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 le Dieu pervers

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MessageSujet: le Dieu pervers   le Dieu pervers Icon_minitime22.08.11 16:32

COMMENT EST-CE POSSIBLE ? Le Dieu chrétien n'est-il pas le Dieu d'amour ? Que lui est-il arrivé ?
On l'a changé peut-être en moraliste sec, qui ne connaît que le devoir; ou, du Dieu de chair, présent dans Jésus, on a fait le Dieu froid et vide du déisme.
Cela arrive, en effet. Mais cela ne suffit point à expliquer l'apparition, dans le champ chrétien, du monstre inimaginable : car c'est bien quand il est « amour » qu'il est le pire. Écoutons.
Dieu est amour: il donne tout, il pardonne tout, il se donne lui-même jusqu'à mourir pour nous, en son Fils, sur la croix. Sa grâce inépuisable nous fait entrer dans la vraie vie, joie, liberté, amour.
Seule condition : croire et l'aimer. Et comment ne l'aimerions-nous pas comme il nous aime ? La vraie vie, c'est de lui donner tout et porter notre croix. Et, puisque « Dieu aime celui qui donne avec joie », nous traduirons l'échec en bonheur, nous offrirons à l'Amour la maladie, la solitude, la dépression, la vie ratée. « Tout est grâce ».
Dieu aime tant qu'il exige tout, veut pour lui seul tout notre désir, détruit tout ce qui eût fait notre joie trop humaine.
A quiconque voudrait échapper à son amour implacable, Dieu oppose la menace terrifiante de la perte absolue, éternelle. Celui qui ne vit pas pour Dieu ne doit plus être que faute et tristesse. Ainsi, dès que nous osons vivre pour nous notre propre vie, Dieu n'est plus que ressentiment. Et comme ce désir en nous est trop fort pour s'effacer devant l'Amour, aimer Dieu c'est se haïr, c'est vouloir la mort, vouloir le néant (comme disait Nietzsche).

Mais alors... il ne nous aime pas du tout ! Car nous, « si méchants que nous soyons » (comme dit l'évangile), nous sommes tout de même capables d'aimer plus généreusement.
Découverte terrible : le Dieu bon n'est pas bon, mais cruel. Despote arbitraire, père indigne, surveillant mesquin et odieux, sadique avide de notre douleur : accablante litanie.
Découverte interdite; car c'est là ce qu'il ne faut pas dire, ni murmurer, ni se dire à soi-même. Ce blasphème serait la faute irréparable qui nous ferait perdre l'amour de Dieu, c'est-à-dire perdre tout.
Si donc il est cruel, c'est encore, nécessairement, de ma faute. C'est que je suis si mauvais que je n'arrive pas à ne pas le haïr. Il n'est pour moi ce monstre que parce que je suis moi-même un monstre. Je suis coupable à fond, coupable d'exister. Ma faute, c'est d'être né.
Il ne me reste, pour justifier Dieu, qu'à me haïr moi-même enfin sans réserve, c'est-à-dire à me damner. Que je me fasse enfer, puisque je ne sais vivre son amour que comme ma perte. Le seul chemin qui me reste est de m'emmurer dans cette folie.
Impossible de lui échapper. Devant la froide Nécessité, dignité et résignation. Devant Moloch le dévorant, payer le prix ou se révolter. Mais devant le feu de l'Amour ? Rien d'autre que vivre intensément la contre-vie, désirer à contre-désir, naître à la contre-naissance.
Là se noue le désespoir absolu.
Si, enfin, le nœud se défait, explosion de fin du monde. Le Dieu d'amour n'était pas seulement cruel, mais pervers.

Le Dieu pervers, Desclée de Brouwer, 1998, pp.16-17 Maurice BELLET
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