Pas de problème puisque pas de solution
17 ans de loi Léonetti et ce n'est pas un record !JL me fait péter les plombs ( j'ai fait plusieurs sortes de jeûne par curiosité malsaine ), comment ces drogués finissent leur vie ? ils sont inaptes à la sédation profonde continue jusqu'au décès à cause de l'accoutumance aux produits sédatifs, d'après moiAdminCrise du crack à Paris : retour sur 30 ans d'errance et de consommation à ciel ouvert
Alors que le camp insalubre d'usagers du crack fête sa première année d'installation dans le 19e arrondissement, retour sur l'histoire de cette drogue à Paris.
La crise du crak dure à Paris depuis la fin des années 1980.
La crise du crack dure à Paris depuis la fin des années 1980. (

IP3 PRESS/MAXPPP)
Par Olivia Kouassi
Publié le 23 Sep 22 à 6:28
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C’est un « problème sans fin ». Depuis 2019, les déplacements forcés de consommateurs de crack se multiplient à Paris jusqu’à l’évacuation, il y a pile un an, le 24 septembre 2021, des toxicomanes installés aux Jardins d’Éole, dans le 18e arrondissement. Des bus sont alors affrétés et une centaine de personnes est amenée aux portes de Pantin (Seine-Saint-Denis) à deux pas de la place Auguste-Baron dans le 19e arrondissement.
À quelques jours de « l’anniversaire » de l’arrivée des toxicomanes, les opérations de police et les interpellations se multiplient aux abords du camp. Il faut dire que le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a donné, en juillet 2022, une année au nouveau préfet de Paris, Laurent Nuñez, pour « régler » cette situation « dramatique ».
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Une crise vieille de deux décennies
Pourtant, le « problème » du crack, de sa consommation à ciel ouvert et de l’installation de ses usagers dans des campements insalubres, remonte à près de 25 ans, à la fin des années 1990. Quand, comment et pourquoi la consommation de cette drogue peu chère et dévastatrice a-t-elle pris racine dans la capitale ? Retour sur un feuilleton qui occupe la scène politique locale depuis deux décennies.
Ces scènes se sont créées au gré des déplacements des populations d’usagers de crack, et des démantèlements de scènes opérés par les forces de police et par les stratégies de rénovation urbaine qui réduisent le nombre de petits espaces exploitables pour les usagers et qui favorisent la constitution des grandes scènes ouvertes.
Inserm, Fédération Addiction, Aurore, Gaïa, Oppelia, Agora et collectifs de riverains
Plan pour la disparition des scènes ouvertes de drogues
Héroïne, première drogue consommée à ciel ouvert
Jusque dans les années 1980, la vente en appartement entre usagers-revendeurs était la norme, détaille Alexandre Marchant, professeur agréé d’histoire et auteur de la thèse « L’impossible prohibition des drogues en France des années 60 à 90 ».
L’héroïne arrive en France en 1983 et va rapidement proliférer dans la capitale dans un contexte de crise économique et de chômage de masse. Consommateurs et trafiquants de cette drogue extrêmement addictive vont rapidement se concentrer dans un petit quartier insalubre du côté de la gare de Lyon : l’îlot de Chalon. Près de 20 000 toxicomanes s’y approvisionnent alors.
On note l’existence de ghettos tels que l’îlot de Chalon ou la rue de l’Ouest à Paris où il est possible de s’approvisionner aisément auprès de dealers qui agissent quotidiennement en toute impunité, inquiètent et exaspèrent une opinion publique d’autant plus angoissée que tout un chacun se sent concerné et en même temps impuissant.
Juge d’instruction Bernard Leroy dans ses notes à la Chancellerie
L’émergence des scènes ouvertes de la drogue à Paris dans les années 80-90, Alexandre Marchant
Le quartier sera entièrement détruit en 1985 et son évacuation sèche « ne fera que déplacer le problème », notamment dans le quartier de la Goutte d’Or dans le 18e arrondissement de la capitale.
L’arrivée du crack dans la capitale
Mais la « grande décennie » de l’héroïne et ses premiers phénomènes de scènes ouvertes, ces lieux de consommation à ciel ouvert, seront le terreau idéal à la prolifération du crack qui fait son entrée dans la capitale en 1989. Le « caillou », dérivé peu cher de la cocaïne, arrive alors des Antilles et trouve, selon Alexandre Marchant, « dans les stations de la ligne 9 du métro ses premiers lieux de deal «publics» ».
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Strasbourg-Saint-Denis, Bonne-Nouvelle… Le trafic prend rapidement racine et les consommateurs vont rapidement se concentrer autour de la place Stalingrad et de la rotonde Leroux. Le lieu, assez espacé et situé dans un quartier populaire, va, selon l’historien, expliquer ce point de fixation historique des consommateurs de crack.
Les riverains sont rapidement indignés et apeurés par ce nouvel espace de consommation à ciel ouvert et organisent en 1994 une grande manifestation. Comme autour de l’îlot Chalon, la forte présence policière n’empêchera pas la situation de se dégrader et l’insécurité s’accroit dans le quartier. À court de solutions et face à la mobilisation des riverains, la mairie de Paris décide en 1994 d’installer des forains.
Ce sont eux qui vont désormais empêcher les toxicomanes d’y stationner pour y faire tourner manèges, cirque et baraques - employant à l’occasion des méthodes musclées pour prendre véritablement possession du lieu...
Olivier Doubre
La "scène" du crack, lieu de vente, de consommation et d'affrontement - Vacarme
Un retour aux sources
Après quelques années d’éparpillement dans les lieux de consommation historiques (la Goutte d’Or, le 9e arrondissement, etc.), où « CRS et baceux parcourent les rues et forcent les usagers à se déplacer sans trêve, sans régler le problème », les consommateurs de crack font un retour massif place Stalingrad en 2001.
Une nouvelle mobilisation de riverains très médiatisée et la création du collectif anti-crack (CAC) va permettre une intervention musclée de la police.
La colline du crack
Les multiples actions coups de poing place Stalingrad vont permettre la création d’un nouvel espace de scène ouverte un peu plus au nord de Paris, à la frontière de Saint-Denis. Les énormes travaux de réaménagement du quartier de la plaine Saint-Denis favoriseront l’installation de centaines de consommateurs au niveau de Porte de la Chapelle, sur les terres-plains de l’immense échangeur entre l’autoroute A1 et le boulevard périphérique.
Le terrain vague se transforme rapidement en campement pour des usagers précaires et devient « la colline du crack ». Véritable lieu de vie, de deal et de consommation, le camp va prendre racine malgré la quinzaine d’évacuations organisées par la police entre 2005 et 2019.
Les usagers seront définitivement déplacés en 2019 sous le règne du préfet de police de Paris Didier Lallement lors du démantèlement définitif du camp. Ce dernier se déplace alors en partie porte d’Aubervilliers avant d’être, lui aussi, démantelé en janvier 2020.
Deux années d’intenses déplacements forcés
Dans un ultime retour aux sources, Stalingrad devient à nouveau, dès l’évacuation de la colline, le centre névralgique du deal avant que les consommateurs de crack ne soient, une fois, encore déplacés par les forces de l’ordre, cette fois dans le jardin d’Éole dans le 18e arrondissement en mai 2021.
La forte mobilisation des riverains, et notamment des tirs de mortiers lancés sur les consommateurs, entraînera, le 1er juillet 2021, leur interdiction d’accès au parc. Sans solution, ces derniers se retrouvent alors aux abords du parc, plus précisément rue Riquet dans le 19e arrondissement.
Ce feuilleton historique nous amène ainsi, il y a pile un an, le 24 septembre 2021, lors de l’évacuation d’une centaine de personnes vers la place Auguste Baron dans le 19e arrondissement de la capitale.
L’érection d’un mur entre Paris et Pantin, les multiples mobilisations et manifestations, et enfin l’annonce le 21 septembre 2022 par le maire de Pantin du saisissement de la Défenseure des droits : le camp Auguste Baron, qualifiée de « plus grande scène de consommation de crack à ciel ouvert d’Europe » est devenu le symbole de l’échec d’une politique de répression.
La répression policière remise en question ?
Au début des années 2000 déjà, le conseiller du 19e arrondissement Roger Madec déclarait être « conscient du fait que la seule répression policière ne peut résoudre sur le long terme un tel problème ». La présence constante depuis deux décennies de forces de l’ordre aux abords des scènes ouvertes en est notamment la preuve.
La figure du drogué irrécupérable a pu passer tranquillement de l’héroïnomane au «cracker» sans que les Français ne soient informés des raisons qui ont fait disparaître l’héroïne de nos rues en une décennie.
Fabrice Olivet, membre de la commission nationale des stupéfiants et des psychotropes de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM).
Janvier 2022 - revue Swaps
Trois années après l’adoption du plan crack, associations et collectifs de riverains en partenariat avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ont dévoilé jeudi 22 septembre 2022 un rapport « pour la disparition des scènes ouvertes de drogues ». « La disparition des scènes ouvertes et l’amélioration de la vie des usagers de crack, des riverains et des conditions de travail des professionnels nécessite des actions volontaristes de la part des pouvoirs publics », rappelle notamment le rapport.
Médiation, lieux d’accueil adaptés, insertion socioprofessionnelle… Pour ces différents acteurs, la crise du crack peut se régler grâce à l’accompagnement. Car, comme le résume Alexandre Marchant, « chasser ne fait que déplacer le problème ».