence de l'amour. Ce passage, ce changement d'étage, cette libération s'annonce et retentit nécessairement dans tout notre être. C'est tout notre être, corps et âme, qui devient personne, origine, source et valeur. Bien entendu, cela suppose que nous accomplissons notre métier d'homme et que nous acceptons vraiment de nous faire et de nous créer, en refusant de subir ce que nous sommes, selon la consigne de Camus.
- Route de l'immortalité.
La plupart des vies, malheureusement, sont des cadavres d'humanité, remorqués par les énergies physiques données à la naissance : c'est-à-dire que la plupart des hommes sont portés par leur biologie au lieu de la porter. Ils meurent avant de vivre. Et c'est précisément cela la vraie mort: celle qui se situe avant la mort dans cette identification passive avec la biologie. On en a tellement le sentiment devant ces vies toutes faites qui obéissent à un schéma préfabriqué, devant ces vies copies-conformes, devant ces visages "types Hollywood" que l'on retrouve un peu partout : anonymes et superficiels. On n'y reconnaît pas l'homme avec toute sa puissance de dépassement. On n'y rencontre pas cette création dont la vocation est au coeur de notre être. C'est pourquoi le vrai problème, encore une fois, n'est pas de savoir si nous serons vivants après la mort, mais bien si nous serons vivants avant la mort. Car il n'est pas question de réclamer l'immortalité pour notre biologie, prise comme telle, qui ne vaut pas plus que celle des punaises ou des chacals. L'immortalité n'est pas une rallonge mise à notre vie biologique dans la crainte de crever. Ce n'est pas du tout cela.
L'immortalité est une valeur, une dignité, une vocation, une exigence : comme la personnalité et comme la liberté. C'est pourquoi nous sommes des candidats à notre immortalité. Elle ne peut nous être donnée toute faite, pas plus que notre personnalité, pas plus que notre liberté. Elle est, en nous, d'abord l'appel à cette transformation créatrice où l'homme atteint à une sorte d'aséité en devenant vraiment la source de sa vie : dans le dialogue silencieux où sa personnalité se réalise, dans l'échange avec la Présence infinie qui est, comme disait Augustin, la Vie de notre vie. Il est clair que si nous ne pouvons demeurer objet, nous avons à nous faire sujet. Devenus sujets, nous ne pouvons plus être simplement un grumeau cosmique, un accident, une dépendance de l'univers physico-chimique. Il est impossible, en effet, que la valeur à laquelle nous avons à nous consacrer ou plutôt, la valeur que nous avons à devenir et qui tient à nous-mênes, subsiste en se détachant de nous. Le génie d'un homme, la lumière qu'il est, la vertu dont il rayonne, la bonté dont il nous apporte le soleil, tout cela ne sont pas des choses séparables de lui. S'il périt tout entier, toute valeur périt avec lui et toute sa vie se réduit finalement à un objet. L'homme alors n'est pas réellement un sujet, il n'est pas réellement créateur, il n'a pas réellement une dignité inviolable. Il passe comme tout le reste, et toutes ses valeurs prétendues ne sont que poussière.
Mais, bien sûr, si l'on en admet l'exigence, cette qualité de sujet ne peut s'affirmer et se révéler que par une ascension, une montée continuelle. Si nous n'accomplissons pas cette ascension, si nous ne nous libérons pas de nos adhérences possessives, si nous nous laissons porter par le courant, si nous nous ensevelissons dans notre biologie, nous sommes déjà morts, car nous nous livrons nous-mêmes à la mort en nous immergeant dans ces énergies physiques limitées dès le départ, qui se nivellent sans cesse jusqu'au niveau étale de la mort. Il y a donc une promotion humaine à réaliser. Il faut que le niveau de la vie constamment s'élève. Il faut que les énergies physico-chimiques se transforment. Il faut que la biologie s'éternise. Il faut que toutes les fibres de notre être se libèrent et expriment notre pouvoir créateur, en laissant deviner et en communiquant cette source que chacun de nous est appelé à être.
C'est pourquoi l'au-delà n'est pas à situer après la mort, il est d'abord un au-delà de la biologie et il est en réalité un au-dedans. Rigoureusement parlant, en effet, on ne peut parler d'après la mort, parce que le disque du temps tourne autour d'un centre immobile, parce que la vie devenue valeur est une vie intemporelle, une vie supra-temporelle, ou, comme disait Mounier : "une survie", non au sens d'une vie "après", mais au sens d'une vie qui, dès maintenant, se dépasse, d'une vie qui se transforme et se transfigure, d'une vie qui s'éternise et s'universalise, en faisant de chacun, un bien commun, c'est-à-dire un être unique que toute l'humanité est intéressée à défendre, parce qu'il est pour tous un ferment de libération irremplaçable.
- Refonte du moi.
Il est clair qu'une telle transformation est inconcevable si elle n'atteint pas le tout de nous-mêmes. 0n ne peut imaginer, en effet, un être en état de générosité, un être qui devient vraiment lui-même, qui atteint réellement à son moi-valeur, sans que sa chair tout entière se transfigure, s'allège de sa pesanteur et échappe à la convoitise qui la subordonnerait aux énergies cosmiques. Il est normal, au contraire, qu'elle irradie dans l'univers cette paix intérieure qui eurythmise toute chose, qui répand son harmonie autour d'elle et qui peut, comme Saint-François, se diffuser jusque dans la conversation avec les animaux, en réalisant l'unité de toute la création dans le coeur du Premier Amour. C'est dans ce sens que l'on peut comprendre le mot de Valéry disant, par boutade sans doute et peut-être pour paraître plus cynique qu'il ne l'était vraiment : "Ce que j'ai de plus profond : ma peau !". Oui, dans un sens , la peau c'est quelque chose d'infiniment précieux. La peau respire et on meurt si la peau cesse de respirer. La peau perçoit, la peau connaît et c'est admirable ce qu'elle peut discerner dans l'univers. C'est à travers la peau que passe le sourire et toute la lumière de la tendresse. Oui, la peau ... A condition que ce soit la peau revêtue de sa dimension humaine et promue à la dignité de sujet, la peau devenue visage et sacrement de ce moi-nouveau , issu de la nouvelle naissance, qui consume le moi possessif et préfabriqué dont nous ne cessons d'être encombrés.
C'est évidemment à partir de là que le problème de la mort à la fois se pose et se résout. Rien n'est plus étonnant, cependant, que ce fait : que l'immense majorité des hommes ne remettent pas en question leur moi. Ils prennent leur moi pour argent comptant. Ils ont dit "Je" et "Moi" depuis l'âge de deux ou trois ans avant d'avoir rien choisi, et c'est toujours sur ce "Je" et "Moi" préfabriqués qu'ils posent les fondations de leur vie. C'est toujours autour de ce moi infantile que se nouent leurs revendications et ils défendent avec le bec et les ongles un "moi" qui leur est tombé dessus, dont ils ne sont nullement les auteurs et qui est, au contraire, la limite de leur croissance et l'obstacle essentiel à la constitution de leur personnalité. C'est précisément à partir d'une refonte radicale de ce moi-objet que doivent s'accomplir la transfiguration et la transmutation qui nous arrachent à la mort et préludent à notre résurrection. Rien ne rend plus sensible cette transmutation que la mort de Saint-François. Dans la mort du Poverello, en effet, nous sentons le merveilleux accord d'une chair tendue elle-même vers la rencontre avec la Présence dont elle vit - car c'est une chair consacrée, une chair stigmatisée, une chair presque déjà glorifiée - nous sentons, dis-je, le merveilleux accord entre cet élan d'une chair transfigurée avec le regard intérieur que va combler le face-à-face avec la divine Lumière. Quest-ce qui va mourir en lui ? Oui, en François, qu'est-ce qui peut mourir encore ? Les dernières traces d'une biologie qui n'est pas encore totalement purifiée ? Car il n'y a que la mort qui meure. Seul peut mourir, en effet, ce qui est déjà mort. Seule donc meurt la mort, encore une fois : ce qui a déjà cessé ou n'est plus capable de vivre. Est-ce alors qu'il y aurait en lui, à cette heure, quelque vestige d'une inclination encore insuffisamment éternisée ? 0u bien, n'est-ce pas plutôt la dernière attache qui le relie à ce monde et pour vivre en lui qui va se rompre, parce qu'il est devenu pleinement source et origine,qu'il n'a plus rien à emprunter au monde et qu'une rampe de lancement n'est même plus nécessaire à son élan.
- Vers la résurrection.
Aussi bien, si notre corps est d'abord le cordon ombilical qui nous enracine dans le monde physique pour y vivre, il est plus que cela, et rien ne prouve, s'il est vraiment humanisé, qu'il ne puisse subsister, sous un aspect d'ailleurs impossible à imaginer, pour vivre, non plus dans la dépendance de ce monde, mais dans une entière libération de lui. Je répète que le cadavre n'est plus le corps, n'est aucunement le corps, mais un conglomérat d'éléments sans liens organiques, en voie de dissolution. Cela permet de poser la question : si notre corps en tant que conditionné par notre habitat terrestre, prend une forme relative à lui, quelle forme peut-il prendre quand il a cessé d'en dépendre ? L'embryon dans le sein maternel n'a-t-il pas toutes les promesses de la vie, comme les nucléons, c'est-à-dire les éléments infimes du noyau atomique qui sont, dans la matière, le réservoir de toutes les énergies ? Ne peut-on concevoir analogiquement, dans cette perspective, que le corps réduit à son essence, à sa longueur d'onde caractéristique, demeure en dépit du cadavre, comme un germe de résurrection ? Ne peut-on penser qu'au-delà de la mort - s'il a conquis son unité personnelle tout au moins - l'être humain est de quelque manière, capable de subsister tout entier : sous une forme qui échappe à toute manifestation sensible ? Je suis porté à le croire. Quand on lit dans l'Evangile, les apparitions de Jésus après la Résurrection, on est inévitablement frappé par une sorte d'ambiguïté. Son corps est un corps qui peut se manifester dans le monde sensible, mais qui n'en dépend plus. Et c'est pourquoi il a revêtu un mode d'existence qui déconcerte les Apôtres et qui les remplit, à la fois, d'effroi et d'admiration.
C'est dans cette direction que nous cherchons l'image d'une survivance intégrale de l'homme, en la considérant par hypothèse comme possible et en nous demandant une fois encore : ne peut-on croire qu'un être comme Saint-François, qui s'est tout entier transformé en lumière et en amour, qui s'est totalement libéré de sa biologie, dont toutes les fibres sont vivantes de Dieu, ne porte plus rien en soi que la mort puisse encore purifier, car il n'y a plus rien en lui à émonder. Tout est clair à cette heure, tout est devenu transparent. Cette défroque qu'il va laisser à la terre comme un placenta désormais inutile, ce sont les éléments du monde qui ne sont plus susceptibles de vivre, mais ses disciples perçoivent en lui la transfiguration, la transmutation de sa biologie, elle-même éternisée. Ne peut-on penser qu'il en subsiste quelque chose - comme le noyau atomique ou la particulela plus infime de ce noyau, comme l'embryon à son premier commencement, pour donner une image intelligible dans notre monde - qui constitue justement le germe de la résurrection ? Et si cela est vrai proportionnellement pour chacun, peut-on aller plus loin et admettre que la résurrection, le plein épanouissement du corps de gloire, puisse s'accomplir pour chacun, aussitôt que se réalise ce que Hegel, dans un tout autre contexte, appelait : "La parfaite adéquation du dehors au dedans", quand il devient définitivement source et origine, quitte à reconnaître que cette résurrection ne se manifestera à tous et pour tous, qu'à la consommation de l'Histoire ?
- Vocation exaltante.
Si la biologie a été vraiment surmontée, si elle a été personnifiée, si elle a été valorisée, si elle a été éternisée - s'il est admis, d'ailleurs, que le cadavre n'est pas le corps - il m'est difficile de croire qu'il n'en subsiste quelque chose comme le germe de la résurrection. Pour donner au corps toute sa valeur humaine et nous inculquer cette vocation de créateur qui est la nôtre, il ne servirait de rien, en effet, de nous engager de vaincre la mort, si nous ne pouvions transformer notre biologie, si nous ne pouvions recueillir et éterniser le temps, si nous ne pouvions décoller peu à peu des dépendances cosmiques : de manière à pouvoir vivre intégralement, sans aucunement relever d'un emprunt à cet univers qui nous mettrait dans sa dépendance et nous enfermerait dans ses limites. Il y a en nous un appel urgent et qui est tout à fait conforme au sens même de l'Incarnation - où Dieu précisément, se fait chair, se manifeste dans le monde visible - il y a en nous une vocation intérieure de glorifier notre corps, c'est-à-dire d'en faire vraiment l'expression d'une vie créatrice et le sacrement de la Présence divine. Si nous ne sommes pas tout entier dignité, personne, source et origine, nous retombons dans une espèce de manichéisme extrêmement périlleux et nous risquons d'être engagés dans une guerre absurde et destructrice du corps contre l'esprit ou de l'esprit contre le corps.
Il me semble, au contraire, que l'harmonie de la Nouvelle Alliance et la splendeur de l'Incarnation, c'est de nous appeler à cette unité parfaite où le monde visible est le Sacrement du monde invisible, où le temps se convertit en éternité, où la terre devient le Royaume de Dieu et où l'Evangile Eternel s'exprime dans le rayonnement de l'humaine bonté. C'est cela qui peut seul constituer pour nous un horizon assez grand pour solliciter notre enthousiasme et nous engager à une persévérante ascension. Quoi de plus exaltant, en effet, que d'avoir sans cesse à nous recréer nous-même tout entier, pour recréer du même coup, l'univers qui nous a fait d'abord une avance d'énergies; en lui retournant ces énergies, mais transfigurées dans le rayonnement de l'amour, comme le fait Saint-François d'Assise quand il chante le "Cantique du Soleil"
- Mort où est ta victoire ?
C'est par cette voie, je pense, que nous ferons l'expérience non pas d'une mort subie, mais d'une mort peu à peu vaincue, d'une mort don. Nous triompherons à mesure que nous progresserons dans cet univers personnel qui coïncide avec notre libération, et qui transparaît, parfois, dans le sommeil heureux d'un petit enfant : devant lequel nous sommes tentés de nous agenouiller, parce que nous devinons, dans son émouvante gravité, tous les possibles, encore intacts, qui pourront devenir en lui, la manifestation de la grandeur créatrice de l'homme. Est-il téméraire de déduire de ces réflexions que s'interroger sur ce qui se passera après la mort est un problème mal posé et que le vrai problème, pour nous, est ce qui se passera avant la mort : ce que nous déciderons de faire pour la vaincre ?
Un certain jour se lève en nous, quand nous nous perdons de vue dans l'émerveillement de toute rencontre où transparaît la Présence unique, toujours reconnue, parce que nous l'éprouvons comme un don qui suscite le nôtre. Nous ne tentons pas de la définir. Elle s'atteste par sa propre clarté. En elle nous passons des ténèbres à la lumière, de la servitude des instincts à la liberté des vertus, de la dispersion où nous jettent l'inquiétude et l'ennui à l'unité du moi oblatif où nous atteignons enfin à nous-même. Nous découvrons alors qu'il n'y a pas d'autre chemin vers une existence dont la plénitude se révèle indivisiblement comme fin et comme origine : que ce passage, sous son aimantation, du dehors au dedans, où nous émergeons de notre nuit. On ne voit rien ! mais on voit, et tout s'éclaire dans cette connaissance où l'on naît à soi dans un Autre. Ici, vraiment, connaître, c'est être ou, tout au moins, devenir plus être dans une vie qui s'éternise.
On conçoit mal quel supplément de vérité pourrait nous apporter ici une manifestation sensible des trépassés. Les signes qu'ils nous pourraient donner s'inscriraient inévitablement dans les limites dont nous avons précisément à nous affranchir, et nous détourneraient d'un au-delà qui est au-dedans. Ce n'est pas du dehors que l'expérience s'en peut induire en nous. Il nous faut devenir cette "survie" pour en percevoir la réalité et y découvrir la Vie de notre vie. La vraie mort est de n'y point atteindre et non la mort physique, dont nous pouvons faire un acte de vie par une progressive libération qui obtient en elle sa suprême maturité. Une telle libération engage nécessairement tout notre être, aliéné à soi tant qu'il n'est pas devenu source et origine en s'identifiant avec la Générosité mystérieuse qui nous fait passer du dehors au dedans. Notre vie mentale, plus encore que notre vie charnelle, a besoin de cette radicale intériorisation. Mais la chair autant que l'esprit y trouve sa joie et sa lumière dans la transparence où elle respire : dès qu'elle se recueille dans la "Musique silencieuse" qui est un autre nom de Dieu. C'est pourquoi Saint-Paul, qui se mouvait avec une parfaite aisance dans un corps affranchi de toute convoitise, nous a donné cette consigne qui scelle notre unité dans la dimension divine où la chair et l'esprit s'échangent et s'identifient dans une indissoluble offrande : "Portez et glorifiez Dieu, dans votre corps."
Maurice Zundel
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| Sujet: Père Maurice Zundel 16.03.13 21:06 | |
| Suis-je capable d’accueillir avec le Christ un Dieu qui se fait lui-même fragilité, qui doute, semble reculer devant sa Passion (cf. Matthieu 26, 39 ; Marc 14, 36 ; Luc 22, 42) et meurt sur une croix ? « En s’incarnant, en prenant la condition d’esclave jusqu’à la mort et la mort sur la croix, dans ce mouvement de kénose1 qu’évoque l’apôtre Paul dans l’hymne aux Philippiens, Dieu se cache dans la faiblesse d’un corps livré. Ce n’est pas une nouvelle identité de Dieu, c’est la révélation de ce qu’elle a toujours été dès l’origine : la puissance d’amour, créatrice de vie2 . »
À travers cette figure d’un Christ fragile, quelque chose nous est dit de la fragilité de son Père : « Le Christ, dans sa souffrance, nous a révélé Dieu comme celui qui se laisse toucher, qui n’est pas indifférent », déclare Bernard Ugeux (p. 70). N’est-ce pas tout le message de la vie terrestre de Jésus ? « Le Christ s’est laissé toucher par la souffrance du monde. Il a partagé notre souffrance et a déclaré : “Qui me voit, voit le Père” (Jean 14, 9). Donc, quand Jésus pleure sur Jérusalem, le Père pleure sur Jérusalem. La souffrance du Christ sur la croix, loin d’atténuer le scandale de l’impassibilité du Père, semblerait plutôt l’accroître » (idem, p. 67).
C’est cette même figure d’un Dieu fragile qui avait été révélée à Élie : « Et voilà que Dieu passa. Il y eut un grand ouragan, si fort qu’il fendait le montagnes et brisait les rochers, en avant de Dieu, mais Dieu n’était pas dans l’ouragan ; et après l’ouragan un tremblement de terre, mais Dieu n’était pas dans le tremblement de terre ; et après le tremblement de terre un feu, mais Dieu n’était pas dans le feu ; et après le feu, le bruit d’une brise légère. Dès qu’Élie l’entendit, il se voila le visage avec son manteau, il sortit et se tint à l’entrée de la grotte » (1 Rois 19, 11-13).
On peut même parfois être décontenancé par une telle vision de Dieu. C’est de dont témoigne Bernard Ugeux dans une interview donnée au journal La Vie : « J’ai dû aussi accepter l’impuissance de Dieu. Ce Dieu par qui l’homme qui souffre se sent si souvent abandonné, ou bien puni injustement. Ce Dieu dont on demande pourquoi il ne fait rien, s’il est Dieu. Dans le cadre de mon travail de prêtre, cette révolte systématique des victimes, souvent teintée de culpabilité, m’a énormément perturbé. C’est au moment où on est le plus fragile, et où on a le plus besoin de Dieu, qu’on s’en méfie en lui imputant tous nos maux !
C’est pourquoi la fragilité humaine nous contraint à un travail crucial de déminage des images : Dieu n’est pas tout-puissant, on lui prête un pouvoir dont il n’a jamais voulu ! Il ne peut pas manipuler les choses, il ne sait que s’offrir. Or se laisser aimer, se recevoir d’un autre, c’est ce qu’il y a de plus difficile au monde – nous sommes hautement responsables de l’amour que nous donnons aux autres, mais jamais de la façon dont ils le reçoivent, en vivent et s’en réjouissent, ou pas. Si pourtant nous nous laissons aimer par Dieu, il peut faire des choses extraordinaires. Mais cela requiert notre collaboration et notre consentement. “Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort”, dit saint Paul, parce qu’alors je donne au Seigneur l’espace pour qu’il puisse agir. Accepter le trésor d’être aimé, c’est là qu’est le salut, bien plus que dans la guérison » (11 décembre 2008, p. 44-45).
Maurice Zundel professait de même : « Si je pouvais résumer toute ma foi elle est vraiment là… je crois à la fragilité de Dieu parce que, s’il n’y a rien de plus fort que l’amour, il n’y a rien de plus fragile. Dieu est fragile, c’est la donnée la plus émouvante, la plus bouleversante, la plus neuve et la plus essentielle de l’Évangile. Un Dieu fragile remis entre nos mains 3… »
Pour poursuivre notre méditation, on peut relire à cette lumière l’épisode du fils prodigue (Luc 15, 11-32) qui nous révèle l’image d’un Dieu vulnérable : « “Comme il était encore loin, son Père l’aperçut…” (Luc 15, 20). Une nouvelle fois, revenons à ce magnifique personnage qu’est le père de l’enfant prodigue. Le Christ vulnérable nous montre la vulnérabilité du Père. Cœur du Père qui t’attend avec une infinie patience, qui t’espère plus que tout, totalement désarmé. Cœur du Père qui ne peut te forcer à l’aimer sans se renier. Vulnérabilité absolue de Père qui “s’use les yeux” à guetter ta venue4 » (Denis Trinez, p. 85).
1 La kénose est une notion de théologie chrétienne exprimée par un mot grec provenant de l’Épître aux Philippiens : « (Le Christ), étant dans la forme de Dieu, n’a pas usé de son droit d’être traité comme un Dieu, mais il s’est dépouillé (ekenôsen) prenant la forme d’esclave. Devenant semblable aux hommes et reconnu comme un homme, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix » (Philippiens 2, 6-7). La kénose désigne le mouvement d'abaissement par lequel Jésus s’est dépouillé de ses attributs divins pour rejoindre notre humanité jusqu’à vivre l’obéissance totale et la mort sur la croix.
2 P. Dominique Cupillard, « La faiblesse de Dieu », Christus 178, 1998, p. 149 (cité par Denis Trinez, p. 83-84).
3 Maurice Zundel, Un autre regard sur l’homme, Le Sarment-Fayard, Paris, 196, p. 125 (cité par Denis Trinez, p. 88)
4 Paul Baudiquey, Pleins signes, Cerf, Paris, 1986, p. 116.
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Messages : 24302
| Sujet: Re: Père Maurice ZUNDEL 16.03.13 21:22 | |
| Credo Maurice Zundel Je crois en l’homme créateur de l’homme. Je crois en la trinité humaine, Père, Mère et enfant. Je crois en la virginité de la paternité et de la maternité authentique. Je crois en la virginité de l’amour. Je crois en la communion de la lumière où les personnes s’engendrent et se reconnaissent réciproquement. Je crois à la valeur infinie du corps humain et à son éternité. Je crois que Dieu est la Vie et le secret du corps comme il se révèle en lui. Je crois qua Dieu se fait corps autant qu’il se fait homme. Je crois que le corps ne devient lui-même qu’en déployant sa dimension mystique qui le personnifie et qui échappe à toute possession, Je crois que l’amour est un sacrement qu’il faut recevoir à genoux. Dieu est donc bien le dieu des corps, comme nos corps sont appelés à devenir le corps de Dieu pour donner les larmes à sa douleur et plus encore nous rendre sensible: le sourire de son amour |
| | | | Père Maurice ZUNDEL | |
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